Arlawoud - La Terre des Loups

Je crois que la mort n'est pas une fin, elle nous donne la paix. Mais je crois que seul une belle vie peut nous rendre heureux
 
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 Mayday ~ il faut 10 caractères

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Kayl




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MessageSujet: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptySam 4 Juin - 20:46

Prologue


Ting. Une voix féminine retentit, demandant aux passagers d’attacher leur ceinture. Apparemment, il y a des turbulences. Rien de bien grave Je mettrais bien une virgule ici dit-elle. L’avion sera un peu secoué, c’est tout. C’est courant, quelques trous d’air. Les passagers de la compagnie Brussels Airlines obéissent docilement, par habitude. Pour beaucoup, ce n’est pas la première fois qu’ils entendent ce genre d’avertissement. Les hommes d’affaires rangent leurs ordinateurs, les petits s’assoient bien au fond de leur siège et arrêtent de gigoter. Puis vient la première secousse. Comme un petit tremblement. L’avion penche un peu vers la gauche, puis se redresse sans encombre. Mais vient ensuite une deuxième secousse, puis une troisième, plus forte. Un bébé se met à crier, sa mère essaie de le calmer sans que cela y change quoi que ce soit. Une vieille femme prie, les autres adultes restent silencieux, son voisin la regarde de travers ← J'imagine que le "son voisin" désigne le voisin de la vieille femme, mais vu qu'il y a "les autres adultes" au milieu, c'est pas très clair., ce n’est pas la fin du monde, quelques secousses. Il a connu des orages plus violents, depuis le temps qu’il voyage d’un bout à l’autre de la planète pour son boulot. Un gamin s’amuse à sentir les mouvements de l’avion et bouger avec lui, il se croit dans les montagnes russes. Sa mère sourit, un peu inquiète mais contente de voir que son fils ne s’en soucie pas ← Ne se fait pas de soucis, plutôt, non ?. Et au fond de l’avion, dans l’une des dernières rangées, une jeune femme blonde sert sa petite fille dans les bras, lui caressant les cheveux. Elle regarde son mari, y voit un soutien et se rassure. Cela va sûrement passer.

En cabine, le commandant de bord redresse la manette. Ses lèvres sont pincées. Aucun des deux hommes présents dans la cabine de pilotage ne parle. Quelque chose n’est pas normal. L’homme aux cheveux poivre et sel tente de faire remonter l’appareil qui commence à descendre, sans aucun résultat. La vitesse chute, tout comme l’avion.

“Merde, qu’est-ce qu’il se passe ?
— Aucune idée.
— On doit atterrir avant de se crasher.”

Une autre annonce est faite. Il faut rester assis, calmes, et attendre. Le commandant va tenter un atterrissage d’urgence. Malgré la demande tous s’agitent, effrayés. Même les plus grands habitués, les blasés qui connaissent tout, commencent à s’inquiéter. Ça, ça ne leur est jamais arrivé. Un jeune se protège en se recroquevillant dans la position de sécurité indiquée en cas de problèmes. D’autres, qui le regardent, effrayés, font de même. L’atmosphère à l’intérieur de l’avion est électrique. Les bruits des moteurs, sous les ailes, qui reprennent peu à peu de la puissance font vrombir les sièges et le sol. Ça pleure et ça crie dans tous les sens, dans un brouhaha de plus en plus terrorisé. Le petit qui jouait ne sourit plus du tout et s’accroche à son siège tout en jetant des regards paniqués à sa mère, qui essaie de rester calme pour lui. Tout le monde s’accroche à ce qu’il peut, oubliant parfois les consignes de sécurité, que plus personne n’écoute à force de les entendre. Mais c’est dans ces moments-là qu’on se dit qu’elles sont toujours utiles.

“Mesdames et messieurs, nous vous prions de rester calmes s’il vous plaît.”

Mais les paroles du commandant se perdent entre les cris et les prières.
On entend les derniers hurlements avant que l’avion ne percute le sol violemment. Les parois de l’appareil résonnent des coups reçus par les passagers au moment de l’impact, tandis que l’engin continue de glisser dangereusement, sans personne pour l’arrêter. Le second essaie désespérément une dernière manœuvre pour les sauver, ce qui a pour conséquence de redresser un peu le nez de l’appareil. C’est déjà trop tard. Il y a un craquement, puis quelque chose de semblable à une explosion, puis le silence. À l’intérieur, plus rien ne bouge, ou presque. L’avant de l’avion est complètement détruit, seul l’arrière ressemble encore à quelque chose. Mais nombre de passagers n’ont pas été épargnés pour autant. Parmi les corps rougis par le sang et noircis par les cendres, quelques-uns seulement bougent encore. Faiblement, mais l’air arrive encore dans les poumons de quatre passagers. Une main bouge, essaie de s'agripper à quelque chose pour ressortir de dessous une plaque de fer. Deux sont inconscients. Et tout au fond, encore blottie dans les bras de sa mère immobile, une petite fille regarde tout de ses grands yeux écarquillés. ← C'EST MAY BORDEL JE SUIS SUR QUE C'EST MAY

Déjà, les passants se regroupent autour des débris éparpillés. La plupart, tétanisés, restent là à fixer les corps ou les membres visibles sous les décombres. Pourtant certains s’approchent, pour repérer les quelques survivants, les aider comme ils le peuvent. Passé le premier choc, un homme a la présence d’esprit d’appeler les secours, même si le bruit du crash a sans doute déjà dû alerter beaucoup de monde.
Les sirènes indiquent que les pompiers arrivent. Les camionnettes rouges, suivies de près par les ambulances, se dépêchent sur les lieux de l’accident. Les passants s’écartent. Ils chuchotent, comme s’ils avaient peur de briser le silence ou de déranger les morts qui s’étendent devant eux. Il n’y a presque plus personne. Les gens s’en vont, ils ne veulent pas rester. Ils ne veulent pas voir les corps dans cet état, ni les voir lorsqu’ils seront placés dans les grands sacs, direction la morgue. Ils ont peur de reconnaître quelqu’un parmi les visages pleins de sang.
Les ambulanciers se ruent vers la partie de l’avion encore debout pour en extraire les survivants. La main appartient à un homme couvert de brûlures, toujours vivant grâce à on ne sait quel miracle. La gamine du fond ne veut pas lâcher la main de sa mère et pleure alors qu’un pompier lui explique calmement qu’elle doit le suivre et que sa maman ne peut pas venir avec eux. Il reste accroupi près d’elle ainsi de longues et précieuses minutes, essayant de détacher la petite du corps sans vie de sa mère. Quand enfin l’homme se relève avec la petite main de l’enfant dans la sienne, on lui crie de se dépêcher. Il faut atteindre l’hôpital rapidement pour sauver le plus de vies possibles. Il hoche la tête, grimpe dans le véhicule et y fait monter l’enfant, puis l’ambulance démarre sirènes hurlantes, laissant le reste des effectifs s’occuper de ceux pour lesquels on ne peut plus rien. ← Par contre, pour tout le paragraphe, généralement quand les avions se crashent ils explosent Mayday ~ il faut 10 caractères 1066276849

“Crash à Bron, près de Lyon : le bilan est lourd. Le nombre de morts est encore inconnu, car nous n’avons pas encore connaissance de la liste des passagers alors présents dans l’avion. Mais sur les quatre rescapés, une personne a perdu la vie cette nuit, tandis qu’une autre est toujours inconsciente. Les deux derniers sembleraient par contre pouvoir s’en sortir. Une enquête est en cours pour déterminer les causes de cette tragédie.”

En face de l’hôpital, à la morgue de Lyon, un médecin légiste remet un drap sur le corps d’une des nombreuses victimes du crash. Il sort de la chambre froide. Il voit des morts tous les jours, c’est devenu une habitude. Il s’approche d’un bureau, prend le combiné. Sa main tremble légèrement alors qu’il consulte une page Internet. Ses doigts tapent sur les touches du téléphone dans un bip sonore, tandis qu’il s’éclaircit la voix. Quelqu’un décroche à l’autre bout.

“Allô ? Madame Van Doorn ?
— C’est moi-même, qui est à l’appareil ? répond la voix.
— Docteur Duval, médecin légiste de Lyon. Je vous informe du décès de votre mari.”

Silence. Il y a quelques murmures étouffés, puis Mme Van Doorn raccroche. Le médecin soupire, repose le téléphone et retourne dans la chambre froide. Il devra passer un coup de fil pour prévenir de la mort de chaque personne identifiée victime du crash. Il prie pour que la liste ne s’allonge pas plus qu’elle ne l’est déjà. Il a l’habitude, certes, mais c’est ennuyeux ← Euh... Moyen quand même, le "c'est ennuyeux..." Ils ont du cœur les légistes quand même et personne ne souhaite déclarer à quelqu’un que sa femme, son mari ou ses parents ne sont plus de ce monde. ← Là c'est mieux, faut peut être enlever le "c'est ennuyeux"
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptySam 4 Juin - 20:50

Chapitre un



Tous les élèves se précipitent dans la salle de classe à la suite de leur professeur. Ils rient, se pressent et se bousculent. Seul un enfant reste en arrière pour ne pas être mêlé à la vague d’élèves. Il a l’air nerveux, ses yeux bleus font des allers retours rapides sur chacun. Il est très calme, par rapport aux autres qui discutent encore en prenant place à leur table. Le gamin ne les regarde pas, et s’enfonce droit vers le fond de la salle, avant de déposer son sac à dos sur son bureau pour sortir un cahier et une trousse. Il s’assoit sur sa chaise de bois et fixe le tableau sans rien dire.
Au milieu du rang, une fillette aux boucles brunes discute joyeusement avec deux amies. Elles s’entendent bien toutes les trois et des éclats de rire se font entendre ← Ça fait un peu "lourd", et puis y a une répétition du verbe "entendre". Elles s’assoient à gauche de la salle ← Plutôt "dans la gauche de la salle", non ? et continuent à bavarder jusqu’à ce que la prof demande le silence. Alors la fille aux cheveux bruns sort de son sac son cours et sa trousse et les pose devant elle, écoutant distraitement les paroles de l’enseignante.

“Aujourd’hui, nous allons étudier le théorème de Pythagore. Nous allons donc appliquer le théorème vu au cours passé. Livre page cinquante-deux. Et Mohamed, silence ou tu sors !”

Le dénommé Mohamed se tait soudain alors que certains de ses camarades rient sous cape. Il s’exécute en jetant un regard noir à la prof lorsqu’elle lui tourne le dos pour sortir son propre manuel. La petite trentaine d’élèves se met au travail plus ou moins sérieusement, chuchotant parfois entre eux ou griffonnant sur une feuille de brouillon.

“Steen, peux-tu me donner la réponse ?” interroge la prof en lorgnant sur l’adolescent taciturne.

Le triangle rectangle devant les yeux de Steen se brouille. Le silence est revenu dans la salle de classe. Quelqu’un murmure quelque chose, l’autre ricane bêtement. Steen sent la colère monter en lui ; il n’aime pas les bruits parasites de ses camarades, mais il se maîtrise et se concentre sur l’exercice pour donner une réponse.

“Euh… Segment AB égal racine carrée de huit.
— Bien. May, le suivant ?
— Segment CD égal racine carrée de six ?
— Non, regarde bien quelle est l’hypoténuse.”

Les regards se sont détournés du jeune garçon, alors il se sent mieux. Steen n’aime pas parler, il n’aime pas répondre aux questions de ses professeurs, ni que les autres le fixent. Maintenant, tous regardent la jeune May interrogée. Les cheveux bruns de celle-ci replongent vers la page du livre lorsqu’elle se penche à nouveau sur l’exercice. Ses sourcils se froncent légèrement sous la concentration, et ses yeux sourient lorsqu’elle dit d’une voix aux accents de fierté :

“Segment CD égal racine carrée de dix !
— Oui, c’est ça.”

La prof, âgée d’une trentaine d’années et vêtue d’une robe simple longue, se retourne pour écrire un énoncé à la craie sur le tableau noir. Elle a l’air sévère, bien qu’en réalité elle soit plutôt sympathique une fois qu’on la connaissait ← Problème de temps, c'est "connaît mieux" mieux. Steen n’a jamais eu de problèmes avec les cours. Excellent élève, il est dans les premiers de la classe sans trop travailler et les autres le prennent pour le type intelligent, asocial et un peu étrange que tous ont dans leur classe. Quelques filles s’intéressent à lui, tombent sous le charme du mystère qui l’entoure ← Alors, en temps que fille qui a été première de la classe asociale et qui connaît des premiers de la classe asociaux, non. C'est pas vrai du tout O_o, mais lui n’y prête aucune attention. May, quant à elle, a plus de mal et ses moments de distraction lui coûtent souvent quelques points. Malgré ça elle ne s’en sort pas trop mal, même si la plupart de ses professeurs aimeraient bien qu’elle bavarde moins et se concentre plus. Ce qu’elle fait à l’instant, oubliant un peu Aisha et Lisa pour observer ces triangles avec leurs côtés aux noms bizarres. Il fallait faire comment encore ? Prendre le carré de la longueur du côté adjacent et… Mais c’était lequel encore le côté adjacent ? La jeune fille ne sait plus, et ne voulant pas se faire remarquer en posant la question encore une fois, elle laisse ses pensées dériver vers son chien. Un labrador encore jeune et si attachant. Heureusement qu’elle l’a lui, parce que sa marraine n’est ni très bavarde ni spécialement attachante. Au fond, May ne sait pas grand chose de la jeune femme qui s’occupe d’elle depuis dix ans. Elle la voit rarement aussi, vu que cette dernière travaille beaucoup. May revient à sa classe et laisse son regard vagabonder d’un élève à l’autre, avant de poser à nouveau les yeux sur sa feuille où elle gribouille un semblant de dessin.
Enfermé dans son silence et dans ses pensées, Steen termine rapidement les exercices donnés par la prof, avant de se perdre dans ses rêveries. L’horloge indique l’heure qui défile lentement, et le jeune garçon sent ses yeux se fermer alors qu’il n’écoute déjà plus la professeur expliquer pour la énième fois comment repérer l’hypoténuse dans un triangle rectangle, ou bien comment appliquer le théorème de Pythagore. Il mâchouille le bout de son Bic, pensif. Ce soir, il devra faire les courses pour sa mère, puis il l’aidera à faire la cuisine, et ensuite seulement il pourra faire son travail ; il ne se rappelle plus son père, parti depuis bien des années. Enfin, mort. Mais sa mère lui interdit de dire qu’il est mort. Elle préfère le terme parti.
Finalement, la fin du cours approche. Alors que la sonnerie retentit pour marquer la récréation, la femme, debout devant son tableau noir, se met à hurler des numéros d’exercices que presque personne ne prend. La plupart des élèves s’en fichent royalement mais tous sortent joyeusement en vitesse, sauf Steen.

“Excusez moi madame, vous avez dit le numéro trente-cinq et trente-six ?
— Oui, oui, c’est ça.
— D’accord. Merci madame.”

Steen note les exercices sur son agenda, avant de ranger ses affaires avec une extrême lenteur. Il ne tient pas à rester encore dix minutes dehors, dans le vent, seul adossé à un mur. La prof l’attend, les clés à la main. Il finit par se lever, mettre son sac sur une épaule, et sortir en silence. La femme ne dit rien, le regarde s’éloigner un peu gênée, le prenant en pitié. Elle ferme la porte d’un tour de clé. Le jeune garçon aux cheveux bruns sort dans la cour. Il reste seul, et va s’asseoir dans un coin tranquille où personne ne viendra le déranger.
Dehors, les enfants traînent par petites bandes, tenant à l’écart ceux qui ne sont pas trop appréciés. Tous ne se comportent pas ainsi, mais quand tout le monde fait cela, il est difficile de résister à la majorité. On se laisse entraîner par les autres, et mieux vaut faire partie d’un groupe d’amis, de préférence influents, si l’on ne veut pas de problèmes. May l’a compris, et bien qu’elle soit parfois peinée de voir certains de ses condisciples ainsi à l’écart, elle n’ose bien souvent ne rien dire. Il y a comme une règle tacite, et elle n’est pas assez courageuse pour franchir la barrière invisible qui les sépare. Alors elle essaie de ne pas s’en formaliser et passe tout son temps avec Aisha et Lisa, parfois avec d’autres jeunes de leur âge. Et en ce jour d’automne plutôt frais, May ne déroge pas à ses habitudes. Le temps de la récréation s’écoule, et déjà la cloche sonne, appelant les élèves à retourner en cours.

Le brouhaha incessant commence à taper sur les nerfs de Steen, qui a déjà hâte de rentrer chez lui où le calme règne. Malheureusement, il reste encore plusieurs heures avant qu’il ne puisse reprendre le chemin de sa maison, à commencer par un cours de néerlandais, ce qui ne l’intéressait pas franchement. Comme il parle couramment cette langue, il s’ennuie rapidement et se raconte des histoires dans sa tête. Steen, May, Mohamed et tous les autres élèves se retrouvent devant la salle de néerlandais où ils entrent lorsque le prof arrive. Toujours silencieux, Steen prend place au fond.
Avant de commencer, M. Colassin qui est aussi le titulaire de la classe s’assied sur le coin de son bureau et croise les mains comme il le fait toujours.

“Comme vous le savez peut-être déjà, la semaine prochaine se tiendra une réunion parents-professeurs. Ce serait préférable que vos deux parents soient présents, et vous aussi d’ailleurs, même si je me doute que vous avez mieux à faire.” termine-t-il avec son habituel sourire un peu ironique.

Steen garde le silence. Il n’est pas sûr que sa mère puisse venir, et son père encore moins. Peu de personnes sont au courant de l’histoire un peu compliquée de sa famille, hormis l’infirmière scolaire, qui tient à lui parler de temps en temps. Il l’évite autant qu’il le peut d’ailleurs. Il observe ses camarades, la plupart ne sourient plus, songeant à la réunion à laquelle ils n’échapperont pas. Il se dit qu’il devrait peut-être en informer son professeur titulaire. Un jour, ses cachotteries lui joueront un mauvais tour.
May détourne le regard à l’annonce de la réunion, pour observer les fissures qui courent sur le mur à sa droite. Elle n’aime pas devoir se rappeler qu’elle n’a plus de parents, et qu’elle se fera encore remarquer pour cette raison. Bien qu’elle ait tout l’air d’une jeune fille joyeuse et plutôt sociable, elle déteste se faire remarquer, être différente des autres. Elle préfère se fondre dans la masse. Elle espère pouvoir ne pas venir, mais elle se doute bien que sa marraine ne l’entendra pas de cette oreille. La jeune fille soupire discrètement et sort ses livres de cours de son sac, quand le prof annonce qu’aujourd’hui c’est compréhension à l’audition. Nouveau soupir. Génial… May ne comprend quasi ← Rooooh, le quasi... on peut mettre quasiment dans un livre, ça le fait mieux quand même à l'écrit jamais rien. Ça parle trop vite, avec des accents différents à chaque fois, comment comprendre quelque chose dans ce fouillis de mots même pas reconnaissables ? Mais le prof n’est pas du même avis, et May se prépare mentalement à affronter cette heure d’ennui total.

“Vous sortez une feuille, et vous rangez le reste. Je ramasse à la fin. Comme d’habitude, vous avez trois écoutes, et vous mettez au propre.
— Monsieur, on a combien de temps ? demande quelqu’un.
— Vous avez toute l’heure.”

L’homme aux cheveux brun-gris coupés court met un CD dans son lecteur audio et lance la piste. Steen se concentre sur le dialogue, d’un homme et d’une femme, et écrit sur son brouillon des phrases entières qu’il n’a eu aucun mal à comprendre. Il en profite pour jeter un coup d’œil aux autres qui froncent les sourcils, hésitent devant leur page blanche. Il se sent supérieur, plus doué qu’eux. Il l’est, mais il ne se vante pas, enfermé dans sa bulle de silence. May fait un effort, mais n’arrive à capter que quelques mots, qu’elle assemble comme elle peut, hésitant, faisant des assemblages selon la logique avec le peu qu’elle a compris.

La sonnerie interrompt les élèves dans leur fin de rédaction.

“Allez les jeunes, vous faites remonter les copies,” ordonne le professeur.

Les feuilles passent devant. Steen donne la sienne à la jeune fille devant lui. Il se lève en remettant sa trousse dans son sac, puis s’approche de M. Colassin discrètement. L’homme croise son regard, que Steen s’empresse de détourner.

“Monsieur, commence-t-il.
— Oui Steen ?
— Mes parents ne pourront pas venir. Faut préciser "à la réunion parents/prof)
— Ah ? Pourquoi donc ?”

Le jeune garçon avale sa salive, ne sachant pas trop comment tourner ses phrases. De plus, quelques élèves ne sont pas encore sortis, et donc peuvent encore écouter. Parmi eux, il y a May et Aisha, qui semblent vouloir parler au professeur elles aussi. Steen ne pense plus aux recommandations de sa mère, qui lui répétait toujours de ne rien dire aux autres ; la brave femme a vécu avec ce manque, et depuis les dix longues dernières années, elle n’a toujours pas passé le stade du déni. Steen baisse les yeux au sol pour prendre un air triste et désolé, bien qu’il ne le soit pas.

“Mon père est mort.”

À nouveau le silence. Il ne reste plus que May et lui dans la salle de cours. Le professeur ne sait quoi dire. Alors Steen se sent obligé de préciser :

“Ça fait dix ans. Mais elle a beaucoup à faire, ← Je verrais plutôt : Du coup, ma mère a beaucoup de travail, alors... alors je ne sais pas si elle pourra. (ou un truc comme ça). Plus clair.  alors je ne sais pas si elle pourra.
— Ça ne fait rien. Tu es un bon élève, aucun de tes professeurs n’aura quoi que ce soit à dire sur toi.”

Un peu soulagé, Steen hoche la tête. Il sort dans le couloir, mais s’arrête et écoute ce que May a à dire à M. Colassin. Tous les autres élèves sont déjà partis pour rejoindre le cours suivant. Le couloir n’est pas désert pour autant, et de nombreux groupes d’élèves stationnent, attendant un de leurs professeurs ou discutant simplement. La jeune fille hésite elle aussi, mais moins franche, n’arrive pas à suivre l’exemple de son camarade et s’exprime sans oser regarder son professeur.

“Monsieur, mes parents sont partis pour le moment, dit-elle d’une petite voix gênée.
— Et qui s’occupe de toi entre-temps ? J’imagine que tu ne vis pas seule.
— Euh… ma marraine.
— Eh bien alors c’est elle qui doit venir, en tant que tutrice légale.”

L’adolescente hoche la tête et sort en prononçant un discret au revoir.

“Au revoir May.”

Elle veut se dépêcher, pour être à l’heure au prochain cours, mais voit un élève de sa classe dans le chemin. Elle pense d’abord que leur prof d’histoire est absente, puis remarque qu’il est seul et que même Aisha ne l’a pas attendue. May hausse alors un sourcil interrogateur. Elle n’a jamais eu de véritable conversation avec le garçon jusqu’à présent, alors pourquoi maintenant ?
Steen ne bouge pas alors que la jeune fille brune sort de la classe à son tour. Quelque chose le perturbe dans ce qu’il a pu entendre, et il attendait May pour pouvoir lui poser des questions. Pourtant, maintenant qu’elle est là, à côté de lui, et qu’elle le fixe d’un air interrogateur, il ne sait plus comment l’aborder. Il n’aurait même pas dû être ici, mais déjà dans la salle de cours suivante, assis au fond, comme à son habitude.

“Salut, commence le jeune garçon.
— J’ai entendu que ton père est mort, je suis désolée. C’est pour ça que tu m’attendais ?”

Steen se sent gêné tout d’un coup. C’est vrai, pourquoi l’a-t-il attendu ? C’est sans doute le terme “parti”. C’est à force d’entendre sa mère répéter ça en parlant de son père.

“Euh… Ouais. J’ai entendu que tes parents étaient partis, ça doit pas être facile. Ça fait combien de temps que tu vis seule avec euh, ta marraine ?
— Ouais, c’est pas forcément simple. Mais on s’habitue.”

L’adolescente hésite à répondre franchement. Elle n’aime pas se confier aux autres, et même ses plus proches amies ne savent pas la vérité. Mais curieusement, elle a envie de faire confiance à Steen.

“... Dix ans”, chuchote-t-elle pour que personne d’autre ne l’entende, et encore moins son professeur qui ferme la salle dans son dos.

Dix ans. Exactement comme le départ de son père. ← BORDEL IL EST PAS CON STEEN C'EST FORCE QU'IL COMPRENNE QUE LES MORTS SOIENT LIEES, et faut qu'on le ressente parce que là... O_o Steen songe à ce père dont il ne se souvient même plus du visage. Mais lui il a toujours sa mère. Il est désolé pour elle, mais ne sait pas trop comment lui dire. Et puis c’est peut-être quelque chose qui pourrait les rapprocher, la disparition des parents de May et de son propre père la même année. Steen n’a jamais eu d’amis, pourtant il reste un peu méfiant envers ceux qui l’approchent.
Pendant que le garçon semble réfléchir, May regarde sa montre et s’affole en voyant l’heure avancée.

“Steen ! Il faut qu’on y aille là !”

Le jeune garçon sursaute en se rendant compte qu’ils commençaient à être en retard. Les deux enfants se pressent dans les couloirs, grimpent les escaliers deux à deux, et atteignent la salle d’histoire juste à temps, à l’instant où le dernier élève allait fermer la porte derrière lui. Essoufflés, mais à l’heure. Steen n’a pas eu le temps de terminer sa conversation avec May. Peut-être qu’elle voudrait lui reparler plus tard. En s’asseyant à une table, au fond, comme à son habitude, il se sent étrange. Un peu mieux aussi.
Durant le cours, qu’il écoute d’une oreille distraite, il jette des coups d’œil à la jeune fille brune à qui il n’avait jamais parlé auparavant. Au contraire, l’adolescente essaie de se concentrer sur le cours, pour arrêter de penser à ce qu’il venait de passer. Elle est troublée, et n’aime pas vraiment ce sentiment. Pourtant, malgré ses efforts, son esprit dérive sans cesse vers la conversation, et vers ses parents. Elle aimerait avoir plus de souvenirs d’eux. Mais cela faisait trop longtemps, et May doit se contenter des images floues que son esprit a gardées en mémoire. La jeune fille risque un regard vers le fond de la classe, juste pour savoir si Steen est aussi perturbé qu’elle. Elle croise son regard, pourtant toujours tourné vers autre chose, et détourne le sien.

Au bout de deux heures passées dans la salle, avec le professeur inintéressant au possible, la sonnerie réveille la classe. C’est l’heure de manger et Steen a toujours mangé seul, sauf les fois où il ne mangeait pas. Il se lève, les jambes engourdies, et s’apprête à attendre un peu seul, dans les couloirs, en attendant que la cantine se dégorge. Il soupire, finit par se diriger presque à contre cœur dans le self bruyant, pour ne picorer que quelques morceaux qui se trouvent dans son assiette. Il ne sait pas trop si ce qu’il ingère est censé être de la purée ou des morceaux de pommes de terre, mais il mange un peu sans se poser la question.
La cantine est pleine de monde, et personne ne s’y fait remarquer. May dîne avec ses amies comme toujours, à une table pleine d’ados bavards et joyeux. Elle se mêle à la conversation et mange des bouts de tartines entre deux phrases. Elle manque même de s’étouffer en voulant répondre trop vite, et tout le monde finit par éclater de rire, elle comprise. Elle fait la folle, la joyeuse, la clown, se cache derrière ses immenses sourires, se fond dans la masse. C’est comme ça qu’elle se sent bien, qu’elle a l’impression d’être elle-même. Quand elle est comme les autres, et non différente, avec des amis, et des parents.

Tout l’après-midi, Steen n’a cessé de regarder May en espérant pouvoir lui parler seul à seule. Mais il y avait toujours une de ses amies, et il y a finalement renoncé. L’occasion se représenterait. Et puis, pourquoi il veut lui parler au juste ? De quoi ? Il ne le sait même pas. Il n’a jamais éprouvé le besoin de parler à quiconque, alors pourquoi maintenant, pourquoi à elle ? Après tout, elle fait partie de ces jeunes qui sont entourés d’un groupe d’amis sur lesquels on ne pouvait certainement pas compter, des adolescents qui s’habillent comme les autres, elle fait partie des jeunes de sa classe tout simplement. Or il n’a jamais eu besoin de discuter avec les jeunes de sa classe.
Sauf que là, c’est différent. La chose qui change, c’est qu’elle a perdu ses parents, elle aussi. Et Steen veut seulement savoir comment. Il est un peu curieux, il s’intéresse facilement à tout, à part aux autres - d’habitude ← CA NE VEUT STRICTEMENT RIEN DIRE. Habitude, ou comme d'habitude, mais pas seulement d'habitude. Assis dans la cour, il ignore les élèves qui courent et qui passent devant lui, se concentrant sur l’image de son père dans son esprit. Bientôt remplacée par celle, bien plus nette, de May. Il cligne des yeux pour l’effacer, se recoiffe en passant une main dans ses cheveux sombres, perturbé.

Après la pause arrive le retour en cours. Encore deux longues heures, qui passent lentement. Très lentement. Enfin. La sonnerie tant attendue retentit, les élèves se lèvent et rangent rapidement leurs affaires. Les chaises raclent le sol en un brouhaha assourdissant, puis sont soulevées et déposées en équilibre précaire sur les tables. Un jeune, trop pressé de sortir, heurte la sienne du coude. Le fracas de la chute ajoute encore au bruit ambiant, et la prof soupire, exaspérée. L’adolescent ramasse sa chaise et la repose à l’envers, puis s’en va presque en courant, comme s’il fuyait, suivi de ses camarades encore présents dans la pièce. Steen attend que tous soient sortis pour être plus tranquille. Chaque jour, à la fin des cours, c’est la même chose. Un capharnaüm pas possible contre lequel il se fait violence pour ne pas bouger. Il sort de l’établissement et s’en va de son côté.
May est dehors depuis longtemps déjà et s’engage sur le boulevard après avoir salué ses amies. Elle marche seule, son sac décoloré posé sur ses épaules frêles, sans trop se préoccuper de la circulation dense qui l’environne. Elle traverse le Parc du Botanique, peu fréquenté vu le ciel couvert, et ressort sur la Rue Royale, qu’elle suit jusqu’à l’église. Enfin elle tourne à gauche et marche encore quelques mètres avant de sortir ses clés de la poche de son jean. Sitôt à l’intérieur de chez elle, un jeune labrador doré apparaît, frétillant de la queue. Un sourire se redessine sur le visage de May et elle rit quand il lui lèche affectueusement les mains. La jeune fille jette son sac au sol et s’accroupit pour caresser son chien, qui la suit lorsqu’elle va se chercher de quoi composer un goûter dans la petite cuisine. Et pendant qu’elle croque dans un biscuit, elle repense à Steen. À leur conversation. Au lien qui semblait s’être créé entre eux, étrangement, alors qu’ils se connaissaient simplement de vue, avant.

De son côté, Steen entre chez lui. Sa mère est assise sur une chaise et ne bouge pas, le regard dans le vide. La femme est blonde, les rides lui donnent l’air plus âgé. Le silence est pesant et pourtant le jeune garçon ne vient pas le briser. Il ferme doucement la porte de l’appartement sombre derrière lui.

“Coucou maman, chuchote-t-il simplement.
— Comment vas-tu, Steen ? Tu veux manger quelque chose ? Ça s’est bien passé, aujourd’hui ?”

La voix de la mère est douce, calme. S’il n’y avait pas ce silence pesant, on ne l’aurait pas entendue parler. Steen hésite un instant à lui poser des questions sur les circonstances de la mort de son père. Mais les cernes sous les yeux tristes de sa mère l’en dissuadent rapidement.

“Ça va et toi ?
— Bien, bien.
— Dis maman…
— Oui ?
— Euh… Non rien. Enfin, c’est bientôt la réunion parents-profs.”

La femme réfléchit quelques instants. Elle hoche la tête. Peut-être qu’elle irait, peut-être qu’elle aurait quelque chose de prévu à la dernière minute. Steen sourit, mais ses yeux ne sourient pas, alors il se détourne, son sac toujours sur l’épaule, et va dans sa chambre étudier un peu. Il n’ose pas demander quoi que ce soit à sa mère lorsque ça touche de près ou de loin son père. Peut-être qu’il interrogera sa sœur aînée, elle doit se souvenir mieux que lui. Enfin, il l’espère.
Assis sur son parquet, il ouvre son cahier de cours, mais il n’est pas concentré et ses pensées se dirigent à nouveau sur May.
Tous deux ont du mal à se concentrer sur des choses banales, ce soir-là. Ils sont distraits, ailleurs, repensent à de vieux souvenirs alors enfouis dans les tréfonds de leur esprit. À un camarade dont ils ignoraient presque jusqu’à l’existence la veille encore. Les devoirs, la télé, la discussion avec les amis à distance, les rêves éveillés, tout ça ne semble plus habituel. Comme si quelque chose dans leur petite vie avait changé, mais pas juste une nouvelle coupe de cheveux ou d’autres choses toutes aussi futiles. Non, quelque chose de bien plus profond. Le passé qui revient.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptySam 4 Juin - 20:51

Chapitre deux


Les jours se suivent et se ressemblent. Steen n’arrive pas à croiser May seule, et cette dernière n’ose pas vraiment faire le premier pas non plus. La vie semble presque reprendre son cours normal, pourtant la jeune fille jette un regard furtif au fond de la classe de temps en temps. Parfois, elle se maudit de rester en groupe et à l’écart de Steen. Mais elle préfère rester cachée parmi eux.
Steen croise souvent le regard de la brune. Il aimerait lui sourire, pouvoir l’aborder comme tous les autres élèves le font. Mais Steen n’a jamais été capable d’aborder une discussion hormis celle de l’autre jour. S’il s’approchait un peu des groupes, il serait intégré. Sauf qu’il n’y voit pas l’intérêt, et de toute façon, il se sent aussi bien lorsqu’il est seul. Souvent, en cours, il se place un peu derrière elle ; tout le long, il fixe ses cheveux bouclés qui tombent dans son dos ← Comme ça, ça fait un peu psychopathe... Mais bon c'est pas grave XD, et détourne le regard lorsqu’elle se retourne brièvement. Il s’imagine déjà, si on pense qu’il passe des heures à observer la jeune fille, les autres adolescents jaser qu’il était amoureux. C’est aussi rapide que ça, une rumeur et hop, c’est fini. Lui, il veut juste parler avec elle pour… Pour quoi au juste ? Ah si, pour l’interroger sur cette “coïncidence”. Pour lever toutes ses interrogations et ses doutes qui l’empêchent de vivre, s'immisçant à chaque instant de sa vie.

“Eh, t’es avec nous Steen ? ← Le "t'es" c'est moyen pour une prof, entre amies oui, mais faudrait détailler tu es Peux-tu lire le troisième paragraphe du livre s’il te plaît ?
— Ah, oui, bien sûr.”

May n’ose pas se retourner. Elle a peur que la distraction de l’adolescent, ce soit à cause d’elle. ← Moyen comme tournure Il ne ressemble plus vraiment à l’intello de service, depuis qu’ils ont échangé quelques mots. Il n’est plus pareil, mais elle alors ? La jeune fille rougit intérieurement, elle aussi est encore plus distraite que d’habitude. Elle se concentre sur la voix du garçon, chaude mais encore un peu aiguë. Il termine son paragraphe, puis la parole passe à une autre élève, et ainsi de suite jusqu’à la fin du texte. La prof repart alors dans ses explications des caractéristiques du texte policier sans autre interruption que la fin du cours.

Steen fait les cents pas dans sa petite chambre. Il a avalé son assiette de pâtes rapidement, et maintenant, il doit faire ses exercices de maths. Il a encore eu une excellente note à son dernier contrôle, sans même réviser vraiment. Quelque chose l’empêche de travailler ce soir-là. Il a encore hésité à parler à sa mère, à propos de son père. Qui était ce mystérieux inconnu ? Il sait qu’un jour, il l’apprendra. Il ne peut pas rester sans savoir, et un jour il osera demander à sa mère, sans la fixer dans les yeux. En attendant d’avoir assez de courage pour ça, il songe à sa grande sœur. Anja, huit ans de plus que lui. Elle avait donc douze ans lorsque leur père est mort, et peut-être qu’elle en sait plus que lui à ce sujet.
Il prend son gsm, son doigt tremble au dessus des touches tactiles du clavier. Ce n’est peut-être pas une bonne idée. Après tout, elle doit être occupée. Mais c’est le seul moyen d’en savoir plus. Alors il appuie sur le numéro d’Anja, et la sonnerie semble durer une éternité avant que la voix joyeuse et excitée habituelle de sa sœur ne se fasse entendre.

“Allô Steen ? Ça va ?
— Salut Anja. Je vais bien, et toi ?
— Bah moi ça va. Mais tu m’appelles pas un soir de semaine d’habitude. Qu’est-ce qu’il y a ?”

Steen a soudain l’envie de raccrocher. Lui dire que c’est tout, il prend juste quelques nouvelles. Mais il sait que face à face, il osera encore moins aborder ce sujet. Il sent son cœur battre plus fort dans sa poitrine, et se force à calmer sa respiration en inspirant une longue goulée d’air.

“Je voulais juste savoir si tu sais comment est mort notre père.
— Mais pourquoi ? T’as demandé à maman ?
— Euh… Non, je veux pas la déranger.
— Et moi tu me déranges ? fait-elle en plaisantant. Tu devrais aller au cimetière, si tu veux des précisions,” reprend-elle plus sérieusement.

Et ? C’est tout ? Elle change de sujet, commence à lui parler de ses résultats scolaires presque parfaits, et Steen décide d’abréger la conversation et finit par dire au revoir à Anja. Il raccroche, pas beaucoup plus avancé. Son aînée a déjà dû passer par là, demander à leur mère, aller au cimetière et mener son enquête. Peut-être qu’elle n’a rien découvert d’extraordinaire. Il lui suffit de passer dans le seul cimetière de la ville, trouver un homme avec son nom de famille et lire la plaque sur la tombe. Rien de très compliqué en soi. Il pourrait y aller le lendemain, sans doute. Ou un week-end.
Il pose son téléphone sur sa table de nuit avant de se laisser tomber sur son matelas. Rien n’est simple. Il n’y a qu’une réponse à cette question pourtant, et personne ne semble vouloir y répondre. Steen croise les bras et ferme les yeux. Comme il commence à frissonner avec l’air qui passe à travers les joints abîmés de la fenêtre, il se glisse sous ses couvertures, oubliant totalement les exercices de maths qu’il doit faire. Finalement, le sommeil l’emporte vers un monde peuplé de rêves étranges.

La journée suivante est longue et passe lentement. Plusieurs fois, Steen croise le regard de May. Plusieurs fois même, ils se croisent dans les couloirs ou la cour. Mais la jeune fille est toujours avec ses amies. Il passe de justesse à travers les questions de sa professeur de maths, qui corrige les exercices. Il soupire lorsque la sonnerie de fin des cours retentit ; il n’a pas eu le temps de lui parler, encore une fois. Comme si elle l’évitait. Après tout, il ne peut pas lui en vouloir. Il s’est sans doute fait des idées. Steen secoue la tête, son sac à dos sur l’épaule, et hésite sur le chemin du retour. Le cimetière n’est pas à côté, et sa mère n’est pas prévenue. Non, il ne peut pas s’absenter autant de temps, elle s’inquiéterait bien trop. À regret, il rentre chez lui. Ce soir-là, assis à son bureau, il songe au lendemain. La réunion parents-professeurs qui approche. Il ne sait toujours pas si sa mère pourra venir, alors il se lève, et depuis sa chambre, il demande :

“Maman ! Tu peux venir demain alors ?
— Où ça ?
— La réunion, soupire Steen.
— Oh, euh oui. Je viendrai.”

Steen referme la porte. Les dernières années, sa mère n’est pas venue ← Pas terrible aussi... Peut être "Ces dernières année, sa mère ne vient plus aux rendez vous parents-profs" ou "Ça fait quelques années que sa mère ne vient plus aux réunions parents profs". Elle reçoit les bulletins de son fils et cela lui suffit à être fière de lui. Le jeune garçon aux yeux bleus retourne à son bureau et ouvre ses cahiers, bien décidé à ne pas laisser ses pensées l’empêcher de travailler correctement.

Dans un autre quartier de la ville, May ressort une vieille photo. Une jeune femme blonde sourit au bras d’un homme brun tout aussi souriant. Ses parents, avant sa naissance. Elle n’a pas de photo plus récente, ni aucune autre d’ailleurs. Il ne reste que celle-ci. May ressent toujours une bouffée de tristesse en la regardant, c’est pourquoi elle la laisse souvent au fond d’un tiroir. Mais aujourd’hui, elle la contemple de longues minutes. Elle aurait aimé y aller avec eux. Elle aurait aimé que sa mère puisse la serrer dans ses bras, la rassurer, que son père puisse répondre à ses interrogations. Elle aurait aimé leur parler, juste un instant, recevoir leur aide pour démêler les sentiments étranges qui l’habitent. Elle s’était souvent résignée à propos de leur mort, mais maintenant elle veut savoir. Elle veut comprendre. Elle veut retrouver une part d’eux, se rapprocher un peu de leur souvenir. Elle a envie de demander à Steen de l’aider. Peut-être qu’il accepterait, puisqu’il a aussi perdu son père ? May réfléchit, et ressasse les derniers jours. Elle a décidé. Demain, elle ira lui demander, lui parler. Ou peut-être après-demain. Elle se laisse un jour pour s’habituer à l’idée qu’elle va changer ses habitudes et enfreindre ses propres règles en quelque sorte. Un jour pour réfléchir à comment elle allait bien pouvoir aborder le sujet. Mais pour l’heure, elle a une préparation de géographie à réaliser, et la jeune fille range la photo, sort de sa chambre et va s’installer à la table du salon, son chien couché à ses pieds, pour travailler jusqu’au retour de sa marraine.

Lorsque celle-ci rentre, l’adolescente termine ses devoirs et la salue poliment, avant de la questionner :

“Dis, tu te rappelles qu’il y a une réunion parents-profs demain ?
— Hum, oui, je viendrai. T’as fini tes devoirs ?
— Oui, enfin quand j’aurai terminé d’écrire ma phrase.”

La jeune femme aux cheveux roux hoche la tête, satisfaite, et s’en va se détendre avant de préparer le souper. May sait que ce seront des pâtes ce soir, pour aller plus vite. Sa marraine ne cuisine plus souvent de plats un peu compliqués, pensant que cela prend trop de temps à préparer pour des jours de semaine. L’adolescente se concentre à nouveau quelques minutes sur la géographie, termine et va s’isoler dans sa chambre. Elle pense au lendemain, une boule de stress se forme dans son ventre. De hâte et de peur à la fois.

Assis dans le fond de la classe, Steen se concentre sur ses exercices. Il a décidé d’oublier un peu May, son père, et les coïncidences. Chaque fois qu’il relève la tête, il doit se forcer à regarder le tableau ou le professeur en prenant soin d’éviter May, qui se trouve toujours quelques tables devant lui. Pourtant, dès qu’elle se retourne, il lève le regard et les yeux bruns de la jeune fille croisent les siens. Son esprit s’égare alors, et il doit se faire violence pour réussir à se concentrer sur le cours que dicte le prof. À la récréation, un jeune garçon de sa classe s’approche de Steen. Mohamed, un des pires élèves de la classe.

“Salut Steen, tu pourrais me passer les devoirs de sciences ?
— Euh… Depuis quand tu fais tes devoirs ?
— Bah avec la réunion, tout ça, ça la fout mal tu comprends ?”

Steen soupire en se baissant pour fouiller dans son sac. C’est toujours la même chose, ses devoirs passent entre les mains de tous les élèves qui n’ont rien fait. Et il y a tout un groupe d’élèves qui préfèrent jouer à la console le soir, plutôt que faire leurs devoirs. Steen a souvent songé à faire payer ses camarades. Il serait au moins millionnaire à l’heure qu’il est. Quoiqu’ils ne paieraient peut-être même pas, préférant se prendre des heures de colle. Il sort une feuille bien présentée de son cahier, et la tend à Mohamed.

“Tu me la rends bien à midi hein.
— T’inquiète. Et merci, t’es le meilleur !”

Mohamed part en courant, la feuille à la main. Steen le suit des yeux, jusqu’à ce qu’il disparaisse dans la foule. Il ferme son sac avec l’impression de ne servir aux autres que pour leurs devoirs. C’est sans doute le cas, d’ailleurs. Une chance qu’il ait fait ses devoirs la veille. Depuis quelques jours, il fait le strict minimum, et ne parvient plus à rester concentré sur une leçon. En cours, il écoute du mieux qu’il peut, mais bien souvent ses habitudes le reprennent et il se met à imaginer des histoires dans sa tête. Au final, presque rien n’a changé en quelques jours. Le désir de connaître son père et les circonstances de sa mort se fait seulement plus présent.

La fin de la journée arrive rapidement. May l’attendait en essayant de se concentrer sur les cours elle aussi. Maintenant qu’elle s’est décidée, elle est moins tracassée et arrive à mettre tout ça un peu de côté, le temps d’une explication ou d’une interro. Elle sort dans la cour avec les autres et aperçoit la femme qui l’élève à l’entrée de l’école. L’adulte a fini plus tôt, pour venir à cette fameuse réunion, et attendait depuis quelques bonnes minutes. Les deux femmes rentrent dans le bâtiment et rejoignent la classe devant laquelle attendent déjà deux élèves, dont Steen. Au même moment, leur professeur sort en raccompagnant des parents venus sans leur fils et s’adresse au garçon :

“Steen, ta mère n’est toujours pas là ?
— Non monsieur.
— Bon… Je vais faire passer quelqu’un avant toi, alors. Tiens, mademoiselle ?”

Ses yeux désignent la marraine de May, qui hoche la tête, serre la main de l’homme et entre, suivie par sa filleule. Elles prennent place en face du professeur, qui croise à nouveau ses grandes mains.

“May est une bonne élève, quand elle travaille. Elle est un peu trop distraite et bavarde il me semble. La troisième est une année charnière, il faut qu’elle se concentre plus et…”

La jeune fille concernée n’écoute déjà plus. Elle déteste ces réunions où l’on parle d’elle comme si elle n’était pas là. Et puis, l’importance de la troisième, combien de fois ne l’avait-elle pas déjà entendue depuis le début de l’année ? À la rentrée, tous les profs avaient tenu ce discours. C’était bon là, elle avait compris ! May fait semblant d’écouter, se demandant si dans le couloir, la mère de Steen est arrivée.
Ce dernier sort de l’école, pour attendre sa mère dehors. Il l’aperçoit enfin. Il jette un coup d’œil à son téléphone, pour remarquer que la femme a très exactement un quart d’heure de retard. Il est soulagé, mais ne montre rien à sa mère, et se retourne sans rien dire pour la mener à travers les couloirs jusqu’à la salle de réunion. C’est le professeur de néerlandais qui est assis face à une table, et qui attend. Steen entre le premier, suivi de près par sa mère, et s’assoit sur une des deux chaises.

“Bonjour Madame, je suis M. Colassin, le professeur titulaire de la classe de Steen. Vous êtes donc sa mère ?
— Eh bien, enchantée. Je suis sa mère, oui.
— Les résultats sont excellents, c’est un élève attentif, je n’ai pas grand chose à dire sur lui.”

La mère de Steen sourit, dévoilant ses dents blanches. Le jeune garçon, quant à lui, reste parfaitement impassible. Il aurait mieux fait de dire à sa mère que c’était inutile de venir à la réunion.

“Néanmoins, poursuit le professeur de néerlandais, j’ai l’impression qu’il n’est pas très bien intégré.
— Comment ça ?
— Il reste souvent seul et à l’écart. Après, je peux comprendre qu’on préfère la solitude, mais c’est dommage de ne parler à personne…”

Steen plonge son regard dans celui de sa mère. Celle-ci a toujours su que son fils n’était pas quelqu’un d’extraverti, et qu’il n’a jamais eu beaucoup d’amis. Après tout, s’il préfère rester seul, pourquoi pas ? Après quelques phrases toutes aussi inutiles les unes que les autres, en un dialogue d’environ cinq minutes, Steen et sa mère prennent congé de M. Colassin. Dehors, les nuages obscurcissent le ciel et cachent les derniers rayons du soleil. May est là, sur le point de s’en aller, avec une femme rousse qui doit être celle qui s’occupe d’elle en l’absence de ses parents. Il lui sourit lorsqu’elle le regarde. Mais alors que le jeune garçon et sa mère allaient rentrer, May se dirige vers lui, faisant signe à sa marraine qu’elle a encore quelque chose à faire avant de partir. Elle frissonne un peu, dans la fraîcheur de l’air, et se met contre le mur pour ne plus être dans le vent. Elle serre ses bras contre elle, en attendant que la mère du garçon s’éloigne un peu. Elle n’est pas sûre d’être prête à accepter que quelqu’un d’autre connaisse la vérité.

“Salut.. J’imagine qu’il n’a pas dû dire grand-chose pour toi, fit-elle avec un petit sourire fugace et sincère au coin des lèvres. Dis, euh…”

L’adolescente se mord la lèvre inférieure. Les mots ne sortent pas. Comment expliquer ? Elle se sent idiote, là comme ça. Machinalement, elle remet ses boucles brunes derrière son oreille. Steen se demande pourquoi elle est aussi nerveuse, mais après tout lui aussi l’est. Même s’il reste impassible.

“Oui ?
— Je… Je voudrais comprendre pour mes parents, je n’ai jamais su. Est-ce que tu… tu serais prêt à m’aider ?” lâche-t-elle d’une seule traite.

Mais pourquoi lui demande-t-elle ça en fait ? Pourquoi accepterait-il ? Ils ne se connaissent pas vraiment. May a envie de s’enfuir, ou non, de disparaître. Mais quelle est cette idée idiote qui lui est passée par la tête ? Pourtant, elle reste là. Maintenant qu’elle a posée sa question, autant attendre la réponse. Le silence n’est pas très long, car les deux femmes attendent un peu à l’écart pour ne pas troubler la rencontre. Et elles ne doivent pas entendre ces paroles. Alors Steen échange un regard avec May. Il ouvre la bouche, la referme, et lui répond :

“Bien sûr. Je sais trop bien ce que c’est d’être dans l’ignorance.
— Oh, super. Merci. Euh… on s’arrangera par sms ? répond-elle en s’apercevant que leurs tutrices s’impatientent.
— Oui !
— Ah, mais j’suis bête t’as pas mon numéro… C’est zéro, quatre cent septante-neuf, douze, trente-deux, soixante.”

Steen rentre rapidement le numéro dans son téléphone. Il a l’impression que son cœur bat trop vite. L’adolescent regarde May s’en aller avec sa marraine. Jamais il n’a pensé que la jeune fille brune s’intéresserait à lui, et encore moins qu’un jour elle lui parlerait. Et pas pour demander des devoirs. Comme pétrifié, Steen reste planté là jusqu’à ce que sa mère s’approche de lui.

“C’est ta petite copine ? le taquine-t-elle.
— Non ! proteste l’adolescent.
— Je plaisante. Je ne veux rien savoir !”

Steen soupire en son for intérieur. Sa mère ne comprendrait jamais ce qu’il ressent, tout comme c’était réciproque. Il suit sa mère jusqu’à la voiture, garée dans une rue un peu plus loin, sans cesser de penser à son téléphone. Sa mère n’aime pas lorsqu’il sort son téléphone devant elle. Elle pense que c’est mauvais pour leur entente, que ça coupe du monde réel. Steen ne se sert que très rarement de son gsm. Il a hâte d’être seul dans sa chambre, pour pouvoir envoyer un message à May. Devait-il évoquer le cimetière ? Aujourd’hui, c’est jeudi. Peut-être que demain, il pourrait y faire un tour. Encore faut-il en parler à sa mère, pour qu’elle ne s’inquiète pas. Et lui demander la permission de sortir. May ne voudrait sans doute pas l’accompagner, de toute façon. Elle a autre chose à faire que passer au cimetière. Sauf si… Elle cherche ses parents. Alors peut-être qu’elle voudrait bien.
Steen sursaute lorsque la voiture s’arrête. Il sort et grimpe les escaliers derrière sa mère jusqu’au petit appartement. Aussitôt, il va s’enfermer dans sa chambre et sort le gsm de sa poche de jean.

Après la discussion, May s’était hâtée jusqu’à l’entrée de l’école où sa marraine devait l’attendre depuis longtemps sans doute. Cette dernière ne pose pas de questions, comprenant au regard de la jeune fille que c’était inutile. Elles suivent à deux le chemin que l’écolière emprunte seule chaque jour, discutent de tout et de rien. La réunion n’est pas commentée et l’adolescente est soulagée. Elle n’a pas envie de parler de ça ce soir. Elle n’a envie de parler de rien en fait, d’être seule. Elle s’isole dans sa chambre, promettant d’être à temps pour le souper, et se laisse tomber sur son lit, croisant les bras derrière sa tête.

Après quelques minutes passées à hésiter, le garçon aux cheveux sombres ouvre les messages et cherche le numéro de May qu’il a rentré il y a une heure à peine. Il écrit :

“Salut, c’est Steen.”

Puis il envoie.

La jeune fille sursaute lorsqu’un bip retentit et qu’elle sent le matelas vibrer à côté d’elle. Elle attrape son téléphone, ouvre le message, sourit. Elle enregistre le numéro dans ses contacts, puis réfléchit à une réponse. Ne trouve pas. Finalement elle tape un rapide texto et clique sur “envoyer”.

“May, à table !”

La main pâle de l’adolescente repose le gsm sur la table de nuit, et un soupir s’échappe de ses lèvres. La jeune fille se relève, remet ses cheveux en place rapidement et fait glisser la porte de sa petite chambre. Aussitôt les effluves d’une lasagne industrielle viennent chatouiller ses narines et l’attirent plus rapidement vers la cuisine où l’attend déjà la maîtresse de maison. Elles mangent en suivant distraitement les infos du journal télévisé ; le repas fini, May débarrasse et va se doucher tandis que dans sa chambre son gsm vibre à nouveau.

Steen garde son téléphone serré dans sa main, en attendant la réponse de May. Il sursaute lorsque le gsm vibre et lit :

“Alors… On fait quoi ?”

Steen se sent revigoré. Maintenant, ils sont deux à chercher ça. Leurs parents. Le cerveau en ébullition, il lui demande :

“Tu peux venir au cimetière demain soir ?”

Comme sortie entre amis, on peut faire mieux. Mais Anja lui a parlé du cimetière. Il attend sa réponse. Si elle peut venir, il irait. Peu importe ce que sa mère dirait. Ils peuvent se retrouver après les cours, et filer tout de suite. Steen est comme dans un état second, tremblant. Il a du mal à manger ce soir-là, et ne tient pas en place.

May sort de la salle-de-bain, un essuie serré sur la tête et habillée d’un pyjama deux pièces rose. Elle souhaite une bonne nuit à sa tutrice et retourne dans sa chambre. Son premier geste est de regarder si Steen lui a répondu, ce qui est le cas. Elle tape sur les touches, fébrile.

“Oui, bien sûr. On prend le bus après les cours ?”

En attendant la réponse qui ne tardera sans doute pas à arriver, l’adolescente sort ses exercices de sciences et commence à les résoudre. Tout ça ne doit pas lui faire oublier ses devoirs, surtout après la réunion et les commentaires de M. Colassin. Sa marraine paraît plutôt cool comme ça, mais elle sait qu’elle doit travailler. Elle ne tient pas non plus à perdre une année de sa vie parce qu’elle avait la flemme de faire ses devoirs. Même sa nouvelle “quête” ne le justifierait pas. May change la couleur de son Bic sans cesse en réfléchissant. Nouveau bip. L’adolescente pose le stylo et déverrouille son téléphone.

“D’accord ! À demain alors.”

La jeune fille sourit. Elle se demande de quoi sera véritablement fait le lendemain. Elle n’est jamais entrée dans un cimetière, et encore moins où que ce soit en compagnie d’un garçon. On verra bien.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptySam 4 Juin - 20:53

Chapitre trois


Steen s’étire dans son lit, les yeux mi-clos, encore dans les vapes. Les couvertures sont chaudes, et il n’a aucune envie d’en sortir pour aller en cours. Il ne reste plus qu’une journée. Soudain, il se souvient de la veille. Après la réunion, tout ça. May. Il a des nœuds dans le ventre tellement il appréhende de se retrouver à nouveau seul avec elle. Il enfile un t-shirt et un jean, se lave les dents rapidement sans prendre la peine de manger. Sa mère dort encore ; la porte de sa chambre est fermée. Le jeune garçon attrape son sac, et file.
Le ciel est sombre, nuageux. Il y a un peu de vent, qui ébouriffe ses cheveux bruns. Il est un peu en avance à l’école, alors il attend devant la porte. Les élèves arrivent peu à peu, et lui les suit des yeux sans rien dire. En fait, il cherche un seul visage parmi eux. Celui de May. Lorsque la sonnerie retentit, et que la jeune fille n’est toujours pas arrivée, il commence à prendre peur. Et si elle ne venait pas ? Et pour ce soir ? Il hésite à lui envoyer un message, mais y renonce. Trop de professeurs, il ne tient pas à ce qu’on lui confisque.

May a trop dormi ce matin. Ses rêves ne voulaient pas prendre fin, et son réveil n’a pas sonné assez fort. Elle court pour arriver à l’heure à l’école. Elle entend la sonnerie alors qu’elle est tout près et pique un dernier sprint. Elle avale les marches des escaliers pour atteindre le premier étage, reprend son souffle sur le palier et se dirige vers la salle de classe. Elle est chanceuse, encore une fois : le professeur n’est pas encore arrivé. La jeune fille a les joues toutes rouges et les yeux humides à cause du vent froid, son rythme cardiaque est encore élevé. Petit à petit, elle retrouve son état normal, mais encore aucun signe de l’enseignant. Les élèves autour d’elle s’impatientent après cinq minutes, puis dix. May ne s’en soucie déjà plus, elle a retrouvé ses deux comparses et est plongée dans une conversation plutôt animée concernant leurs projets du samedi après-midi.
Steen s’assoit dans le couloir. Il scrute May, se demandant s’ils allaient pouvoir parler aujourd’hui, avant de se rejoindre devant l’arrêt du bus qui emmène au cimetière. Il ignore si les parents de May y seront. Et puis, il a oublié de demander la permission de sortir à sa mère. C’est bien la première fois qu’il sort un soir. Il n’est même pas certain de pouvoir considérer May comme son amie. Pourtant, c’est bien elle qui lui a demandé de l’aide… Alors elle doit s’intéresser à lui, pas vrai ? Il jette un coup d’œil à son gsm pour regarder l’heure. Un quart d’heure de retard, le prof ne viendra sans doute pas. Les élèves commencent à s’agiter, comme si la possible absence d’un professeur était ce qui pouvait arriver de mieux. Steen, lui, est toujours aussi calme.

“Bon les délégués, vous allez demander à l’éduc’ si le prof est là ?” demande un élève impatient.

Au moins, ils seront fixés. Steen peut profiter du temps libre qu’il a pour réviser un peu, voire s’avancer dans son travail à faire. Il ouvre son sac. Personne ne fait attention à lui, et tant mieux. Le garçon aux cheveux sombres n’aime pas qu’on le regarde. Et encore moins lorsqu’il travaille. Il veut que sa mère soit fière de lui, même si parallèlement, il va sortir dans son dos, sans rien lui dire de ses activités. Il tient le cahier bleu sur ses genoux, pour mémoriser la leçon qu’il n’a pas vraiment écoutée, et une fille de la classe revient avec un air triomphant.

“Il est pas là !
— Oh non, on aurait pu commencer à 9h,” se plaint quelqu’un.

Tandis que les élèves se dispersent, certains pour sortir un moment de l’école, d’autres pour se dégourdir les jambes dans la cour, Steen reste seul dans le couloir. Au moins, il ne sera pas dérangé. Il lève la tête juste au moment où May passe devant lui, accompagnée de ses amies. Il lui adresse un léger sourire, et lorsqu’elle disparaît au tournant, il fixe à nouveau les pages d’écritures de son cahier.
La jeune fille a souri aussi, discrètement, comme pour garder leur nouvelle entente secrète. Elle n’en a pas parlé à ses amies à qui elle dit pourtant beaucoup de choses, cette fois c’est différent. Comme si elle voulait être sûre de garder l’amitié du garçon pour elle seule. C’est un peu idiot comme raisonnement, personne ne s’intéresse vraiment à Steen de toute façon. Mais c’est comme son petit secret. Joyeuse, elle suit Lisa dehors pendant qu’Aisha passe rapidement aux toilettes avant de les rejoindre. En discutant, l’heure passe rapidement, peut-être un peu trop même, et c’est en traînant les pieds que les élèves retournent en classe.
Malheureusement pour certains, les autres professeurs ne sont pas absents, et les cours reprennent leur rythme normal. Steen se retrouve au fond de la classe, où il peut toujours regarder May. Au fur et à mesure que les heures s’écoulent, son cœur s’accélère et s’emballe. La fin des cours approche et il ne sait toujours pas comment va se dérouler la petite sortie. L’horloge dans la classe tourne au ralenti. Les secondes se succèdent, l’aiguille semble reculer, les minutes paraissent des heures pour les deux adolescents qui n’ont qu’une hâte. Finalement, la prof fait ses dernières annonces.

Pour lundi, vous allez me faire toute la page septante trois. Et c’est pas long.← pour un prof c'est pas très classe, plutôt du genre "vous allez me faire toute la page septante trois, elle n'est pas très longue"

Le bruit de la sonnerie, enfin, marque la fin de la journée. Pour la première fois de sa vie, Steen sort juste derrière May, avec le flot d’élèves, sans attendre qu’il y ait moins de monde. Les deux adolescents suivent la foule, emportés sans le vouloir. La jeune fille brune est étonnée de voir déjà Steen à ses côtés, mais ne s’en formalise pas. Elle se fait bousculer sur le côté par un élève un peu trop pressé et réajuste son sac pour qu’il ne tombe pas au sol. L’arrêt de bus n’est pas loin, mais déjà peuplé d’élèves qui attendent également le véhicule blanc et orange.
Le jeune garçon traverse la route prudemment, et reste debout à l’arrêt, à côté de May. Elle prend la parole en premier, sûrement moins timide et réservée que l’est Steen.

“Tu sais où chercher ? C’est grand le cimetière de Bruxelles.
— Euh… Non, avoue Steen. On va devoir chercher partout je crois.
— Ça va pas être simple… On est même pas sûrs qu’ils y soient.
— Tant pis, on y passera des heures s’il le faut.”

Au bout de plusieurs minutes, le bus s’arrête devant eux. Ils montent, et trouvent une place pour s’asseoir. Ils ont de la chance, vu le nombre d’élèves qui attendait à l’arrêt. Le moteur vrombit et le bus redémarre. Les arrêts s’enchaînent, Steen et May restent silencieux. La vérité, c’est qu’ils ont peur de ce qu’ils peuvent trouver au cimetière. Ils espèrent quand même qu’il ne pleuvra pas. Ce serait plus pratique et plus agréable. Mais bon, on est en Belgique. Il ne faut pas trop espérer à ce niveau-là.

Les deux jeunes descendent dans la rue adjacente au cimetière. Enfin, ils y sont.
La pluie qui tombe et les nuages noirs rendent l’endroit plus effrayant qu’il ne l’est déjà. Des herbes folles ont poussé un peu partout, là où un chemin de terre battue aurait dû se dessiner. Il n’y a pas de grilles tout autour, comme dans les dessins animés. Seulement un petit muret qui entoure le lieu← ça fait un peu lourd comme formulation. Le silence est pesant et seules les gouttes qui tombent le brise← idem, ça fait un peu lourd comme formulation. Il n’y a aucune autre forme de vie que les deux adolescents. Des tombes se succèdent, presque les unes sur les autres. Si le soleil avait été au rendez-vous, peut-être que le cimetière aurait été un peu plus accueillant. Steen n’a pas peur, mais en voyant le nombre de tombes, il se demande s’ils vont avoir le temps de trouver celles de leurs parents.

“Bon, eh bien… C’est parti,” annonce-t-il d’une voix forte pour couvrir le bruit de la pluie.

May hoche la tête doucement. Elle n’est pas sûre de pouvoir trouver quoi que ce soit, mais comme convenu elle commence la recherche. Les gravillons qui tapissent l’allée crissent sous ses pas lorsqu’elle s’écarte un peu, avant de s’abaisser pour examiner une première tombe. Christiana Champennin. Une parfaite inconnue, que May laisse en paix en passant au suivant.

Steen s’accroupit vers la première pierre tombale en soupirant. Quel était le prénom de son père ? Après un instant de réflexion, il se souvient : Klaas. Klaas Van Doorn. Le jeune garçon regarde les écritures attentivement. Ce n’est pas son père, et ça ne correspond pas non plus aux parents de May ← Un peu bizarre, plutôt quelque chose du genre "Aucune ne corresponde ni au nom de son père, ni à ceux des parents de May." Il se redresse en secouant négativement la tête. Il n’est même pas certain que les parents de May soient enterrés ici, ni même qu’ils soient enterrés tout court. Peut-être qu’ils ont été incinérés, et dans ce cas, les chances de les retrouver s’amenuisent. Steen a vraiment envie d’aider la jeune fille, mais les deux enfants ne savent même pas par où commencer.
Peu à peu, la pluie s’arrête de tomber. Il ne reste que les flaques de boue, qui s’étendent devant les tombes et rendent l’accès aux pierres plus difficile. Steen pose parfois un genou sur le sol. Son jean est trempé et sale ; il ne juge pas cela très important. Les rangées sont longues, et les adolescents n’ont rien d’autre qu’un nom pour leurs recherches.

“Mon père s’appelle Klaas Van Doorn. Et tes parents ?
— Droubet. Euh… Liana et Marc.”

May ne connaît ces noms que par sa marraine. Dans ses souvenirs, il n’y a que des images floues de visages ressemblant à ceux de la photo. Le son d’une voix aussi, quelques mots doux. Un parfum de lilas. Pas grand chose de très précis, des réminiscences très vagues du passé. Elle était petite quand ils sont morts, à un âge dont on ne garde que très peu de souvenirs. Dans ce cas, cela ne l’aide pas. Un petit soupir de nostalgie sort de sa bouche tandis qu’elle s’accroupit pour observer de nouvelles tombes.

“Tu trouves quelque chose ? interroge Steen en se redressant une énième fois.
— Non, toujours rien.”

Le jeune soupire une fois de plus lui aussi, en sortant son gsm pour regarder l’heure. Sa mère ne doit rien savoir, sinon il serait puni d’à peu près tout. Elle serait même capable de le priver de ses livres, qu’il aime tant lire le soir. La gorge nouée par tous les mensonges qu’il devra inventer, il se remet à son travail d’analyse de tombes.
L’humidité ambiante n’arrange pas le mal de dos de Steen qui commence à se faire sentir, après s’être accroupi dans des positions parfois inconfortables et relevé des dizaines de fois de suite. Il se laisse presque tomber auprès de la suivante, découragé. May se trouve un peu plus loin, lisant elle aussi chaque plaque. Celle que regarde à présent Steen est toute simple. Les herbes grimpent tout autour de la pierre marbrée, mal entretenue. Depuis combien de temps est-elle ici ? Il approche son visage des écritures gravées simplement. Il fronce les sourcils, déchiffrant avec peine les dates et le nom.

VAN DOORN Klaas,
11 avril 1975-17 juillet 2006
Il ne faut jamais perdre espoir.

C’est tout. Trente et un an. Steen trouve ça jeune pour mourir. Il n’y a pas plus de précisions sur les circonstances de sa mort, et seule la petite phrase la distingue des autres tombes. Cela fait dix ans. Perturbé, il doit relire plusieurs fois le nom, les dates, pour être certain que c’est bien son père qui est enterré là. Il n’y a aucun doute possible. Il passe une main dans ses cheveux poisseux et mouillés, tremblant. Il n’a plus de voix soudainement, comme si toutes ses forces l’avaient abandonné. Son attention se reporte sur la maxime qui orne la pierre. Ne pas perdre espoir. Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Il touche du bout des doigts les fines gravures.

“May ? J’ai trouvé celle de mon père !” fait-il d’une voix mal assurée.

La jeune fille lisait l’épitaphe d’une nouvelle tombe, le nombre de dates et de noms déchiffrés elle ne sait plus, elle a déjà perdu le compte. Elle fait demi-tour quand elle entend la voix tremblante de l’adolescent derrière elle, s’approche de la pierre tombale. Elle a de la peine pour son ami en voyant qu’elle est mal entretenue.
Steen se remet debout, lentement. Ses jambes tremblent, comme tout son corps. Il laisse May s’approcher de la pierre tombale, pour qu’elle lise ce qui est écrit. La jeune fille plisse les yeux, l’écriture est abîmée mais elle arrive à lire. 17 juillet 2006… Dix ans et trois mois, presque tout juste. Elle se demande si ses parents sont morts avant ou après. Puis elle aperçoit la petite phrase gravée sous les dates, et se pose la même question que son ami. Elle se retourne vers lui et voit dans son regard qu’il n’en sait pas plus qu’elle. Encore un mystère...

Chaque tombe est passée au peigne fin. Les deux adolescents lisent avec attention les noms des défunts, cherchant encore les parents de l’orpheline. Mais les tombes ne sont même pas réunies par époque, un soldat de la grande guerre est notamment enseveli juste à côté du père de Steen, et ça ne facilite pas les choses. Le cimetière est immense, et les deux jeunes savent que sans aucune indication, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. S’ils ont réussi à trouver la tombe de Klaas, c’est par pur hasard. Ils continuent pourtant leur travail de titan, avides de réponses.
Le ciel s’assombrit, il se fait tard. Presque toutes les tombes ont été vérifiées. Steen regarde le ciel, et la peur de rentrer se fait plus présente. Il ne veut pas croiser le regard coupable de sa mère ←Euh... C'est pas sa mère qui est coupable, son regard ne peux pas être coupable. Pourtant, plus il retarde ce moment, plus les conséquences seront importantes et il le sait. Il jette un coup d’œil à la jeune fille. May sait aussi qu’ils doivent rentrer. Elle est déçue de ne pas avoir retrouvé la tombe de ses parents, mais contente pour Steen. Au moins, lui il en sait un peu plus, bien qu’il y ait cette mystérieuse phrase. À contrecœur, les deux enfants quittent le cimetière et retournent attendre le bus qui les ramènera chez eux. Il arrive assez rapidement et les deux adolescents crottés grimpent à son bord sous l’œil un méfiant du conducteur. Ce dernier ne pose pourtant aucune question et redémarre dès qu’ils ont validé leur billet ← En faite, je crois que y a un problème avec le temps de "ont validé", mais je suis pas sûre. C'est juste que j'ai l'impression que ça sonne bizarre. Steen descend quelques arrêts avant May qui le salue d’un signe de la main avant d’être emportée par le bus qui redémarre. Son arrêt est proche et elle descend à son tour un peu plus loin. Si sa marraine est déjà rentrée, elle espère qu’elle ne s’est pas inquiétée.

Steen se dépêche de monter les escaliers qui mènent à l’appartement de sa mère, au troisième étage. Essoufflé, il respire avant de pousser la porte. Il est trempé, n’a aucune excuse valable, et il a complètement oublié d’appeler sa mère pour prévenir. En plus, il ne peut rien raconter. Dans tous les cas, il sait qu’il sera puni. Il baisse les yeux en passant la porte, la refermant doucement derrière lui. Sa mère est assise sur un fauteuil, prostrée, les yeux fixant droit devant elle. Steen déglutit et ose un regard sur elle.

“Je… Suis désolé
, dit-il. ← Là ça fait qu'à moitié bredouillé, plutôt "Je... je suis... désolé" ou Je... suis... désolé..."
— Alors ? Où étais-tu, avec qui, pourquoi ?
— J’ai dû rentrer à pied, parce que… Y avait un problème de bus.”

Steen est un garçon intelligent, et pourtant il n’a pas trouvé mieux. Sa mère ne va pas vérifier les horaires des bus, et puis cela explique que ses habits soient trempés. La femme blonde soupire en croisant ses mains sur ses genoux.

“J’aimerais que tu me dises si tu te fais embêter, tu sais.
— Quoi ? Bien sûr que non !
— Bon… Donc tu as mis des heures pour rentrer à pied ?
— Oui. Enfin non. Je... ”

Il aimerait lui dire qu’il est désolé, qu’il ne peut rien lui dire. Mais les mots ne sortent pas, et il n’a rien à lui dire de toute façon. Alors il se tait, fixe le plancher de bois et attend.

“Bon, viens manger un peu. On en discute plus tard.”

Steen obéit. Hors de question de faire ne serait-ce qu’un pas de travers jusqu’à la fin de ses jours.

Quand May ouvre la porte, elle est accueillie par son chien, comme d’habitude, mais sa marraine est là aussi. La jeune fille essaie de se comporter comme si tout était normal et qu’elle ne revenait pas d’une recherche de plusieurs heures dans un cimetière sous la pluie.

“Tu es en retard.
— Je suis rentrée avec Aisha après les cours.
— Va te changer, tu vas attraper la crève comme ça.”

May sourit et s’exécute. L’eau chaude de la douche qui coule sur sa peau lui fait un bien fou, et quand elle ressort elle se sent comme revigorée. Avec le repas qui l’attend, le froid et la boue seront rapidement oubliés. Mais avant de passer à table, il lui reste une chose à faire. C’est un peu son ami maintenant.

“Ça va, tu t’es pas fait trop engueuler ?”

Voilà, envoyé. Maintenant c’est l’heure de se remplir un peu le ventre qui grogne justement.

De son côté, Steen a avalé rapidement son repas, composé d’une salade de tomates préparée à la va-vite. Lorsqu’il sent son gsm vibrer dans sa poche, il le sort rapidement et sourit en lisant le message de sa nouvelle amie, avant de répondre :

“Ça aurait pu être pire. Et toi ?”

Mais sa mère louche sur le téléphone, pose une main sur la table. Steen lève les yeux. C’est pas bon pour lui. C’est vrai que ç’aurait pu être pire, mais sa mère décide de corser un peu les choses.

“Steen, je ne sais pas à qui tu parles, ni avec qui tu étais, mais tant que tu ne me diras rien, je veux que tu me donnes ton gsm.
— Mais… fait Steen d’une petite voix.
— Pas de “mais”. Tu ne veux rien me dire ? Tant pis pour toi.”

Il n’a plus le choix. Il éteint son téléphone, le donne en main propre à la femme qui ne plaisante plus. Demain, il devra croiser May pour lui expliquer. Il se sent plus proche d’elle, après une virée au cimetière pendant trois heures sous la pluie. Il sort de table sans rien ajouter pour aller se laver et se changer dans la salle de bain.

Durant le repas, May se dit que c’est l’occasion de poser quelques questions à sa marraine. Si ça se trouve, ses parents ne sont même pas enterrés ici, puisqu’elle ne sait rien. Peut-être même qu’ils ne sont pas ensevelis tout court mais plutôt incinérés ?

“Tu sais où mes parents sont enterrés ?”

La jeune femme rousse arrête son geste et repose sa fourchette sur son assiette. Aïe, ce n’est pas forcément bon signe. Elle réfléchit, comme pesant le pour et le contre, et chipote à une mèche de cheveux avec sa main gauche.

“Pas à Bruxelles.
— Où alors ?
— À Lyon”, lâche-t-elle après une hésitation.

May ne sait plus quoi penser. C’est si loin Lyon !

“Mais, pourquoi à Lyon ? Ils étaient français ?
— Non, ils n’étaient pas français. Je ne sais pas pourquoi.”

La discussion s’arrête là, la marraine de la jeune fille a repris ses couverts et continue son repas. May ne croit pas à la dernière réponse. Quelque chose dans le regard, ou dans la voix, sonnait faux. Il faudra qu’elle en parle à Steen, lundi. Ils aviseront ensemble. Pas beaucoup plus avancés sur les mystères qu’avant, les adolescents savent qu’ils sont deux maintenant. Et c’est mieux d’avancer à deux plutôt que seul. ← Une répétition avec "deux", faut changer tout ci tout ça
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptySam 4 Juin - 21:10

Chapitre quatre

Machinalement, Steen pose sa main sur la poche de son jean. L’absence de son gsm, qu’il n’utilisait presque pas avant ces quelques derniers jours, le perturbe. Il a trop l’habitude de regarder régulièrement l’heure ← Plut tôt, tu disais qu'il ne l'utilisait presque jamais.... La première heure de cours à l’école, ce lundi matin, est déjà presque terminée, et le jeune garçon espère pouvoir parler à May. Celle-ci, d’ailleurs Je foutrais bien une virgule là est plus proche de lui, plus au fond de la classe. Elle mâchouille le bout de son crayon, l’air absent. Elle attend également la récréation pour pouvoir parler de Lyon à son ami. Elle ne lui a pas dit par sms, malgré la longueur du week-end, elle attendait de le voir en face pour pouvoir en discuter vraiment. ← CETTE PHRASE NE VEUT STRICTEMENT RIEN DIRE Elle ne sait pas s’ils doivent aller là-bas ou renoncer à cause de la distance. Ils pourraient tout aussi bien d’abord creuser la piste à propos du père de Steen, même si on ne peut pas dire qu’ils aient beaucoup d’indices.

“May ! Peux-tu répéter ce que je viens de dire ?
— Euh non, je n’écoutais pas désolée, fait la jeune fille en revenant brusquement à la réalité.
— Bien, c’est ce que je pensais. La prochaine fois c’est un mot aux parents.”

La prof reprend son cours normalement, sans plus se préoccuper de May qui soupire. Elle jette un regard à Steen, qui semble lui adresser un petit sourire d’encouragement.
Steen se rappelle de sa discussion avec son aînée Anja. Elle lui a dit d’aller au cimetière. Il se crispe, sentant la colère monter en lui. À cause d’elle, les deux adolescents ont cherché pendant des heures, sous la pluie, pour se faire engueuler à leur retour. Et punir, en plus de ça. Au moins, maintenant il connaît l’emplacement de la tombe… Et la phrase gravée dessus, qui lui revient sans cesse en mémoire. Que veut-elle dire ? Et si c’était ça, que sa sœur voulait qu’il voie ? Et puis les dates. Comme s’il ne connaissait pas la date de naissance de son père ! Bon, il avait oublié, c’est vrai. Et la date de mort, aussi. Ça fait dix ans. C’est tout ce qu’il y a d’écrit. Steen se demande s’ils n’ont pas raté quelque chose. Ils étaient sous la pluie, c’était tard, ils ont peut-être loupé un indice.

“Steen ! Mais c’est pas vrai, vous avez décidé de faire un voyage sur la lune ou bien ?
— Pardon.
— Bien, je reprends donc.”

Les deux jeunes se forcent à se concentrer et prendre des notes correctement pour ne plus être repris. Le cours est assez intéressant, mais c’est difficile d’écouter attentivement alors qu’ils n’ont qu’une idée en tête : se parler. May réfléchit, pèse les pour et contre d’un tel voyage à Lyon, tandis que Steen palpe la poche vide de son pantalon régulièrement. Il se sent mal sans son téléphone. Il lui manque quelque chose. En plus, maintenant qu’il a quelqu’un à qui parler, il n’en a plus le droit. Il trouve sa mère injuste, mais elle ne peut pas comprendre où il était. Enfin, elle ne comprendrait pas pourquoi il y était, et quelle idée a bien pu passer dans la tête des deux adolescents.
Encore une heure de cours avec cette prof avant d’être libérés pour la récréation. Steen ferme les yeux quelques secondes. La nuit dernière n’a pas été très reposante, car tout tournait dans son esprit. Des cauchemars, ou des souvenirs, lui revenaient en mémoire par bribes. Il entendait des cris, des hurlements même, qui venaient de toute part. Sans doute n’était-ce qu’un rêve, après tout. Steen a toujours eu une imagination débordante. Tout en songeant à tout ça, épuisé, il se remet à écouter distraitement le cours, suffisamment pour ne plus être repris par sa professeur.
Un dring strident retentit. May se lève, peut-être avec un peu trop d’empressement, et range rapidement ses affaires. Dans le brouhaha général, la prof crie presque pour pouvoir se faire entendre :

“Vous terminez cet exercice et le suivant pour demain ! May, reste ici s’il-te-plaît.”

La jeune fille, déjà presque à la porte, se retourne et fait demi-tour avec des pieds de plomb. Elle attend que le rang sorte, ses trois amis lui font signe qu’ils l’attendent, chacun de leur côté. Elle a un peu peur de ce que la prof veut lui dire, mais fait semblant de n’en avoir strictement rien à faire. Dès que le dernier élève - Steen - a passé la porte, la prof se retourne vers l’adolescente.

“Tu as des problèmes à la maison ? Tu n’es pas distraite ainsi d’habitude, ou alors c’est parce que tu bavardes, fait-elle avec un petit rire vexant.
— Non non c’est rien. Je serai plus concentrée la prochaine fois, ajoute-t-elle pour que la prof la laisse partir plus vite.
— Si tu le dis.”

May quitte la classe avec le regard dubitatif de la prof dans son dos mais ne s’en soucie pas. Tant qu’on ne lui pose que des bêtes questions ← tournure belge, ou faut dire que des questions bêtes ?, elle peut répondre ce qu’elle veut. Et là, elle a plus important à faire. Il faut qu’elle parle à Steen. Ce dernier attend justement près de la porte qui donne sur la cour, espérant pouvoir croiser May avant ses copines. D’ailleurs, la voilà qui arrive, après sa discussion avec la prof. Steen se demande bien ce qu’elle lui voulait, mais après tout ce ne sont pas ses affaires. Et ils ont d’autres choses à se dire.

“Salut ! lance Steen.
— Salut !”

May jette un regard aux alentours pour voir si quelqu’un est tout proche.

“Ma marraine m’a dit un truc bizarre vendredi soir.
— Raconte !
— Mes parents sont enterrés à Lyon.
— Lyon ? répète Steen, se demandant pourquoi à cet endroit.
— Oui, et elle a pas voulu me dire pourquoi. Et toi, tu voulais me dire quelque chose ?
— Mais… Ça fait un peu loin, non ? Euh… Ma mère m’a puni de mon gsm, mais je vais essayer de le récupérer.
— Ah merde, à cause de vendredi ? continue May en passant involontairement la première question.
— Je crois bien, oui…
— Heureusement qu’on se voit tous les jours. Ah et Lyon oui c’est loin ← Hum. Ça sonne vraiment très bizarre..., c’est bien ça le problème…”

Les deux adolescents ne savent pas trop quoi faire. Aller à Lyon, c’est bien plus compliqué que le cimetière à deux kilomètres de chez eux… Et peut-être même que ça n’en vaudrait pas la peine, peut-être qu’à Lyon il n’y a rien, aucun indice. Steen secoue la tête. Sa mère n’aura jamais assez d’argent pour aller à Lyon, et elle poserait trop de questions. Et surtout, elle ne laissera jamais son fils partir seul avec May.

“Bon, qu’est-ce qu’on fait ? T’as une idée pour la phrase de la tombe de ton père ?
— Je pense que je demanderai à ma grande sœur. C’est elle qui m’a dit d’aller au cimetière, confie-t-il, elle doit bien savoir quelque chose.
— Bonne idée. Tu me dis quoi dans les prochains jours ? Les filles doivent m’attendre.
— Oui ! On se voit plus tard.”

May hoche la tête et salue le garçon avant de se dépêcher pour rejoindre ses amies. C’est déjà presque la fin de la récréation, elles vont se demander ce que la prof pouvait bien lui dire. Elle inventera, ce n’est pas grave. Elles la croiront quoiqu’elle dise.
Steen, lui, la regarde partir avec un pincement au cœur. Il détourne le regard pour penser à autre chose. Lyon. Il ne sait même pas le placer ← Lyon c'est une ville, donc c'est plutôt la, mais je suis pas sûr exactement sur une carte. Il attend seulement la fin de la récréation, l’air absent, dos au mur.

Lisa attend près d’un banc, et s’enquiert de la conversation quand May arrive enfin : ← Pas très clair tout ça...

“Alors elle voulait quoi ?
— Elle me trouve trop distraite, elle m’a fait un petit speach en me rappelant que je devais me concentrer, rien de grave.
— Elle a pas tort, pour une fois. T’es bizarre pour le moment.” ← C'est "en ce moment", mais je crois que mamie a corrigé

May se fige. Alors comme ça ses secrets et ses connivences avec Steen commencent à se voir. Ils doivent être plus discrets, même envers leurs tutrices respectives ← Pas de "s" à leur, ils ont chacun une tutrice. S’ils veulent garder leur tranquillité, sans que des rumeurs courent à leur sujet, ils doivent vraiment faire gaffe désormais. D’autant plus que répandre des rumeurs est une activité très prisée dans leur établissement.
ALERTE RÉPÉTITION /meurt/. Sérieusement, répétition de "rumeurs"

Fourbu et épuisé, Steen rentre chez lui. Cette fois-ci, il fait bien attention de ne pas être en retard. Il arrive même plus tôt que d’habitude, ayant couru un peu dans les rues de la ville ← Il est pas censé rentrer en bus ?. Il a besoin de se dépenser, de faire du sport. Tout ça, les trucs nouveaux dont il n’aurait même pas dû être au courant, c’est trop pour lui. Lui, il était bien tranquille avant, seul, mais au moins il était dans sa bulle. Comment en quelques jours, tout avait pu changer ainsi ? Maintenant il a un but, et il se surprend même à tenir à la jeune May. Il y a une semaine, elle n’était encore qu’une camarade, une inconnue qu’il voyait tous les jours. Il songe à son gsm qu’il doit récupérer. Sa mère est toujours dans le salon, elle regarde la télé.

“Tu rentres bien tôt aujourd’hui ! Je préfère ça.
— Oui, j’aime pas être puni. Je peux prendre le téléphone pour appeler Anja s’il te plaît ?
— Pas ton gsm.
— D’accord, le fixe.”

Steen prend le téléphone fixe, se racle la gorge et compose le numéro qu’il connaît par cœur. Il colle le combiné à son oreille en fermant la porte de sa chambre pour que sa mère ne l’entende pas. Au bout de trois ou quatre sonneries, Anja répond enfin.

“Allô ? fait-il.
— Eh ben, tu m’appelles souvent en ce moment !
— Je suis allé au cimetière vendredi.
— Sérieusement ? Ça te tient tant à cœur que ça ?
— J’ai rien vu de particulier. Tu m’as dit qu’il y avait des précisions au cimetière.”

Le silence entre le frère, qui a haussé le ton, et Anja, est pesant. Elle lui a donc menti, il en est certain.

“Écoute, Steen, je dois te dire…
— Quoi ? la presse-t-il.
— Je ne sais pas comment il est mort. Un jour, il est pas rentré, et maman m’a annoncé ça. C’est tout.”

Steen soupire. Il va devoir demander à sa mère, mais ce n’est jamais le bon moment. En ce moment, après sa courte disparition au cimetière, elle n’est pas vraiment d’humeur à discuter de son mari défunt.

“C’est pas grave. Merci quand même, lâche l’ado ironiquement.
— On se voit dimanche prochain, p’tit frère !”

Ouais, c’est ça. En attendant, il n’est pas plus avancé. Il doit récupérer son gsm. Il sort de la chambre, va reposer le fixe en annonçant à sa mère que tout va bien. La femme sourit, sans répondre, concentrée sur sa série. Steen décide d’aller travailler un peu. Il tousse un peu, passe la main dans ses cheveux. Il a des devoirs, se souvient-il. Assis à son bureau, l’air impénétrable, il tente de faire abstraction de tout. Lentement, pourtant, il ouvre un livre de géographie et regarde un atlas de l’Europe. Lyon…

En rentrant chez elle, May prend son casque, le pose sur la tête et met la musique à fond dans ses oreilles. Elle a besoin d’une pause, tout va trop vite d’un coup. Est-ce qu’ils vont vraiment aller à Lyon ? La jeune fille se laisse tomber sur le dos sur son lit et regarde le plafond d’un blanc bleuté, vide, apaisant. La musique chasse les pensées, les paupières se ferment. May reste ainsi dix minutes, peut-être vingt, puis décide de travailler un peu pour que les profs arrêtent de la questionner. C’est gênant. La jeune fille sort son journal de classe. Maths, néerlandais et une petite interro de géographie prévue le lendemain. Aussitôt, Lyon revient dans son esprit. Elle essaie de le chasser comme un insecte que l’on veut écarter, sans succès. Elle sort tout de même ses exercices de mathématiques et commence à les résoudre, mais elle n’est pas concentrée. Elle fait de bêtes erreurs ← comme bêtes questions sans s’en rendre compte. L’adolescente finit par sortir sa leçon de géo mais la repose presque aussi vite sur son bureau. Elle sort de la chambre et va s’asseoir devant l’ordinateur du salon, tant que sa marraine est encore au travail. Elle l’allume, enclenche internet et tape “Lyon” dans la recherche Google. Aussitôt une carte de France s’affiche et May repère rapidement la ville qui l’attire. Elle observe. Alors c’est là que sont enterrés ses parents...

Steen, au bout de ses forces, enfile son pyjama et fait son sac rapidement. Il a la tête qui tourne légèrement et se dit que c’est dû à la fatigue accumulée ces derniers jours. Alors sans tarder, il se met au lit pour se reposer avant le lendemain, qui allait encore être chargé en cours, devoirs et interros.

La voix du professeur de géographie résonne dans le crâne de Steen. Il faut rendre les interros. Il a l’impression de ne pas l’avoir réussie, et croise le regard de May qui se retourne pour récupérer une copie et la faire passer devant. C’est enfin midi. À la récréation, ce matin, May n’a pas réussi à parler avec Steen : Aisha et quelques autres restaient trop près d’elle. Mais à la pause de midi, elle réussit à s’éclipser quelques instants et retraverse le réfectoire en direction de Steen qu’elle sait assis à l’autre bout, à l’écart. Elle l’aperçoit seul, comme toujours, et se pose sur le tabouret en face de lui.

“Alors, t’as pu appeler ta sœur hier soir ?
— Je l’ai appelée, mais bien sûr elle ne sait rien non plus. Elle pensait qu’il y aurait quelque chose au cimetière, et finalement, rien.
— On n’est pas vraiment plus avancés alors. Et je suis pas sûre que Lyon soit une bonne idée.
— Pourquoi pas ?”

Une quinte de toux l’interrompt soudain. Il prend son verre d’eau et boit quelques gorgées.

“C’est loin, on n’a pas d’argent, on sait même pas comment y aller.
— T’as raison. Va falloir chercher des informations autrement.
— Je pourrais fouiller les tiroirs chez moi, pour voir s’il n’y aurait pas de vieux trucs.
— Oui, et je ferai pareil de mon côté en même temps que je récupérerai mon gsm.”

May se sent soudain observée, se retourne et croise un regard qui se détourne au même moment. Effectivement, ce serait plus simple par sms. Pas de regards inquisiteurs, moins de risques de rumeur, pas besoin de trouver des excuses pour se parler. Il devient urgent de le récupérer…

L’après-midi reprend son cours, les profs racontent leur matière comme d’habitude. C’est toujours aussi inintéressant pour les deux adolescents qui préfèrent s’évader dans leurs pensées et rêver de choses et d’autres. Lyon, leurs parents disparus, tout ça. Steen n’arrête pas de repenser au cimetière, à la phrase étrange qui tourne en boucle dans sa tête, et au fait qu’ils n’ont rien trouvé de plus. Toujours au même point. Le point mort.
Steen a toussé tout l’après-midi, et le soir, chez lui. Pendant le repas, alors qu’il manque d’avaler de travers, sa mère s’inquiète.

“T’es malade ? Viens voir ici. Tu as de la fièvre,” dit-elle en touchant son front du dos de la main.

Steen s’écarte pour tousser une nouvelle fois.

“Bon, demain, hors de question que t’ailles en cours. Tu restes ici pour te reposer.”

L’adolescent aux yeux bleus fiévreux ne proteste pas. Il n’a pas le courage d’aller en cours, et rien que penser à ça l’épuise. Alors, le lendemain matin, mercredi, il se réveille à dix heures passées. Sa mère n’est pas là. Aussitôt, il se sent mieux, et récupérer son gsm est le plus important.

À l’école, May cherche Steen dans la classe. Elle ne voit pas, et après la première heure, l’hypothèse du retard étant alors complètement infirmée, elle commence presque à s’inquiéter. Est-ce que sa mère serait capable de le punir au point de l’empêcher de sortir ? Elle ne pense pas, mais elle n’a aucun moyen d’en être sûr. Peut-être est-il simplement mal, ce ne serait pas si étonnant vu la toux qui lui déchirait les poumons la veille. Pourtant, dans une certaine parano ← une certaine paranoïa, je crois..., May n’arrive pas à se convaincre. Elle espère que son ami va bien, tout en écoutant distraitement les cours. Elle avait promis aux profs et à elle-même de se concentrer plus, mais les circonstances font qu’elle n’y arrive pas.

Le jeune garçon aux cheveux sombres ouvre le placard de sa mère. Il n’y a pas de clés, pas de protection. Il n’est jamais venu fouiller là-dedans, alors sa mère n’aurait eu aucune raison de se méfier. Mais voilà, aujourd’hui c’est différent. Il doit prévenir son amie, et discuter avec elle. Il fouille dans une petite caisse remplie de bric-à-brac. Bingo. Il y a son téléphone, enfoui au fond d’un bordel pas possible venant de la femme la plus organisée qu’il connaisse. Il l’attrape, et voit une liasse de billets de cinquante. Il n’ose pas y toucher. Dans son esprit, des idées malsaines viennent telles le diable qui lui chuchoterait quelque chose. Il ne veut pas l’entendre. Il ferme aussitôt l’armoire, après avoir recouvert les billets, et le cœur battant à tout rompre, il retourne dans sa chambre.
Il rallume le gsm, parvenant à peine à maîtriser ses tremblements. Il tape un sms adressé à May.

“Salut ! Désolé de pas être venu, je suis malade et ma mère voulait que je reste. Mais j’ai pu récupérer mon gsm !”

Il le cache sous son oreiller, un peu parano, avant de se recoucher sans réussir à s’endormir à nouveau.

Sur le temps de la récréation, pendant qu’elle observe ses amies rire et discuter sans qu’elle ne rejoigne leur conversation, May regarde si elle n’a pas reçu de message, par simple habitude. Elle est soulagée en voyant le sms de Steen, et contente qu’il ait réussi à récupérer son téléphone. Elle répond :

“Génial x) De mon côté j’ai pas pu fouiller hier, ma marraine est rentrée tôt, mais je m’y mets tantôt. J’espère que t’iras vite mieux.”

Rassurée, la jeune fille a retrouvé son sourire et se penche pour se joindre au petit groupe assis autour de la table. À la première blague, elle rit avec eux et en sort même une autre. Aisha regarde sa meilleure amie et lui sourit. Elle a l’impression de l’avoir enfin retrouvée. Elle espère que le comportement étrange de la jeune fille brune ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir. En retour, May lui fait un clin d’œil.
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptySam 4 Juin - 21:52

Chapitre cinq



La porte en bois claque quand May la referme derrière elle. Elle avait raison, cette fois encore elle est seule. Si l’on oublie le labrador. Après une rapide caresse à ce dernier, l’adolescente fonce dans la chambre de sa marraine, et ouvre le premier tiroir qu’elle trouve. Pas de chance, ce sont des vêtements ← Pas obligatoire, mais "ce ne sont que des vêtements" sonneraient un peu mieux ? Après sur ce coup c'est toi qui vois. Un à un, elle les ouvre et les referme tous, avec fébrilité. Là-dedans, rien ne l’intéresse. Après les tiroirs, la jeune fille s’attaque au monceau de feuilles sur le bureau. Il y a des factures, différents papiers administratifs, des articles de journaux découpés mais rien ne semble avoir un quelconque rapport avec Lyon ou ses parents. Mais la jeune fille ne se décourage pas. Leur espace de vie est encore vaste, et d’autres meubles peuvent receler des indices. Le salon, par exemple, est plein d’armoires aux multiples tiroirs contenant à peu près tout et n’importe quoi. La fouille en règle continue. Il y a des bouts de papier avec un lieu et une heure de rendez-vous, chez le médecin ou un autre à moitié déchiré où May peut lire “Zaventem 16h30”. La jeune fille n’a pas de souvenirs récents de sa marraine allant chercher quelqu’un à l’aéroport ou empruntant elle-même l’avion, mais elle ne sait pas tout des occupations de la jeune femme et ne s’en préoccupe pas. D’autres trouvailles inutiles passent entre les mains de l’adolescente et retournent tout aussi vite à leur place. Enfin, tout en bas d’un meuble, sous d’autres papiers, il y a une carte postale montrant les pyramides de Gizeh. May les reconnaît pour les avoir déjà aperçues sur une photo dans un manuel scolaire. Elle retourne la carte, regarde la signature vieillie et sent les larmes lui monter aux yeux. C’est l’écriture de sa mère. A côté, il y a le nom de son père. Elle cherche la date, déchiffre à partir du tampon de la poste. 2001. Cela ne l’aidera probablement pas dans son enquête, mais May serre la carte contre son cœur. C’est un tout petit bout de son passé. De ses parents.

Steen dort lorsque sa mère entre sur la pointe des pieds dans sa chambre. La tête sur l’oreiller, le téléphone est invisible aux yeux de la femme qui sourit en replaçant la couverture sur le corps de son fils. Le parquet grince sous ses pas, et Steen ouvre ses yeux bleus.

“Oh. Ça va mieux mon chéri ?”

Peut-être que la fièvre lui embrouille l’esprit, mais Steen a l’impression que le “chéri” sonne faux dans la bouche de sa mère. ← On croirait le début d'un film d'horreur avec le mec qui se rend compte que sa mère est possédé. Nan je rigole, change pas XD Elle ne l’appelle que rarement ainsi. Il se redresse sur ses coudes, et l’envie de vomir lui prend. Il sait qu’il a rêvé, mais ne s’en souvient plus. C’est très désagréable. Ses pensées se tournent vers May. Elle a sans doute répondu à son sms, mais avec sa mère dans la pièce, il ne peut pas. Alors il avale sa salive, la gorge sèche. Dehors, la nuit commence à tomber. Le temps passe trop vite.

“Ça va maman. Je me sens beaucoup mieux.”

Dès que sa mère a tourné les talons, Steen s’empresse de sortir son gsm et de regarder l’écran de verrouillage. Un nouveau message. Il le lit rapidement avant d’y répondre.

“Ça va mieux. T’as eu le temps de fouiller ? Moi pas encore.”

Il le repose à l’abri en attendant la réponse. Le jeune garçon fait son sac pour le lendemain. Il se sent plus reposé, et plus en forme. Il a fait une sieste tout l’après-midi, aussi. Alors il prend un livre sur son étagère, pour faire passer le temps. Un classique, mais cela fait longtemps qu’il ne l’a pas lu. Soudain, son coussin vibre, faisant sursauter Steen.

May relit la carte pour la cinquième fois au moins. Elle ne se lasse pas d’observer les mots de sa mère racontant ses vacances. Elle a fouillé tout ce qu’elle pouvait, mais n’a rien trouvé de plus. À croire que sa marraine avait cherché à effacer toutes les traces des parents de l’adolescente, ou presque. Celle-ci a prévenu Steen par sms dès sa fouille achevée, elle est déçue et heureuse à la fois. Mais elle n’est pas vraiment plus avancée. Peut-être est-elle passée sur quelque chose d’important sans s’en rendre compte, ou qu’un indice lui échappe. Ou alors les seules réponses se trouvent à Lyon. Mais les adolescents n’ont ni argent ni moyen de transport pour s’y rendre. May ressort la vieille photo, la pose à côté de la carte. Elle ne risque pas de comprendre grand chose avec ça, notamment à cause de la date. Pourtant, il doit bien y avoir quelque chose qui pourrait l’aider. Mais quoi ?
La porte d’entrée claque, May range ses deux souvenirs bien cachés au fond d’un tiroir de son bureau. Et pour donner le change, elle s’assoit devant en sortant ses cahiers de cours.

Ils ne trouveront rien. Un peu découragé, Steen se demande s’il ne devrait pas abandonner. Ou simplement demander à sa mère la vérité. Il n’a rien à perdre, de toute façon. La nuit est tombée maintenant, et les étoiles brillent dans le ciel. Steen reste accoudé à sa fenêtre, après avoir posé son livre ouvert sur son lit. Il attend encore un moment ainsi, immobile. Puis il se redresse, les membres endoloris. Trop de choses dans sa tête. Il ne parvient plus à faire le tri, à se bloquer pour ne plus penser à rien. Tout se mélange, tout est confus. Il n’entend plus rien. Alors il sort de sa chambre doucement. Les pièces sont éteintes. Le salon est vide ; sa mère est sans doute déjà partie se coucher.
Il se glisse près du buffet. Dans le tiroir, Steen sait qu’il y a des albums photos, des souvenirs, et ce genre de trucs. Il l’ouvre comme il a ouvert le placard, un peu plus tôt. Il n’y voit presque rien dans l’obscurité, et allume une lampe. Il est nerveux, et espère que sa mère ne se réveillera pas. Parfois, il l’entend se relever, la nuit. La respiration sifflante, le jeune garçon commence à fouiller, comme May l’a fait un peu plus tôt. Peut-être qu’il aura plus de chance qu’elle. Qu’il découvrira de nouvelles indications.
Il y a, au dessus de la pile, un album photo d’Anja et lui, de lorsqu’ils étaient petits. Il l’ouvre et parcourt les pages rapidement. Ce n’est pas ce qu’il cherche, alors il le pose sur le dessus du buffet. Une petite boîte contenant des agrafes. Mais pourquoi diable y a-t-il des agrafes dans ce tiroir ? Ce n’est pas leur place. Steen soupire, et continue les recherches. Une photo de mariage. Elle doit dater d’il y a bien des années. Il reconnaît sa mère, et un homme, à côté d’elle. Cheveux sombres, regard rieur, bien habillé. Son père. Il secoue la tête, la repose en vrac. Il n’y a rien de très intéressant. En temps normal, une photo de son père lui aurait fait plaisir, rien que la regarder cinq secondes, mais il n’a pas le temps de s’extasier. Ses mouvements sont plus brusques, plus désordonnés aussi. Il n’a plus le temps.
Il n’y a rien dans ce tiroir. C’est un peu comme si son père n’avait jamais existé. Il n’est plus qu’un souvenir flou, qui disparaît peu à peu. Steen sent son cœur se serrer lorsqu’il repose les photos, et qu’il referme le tiroir. Sa mère ne veut pas qu’il parle de son père. Elle ne veut même pas en entendre parler. Pourtant, cette photo de mariage, c’est lui. Ce sont ses parents. Klaas, qui a les mêmes yeux que son fils, les mêmes cheveux, le même visage. Steen ressemble à son père, il le sait maintenant, et cela lui fait plaisir. Il ne sait pas pourquoi, ni comment, mais au fond de lui il sent qu’ils peuvent trouver ← trouver quoi ? Faut préciser.May et lui sont maintenant des alliés, dans un genre de chasse à la vérité. Un jeu de piste dont les enjeux sont importants, pour eux.

Les jours passent, et May ne voit toujours pas Steen revenir. Il est encore malade, elle le sait et s’en accommode comme elle peut. C’est étrange comme le dernier banc ← banc ? On parle de chaise plus tôt dans le livre lui semble vide ces derniers jours, alors qu’il y a une semaine encore, c’est à peine si elle remarquait le garçon qui occupait la place. Elle en profite pour se rapprocher à nouveau de ses amies, mais ressent parfois comme un pincement au cœur. Quelques fois, elle a l’impression qu’elle ne fait ça que pour donner le change, et elle se maudit elle-même de détruire cette vieille amitié. Beaucoup de choses ont changé et elle a peur de se mentir à elle-même. La seule chose qu’elle cherchait, c’était ses parents. Comprendre comment ils étaient morts. Et aujourd’hui elle a le sentiment qu’elle a créé un “avant” et un “après” sa décision. Elle essaie de rattacher les deux bouts comme elle peut, regardant l’”avant” partir doucement à la dérive. Ça ne l’aide pas à se concentrer sur ses cours, et d’autres remarques la rappellent à l’ordre. Un prof la regarde même avec pitié. May ne le remarque pas, ou s’en fiche. Elle attend son ami.

Steen n’a pas vu la semaine passer. Il se dit que demain, c’est déjà le week-end, et que bientôt, les vacances de la Toussaint vont arriver. Et cela fait des jours qu’ils ont commencé à chercher des informations. Toujours rien. Steen a le sentiment qu’il ne faut pas se décourager, même si parler sans se faire remarquer, se cacher tout le temps, que ce soit à l’école ou par sms, use de leurs nerfs. Aujourd’hui, comme l’adolescent n’est plus malade et qu’il se sent mieux, il est de retour dans sa classe. Il a croisé May, sans pouvoir lui parler. En cours, elle est juste devant lui, mais il s’efforce à écouter attentivement, pour rattraper ce qu’il a manqué.
En cours de maths, la prof explique ses théorèmes plusieurs fois de suite et Steen sent qu’il glisse ailleurs, comme d’habitude. La sonnerie le réveille, et il y a une deuxième heure de maths, pour le plus grand désarroi de quelques élèves complètement largués. Après une courte pause que la prof leur laisse entre la première et la deuxième heure, sans doute pour éviter la surchauffe, les élèves partis aux toilettes reviennent pour s’asseoir à leur place.
Mais voilà, Mohamed, connu pour être quelqu’un de bavard, prend son sac et le déplace jusqu’à la chaise → Retours de la chaise... libre à côté de Steen. Il s’assoit lorsque la prof s’énerve.

“La prochaine fois, je ne laisse aucune pause si vous êtes aussi agités ! C’est bientôt les vacances, faut que vous teniez jusque là.”

Le jeune garçon dévisage Mohamed. Celui-ci lui sourit et ressort ses affaires. Son cahier d’exercices est sale, plein de gribouillis, de passages barrés. Rien à voir avec celui de Steen. Lorsque May se retourne, ils échangent un regard interrogateur.

“Salut Steen, chuchote Mohamed.
— Salut.”

Le comportement du garçon aux yeux noirs n’est pas habituel. Jamais personne ne s’est assis à côté de Steen cette année. Ses doigts se crispent sur son stylo, et il se force à regarder le tableau pour que son voisin ne se rende pas compte qu’il jette des coups d’œil à May.

“Tu veux bien m’expliquer l’exercice ? demande Mohamed en désignant celui que la prof a donné.
— Euh… Oui, d’accord.”

Steen s’exécute et explique avec ses mots, un peu hésitant, comment appliquer le théorème sur les valeurs, et comment trouver le résultat. C’est bien la première fois qu’on lui demande une telle chose, d’autant plus que venant de Mohamed, c’est assez incongru. D’habitude, celui-ci demande les pages d’exercices faits pour les recopier, sans prendre la peine de chercher de lui-même. Cela ne dérange pas Steen, qui lui a toujours donné. Leur professeur est aussi étonnée que Steen quant au changement de place de Mohamed, mais la trentenaire termine son cours et annonce les devoirs à la maison au moment de la sonnerie. Les élèves sortent précipitamment, et Mohamed remercie le garçon aux cheveux sombres d’une voix forte pour se faire entendre par dessus le brouhaha, avant de quitter la salle à son tour.
Steen a l’impression que quelque chose a changé depuis… quelques temps. Il ne saurait pas dire depuis quand exactement. Avant, il avait le sentiment de pouvoir deviner de quoi serait faite la journée suivante. Tout était si monotone, uniforme. Répétitif. Coincé dans sa petite vie lasse, qui lui convenait malgré tout, entouré de mystères qu’il ne cherchait pas à découvrir. Maintenant, c’est différent. Ce qui a changé, c’est lui, en réalité. Même s’il n’en a pas l’impression. Car il cherche quelque chose, il a trouvé une sorte de but, qui lui fait penser à des tas de choses, et qui lui changent les idées.

“Steen ? Tu passes la récré ici ?”

L’adolescent sursaute et se dépêche de fermer son sac, et de sortir dans le couloir, pour que la prof puisse fermer la salle à clé.
May l’attendait. Elle est heureuse de le revoir, il lui a manqué, elle lui sourit quand il sort. Ils ne discutent pas de leurs parents pour une fois, ils sont coincés à ce niveau-là. Ils sont contents de simplement se voir, désormais. Bien sûr, leur but est toujours présent, tout le temps, partout, dans leur esprit, mais ce n’est plus la seule chose qui les pousse à se croiser. Ils marchent côte à côte dans le couloir, comme deux véritables amis. Mais comme chaque fois, ils se séparent sitôt à l’entrée de la cour.
La récréation passe, monotone, froide, grisâtre. Steen reste contre un mur, l’ai blasé et les mains dans les poches, May essaie de rire aux blagues idiotes de son entourage. Les autres cours se suivent tout autant, longs et fatigants. L’adolescente rentre à l’heure habituelle, en repensant à ce qu’elle faisait la semaine passée, même jour, même heure. C’était tout de même plus excitant que rester cloîtrée, seule, à la maison. Elle pourrait sortir, mais elle n’en a pas plus envie. Elle s’ennuie, et essaie de deviner ce que fait Steen de son côté.

Steen retire ses baskets dans l’entrée et pose son sac à dos. Il a réfléchi tout le trajet. Déterminé, le visage fermé et impassible, il se plante entre sa mère et la télé qu’elle regardait. Elle souffle éteint le poste avec la télécommande, croise le regard de son fils. CA VEUT RIEN DIRE

“Comment il est mort, papa ?
— Un… Un accident bête, affirme la mère. Tu me laisses regarder ma série maintenant ?
— Un accident ?
— Oui. Bon, va faire tes devoirs,” lance-t-elle en éludant la question.

Steen tourne le dos et attrape son sac brutalement pour montrer sa mauvaise humeur. Il déteste lorsque sa mère l’envoie balader ainsi. Elle ne lui dira rien, une fois de plus. Mais pourquoi tant de mystères ? Est-ce un accident de voiture ? Dans tous les cas, Steen ne comprend pas pourquoi sa mère se tait. Comme si son père était toujours vivant, quelque part. Personne ne parle de lui, de sa mort, il est comme… Oublié. Peut-être que cet accident, comme dit sa mère, recèle d’autres secrets qu’on ne doit pas révéler. L’adolescent ferme sa porte pour prendre son gsm, dont sa mère n’a toujours pas remarqué la disparition dans le placard.

“J’ai demandé à ma mère pour mon père. Elle refuse de me dire quoi que ce soit, ça m’énerve !” écrit-il à May.

Une vibration dans la poche de son jean tire la jeune fille affalée sur le canapé de son ennui. Elle sort son gsm de son abri de tissu et le déverrouille pour lire le message et y répondre.

“Je te comprends. Elle est pas la seule. C’est quoi le problème à ce qu’on sache ?Étrange comme formulation. Plutôt : C'est quoi leur problème ?

Elle sait qu’il n’a rien à répondre à cela. Aucun des deux jeunes ne connaît la réponse. C’est bien pour ça qu’ils cherchent d’ailleurs. Découvrir la vérité et comprendre pourquoi on la leur a cachée. Il ne faut jamais perdre espoir, disait l’épitaphe du père de Steen. Les deux adolescents comptent bien suivre cette maxime à la lettre. Ils n’abandonneront pas.
Mais ils se demandent si leur famille sont liées d’une manière ou d’une autre. Pourquoi le mystère les entoure tous les deux ?

Le jeune garçon aux yeux bleus ferme son cahier, une fois ses devoirs finis. Son regard tombe sur son armoire. Dedans, il le sait, se trouve tout son argent. Steen ouvre la porte, tire de derrière une tirelire qui semble lourde. Il y a des pièces, et des billets. Combien possède-t-il ? Il a économisé, et de toute façon il n’avait rien à acheter. Les billets bleus et roses lui donnent soudain des idées qu’il ne pensait pas avoir un jour. Il sort son téléphone, active le Wi-Fi, et cherche un site de voyages. Il tape Lyon dans la destination. Un billet aller-retour en avion n’est pas très cher avec cette compagnie low-cost. En fait, c’est même abordable. Il pourrait emprunter un peu d’argent à sa mère, elle ne le remarquerait même pas… Et puis, payer une chambre d’hôtel, pour une nuit, et… Non, il rêve. Il secoue la tête pour reprendre ses esprits. Pourtant, c’est loin d’être impossible. Deux jours, c’est tout. Personne ne remarquerait rien.
Il ouvre les messages, quittant la page des vols, et envoie à May :

“On a rien trouvé. Notre dernière chance, c’est Lyon.”

May aide sa marraine à préparer un véritable repas. Ça a le mérite de l’occuper. Il faut bien passer le temps, tant qu’ils ne trouvent pas de solution. Tandis qu’elle surveille la cuisson, elle sent à nouveau une vibration dans sa poche. Elle regarde rapidement le message et décide de répondre plus tard. D’autant plus que la jeune femme rousse n’est qu’à quelques mètres, et que May ne veut pas risquer qu’elle découvre leur projet. Ou qu’elle punisse l’adolescente de la même manière que Steen. Peu à peu, les odeurs du repas montent dans la petite cuisine et mettent l’eau à la bouche des deux femmes. Elles dégustent leur préparation en discutant de tout et de rien, des cours, du travail, de la météo, des actualités, des vacances qui approchent.
De retour dans sa chambre, seule, May prend le temps de relire le sms de Steen. Elle n’est pas certaine d’être prête à se lancer dans une telle aventure, mais elle lui fait confiance. Et puis, il a raison. Ils sont bloqués. Tant qu’ils ne vont pas chercher des réponses ailleurs, ils ne peuvent pas avancer. La jeune fille a le même réflexe que le garçon et compte son argent de poche. Il n’y a pas grand chose, mais peut-être que ça suffira. Elle ne sait pas combien coûte un trajet en train jusque Lyon. Elle ne sait pas grand chose en fin de compte, et se demande dans quoi elle s’embarque en répondant :

“Je pense que t’as raison. À la Toussaint, on ira à Lyon.”


















Chapitre six



Steen compte ses sous, dans sa tirelire. Il fait de petites piles avec les pièces, compte et recompte les billets de banque qu’il a gagnés à ses anniversaires et Noëls. Deux cent quarante en billets, plus seize euros en pièces et quelques pièces jaunes qu’il omet d’ajouter au tas. Un total de deux cent cinquante six euros. Même sa mère ne sait pas qu’il a autant. Qu'il en a autant, non ? Et il est sur le point de tout utiliser pour un voyage dont personne ne connaît l’issue. L’adolescent consulte les prix sur internet. Soudain, les bruits de pas de sa mère dans le couloir l’alertent. Il panique, et d’un mouvement de bras, pousse les sous et le gsm sous son lit. Une envie de vomir lui prend alors qu’il se lève d’un bond. C’est sans doute dû aux mensonges et à tout ce qu’il cache à sa mère et à tout le monde. Sauf à May.
Le week-end et la semaine suivante promettent d’être très longs. Ou très courts, tout dépend. Car il faudra s’organiser, et trouver un moyen de le faire sans que leurs tutrices respectives n’appellent la police pendant leur absence. En voyant l’état de sa mère après la courte virée au cimetière, Steen n’ose même pas imaginer deux jours à Lyon sans qu’elle ne pique une crise. Ça va encore être compliqué tout ça…

“Steen, viens manger, ça va être froid !
— J’arrive !”

Sans laisser le temps à la femme blonde d’entrer dans sa chambre, Steen se précipite à la cuisine. Dire qu’il y a quelques jours à peine, le jeune garçon aidait souvent sa mère à faire les repas. Il prétexte des devoirs et une surcharge de travail pour être tranquille, ne mentant qu’à moitié. Heureusement, May lui avait envoyé les devoirs par sms lorsqu’il était malade, et il avait pu rattraper facilement. Steen plonge la grande cuillère dans son bol de soupe. Celle-ci, ni liquide ni solide et d’une couleur verdâtre indéfinissable, ne lui donne pas très faim. Il se force pourtant à l’avaler en réprimant une grimace. Il ignore s’il n’a pas faim à cause de sa rancune envers sa mère, à cause de ce qu’il prépare avec son amie, ou encore seulement parce que la soupe n’est pas appétissante. Un peu de tout, sans doute.
Dans sa chambre, Steen range ses sous dans sa tirelire, précautionneusement. Il ne doit pas perdre une seule pièce. Demain, il regardera les tarifs sur tous les sites qu’il peut. Il se fait déjà son programme dans sa tête, essaye de tout planifier. Il ne reste qu’une semaine avant le départ. Tout doit être prêt avant, impérativement.

May est un peu anxieuse à propos de toute cette histoire. Il pourrait leur arriver tellement de choses sur le chemin de Lyon. Pourtant ils iront. Ils se font mutuellement confiance et savent qu’ils ont pris la bonne décision. C’était la seule chose à faire. La jeune fille se convainc elle-même et s’endort avec cette certitude. De toute façon, c’est un peu tard pour faire demi-tour.
May se réveille au beau milieu de la nuit, l’esprit assailli d’images de cauchemar. Elle se relève, effrayée, et va chercher un verre d’eau pour se calmer. Le liquide froid qui coule dans sa gorge la rafraîchit, et son cœur reprend un rythme normal au fur et à mesure qu’elle arrive à se détacher de ces images. Elle retourne dans sa chambre, aperçoit le réveil digital. 3 : 22. L’adolescente allume sa petite lampe de chevet en forme de papillon bleu pâle et se met à lire pour se changer les idées. L’histoire un peu futile la fait sourire, et peu à peu ses yeux cherchent à nouveau à se fermer. Elle pose alors le livre à côté d’elle, éteint la lumière et se rendort.

Le lendemain, les recherches pour les meilleurs prix commencent ; par avion, les coûts sont d’environ cent cinquante euros pour les deux jeunes. Steen prend son gsm pour envoyer à son amie :

“154 pour nous deux, par avion.”

Il se demande si elle a mieux. Steen aurait bien voulu prendre l’avion. Il ne sait pas pourquoi, mais ça l’attire étrangement. Peut-être parce qu’il ne l’a jamais pris. May, quant à elle, ne peut pas imaginer monter dans un avion. Elle n’en serait pas capable. Ce moyen de transport lui fait bien trop peur. Quand elle lit le sms de Steen, elle soupire. Elle va devoir casser ses illusions, sans doute le décevoir. Mais l’avion, elle ne pourra pas. Afin de lui envoyer une réponse constructive, May cherche elle aussi des informations. En train, il y a des TGV direct qui font Bruxelles-Lyon, mais la jeune fille est étonnée en voyant le prix. C’est plus cher que l’avion. Elle espère que ce ne sera pas trop compliqué de convaincre Steen d’opter pour le train malgré ce désavantage conséquent. Elle ressort son téléphone et répond avant d’aller dîner.

“Par avion je pourrai pas désolée. Par train c’est plus cher, entre 175 et 200 pour nous deux, mais on peut pas faire autrement.”

Steen lit le sms de la jeune fille. Deux cents, c’est un peu cher sachant qu’il faut payer un endroit où dormir sur place. Ils n’auront pas le temps en une journée de tout faire "Une fois là bas,Ils n'auront pas le temps de tout faire en une journée" sonne mieux Mayday ~ il faut 10 caractères 1066276849. Il soupire. Décidément, tout s’annonce compliqué, et rien n’est là pour leur faciliter la tâche. Il comprend pourtant que May ne veuille pas prendre l’avion. Ce genre de phobies est plutôt courant. Il réfléchit un instant. Quatre billets de cinquante en moins dans la caisse de sa mère, ça ne se verra peut-être pas.

“Va pour le train. T’as regardé un site pour voir comment payer, et quand y a des places ?” répond-il par sms.

“Oui sur le site de la SNCB, c’est facile. Tu achètes tes billets en ligne et voilà. Et quand, il en reste pour tous les jours je pense. Oh mais en fait, comment on va faire pour acheter les billets ? On est des mineurs.”

Steen répond qu’il demandera à sa sœur de le faire, et May renvoie un autre message :

“T’es sûr qu’elle ira rien dire à ta mère ?”

May fait confiance à son ami, mais avec ce qu’il s’est passé ces derniers jours et le tableau familial qu’il lui a décrit, elle se méfie des autres membres de la famille Van Doorn. Elle espère tout de même que ça ira, ils n’ont pas vraiment d’autres solutions. Il faut qu’elle accepte, c’est leur seule alternative.

“Je ferai en sorte qu’elle ne dise rien. Ma sœur est digne de confiance.”

Du moins, il l’espère.
Deux jours sans voir May, et la jeune fille manque déjà à Steen. Même si en cours, ils ne se parlent presque pas. Sur son lit, l’adolescent fixe le plafond d’un air rêveur, se faisant des films dans sa tête. Le bruit d’une clé dans la serrure le fait sortir de ses pensées, et il se recoiffe rapidement pour accueillir sa sœur, qui vient manger à la maison. Anja a de longs cheveux blonds, comme sa mère. Elle est grande, un peu plus que son frère, mais il ne fait aucun doute que Steen va la rattraper. Seuls leurs yeux sont semblables. La jeune femme, joyeuse, comme toujours, salue sa famille et demande des nouvelles. Tout va bien. Dans la cuisine, Steen n’en peux plus et lance enfin la question qui lui brûle les lèvres depuis un moment déjà.

“Anja, je peux te parler ?
— Ben oui, bien sûr.”

L’adolescent aux cheveux sombres désigne la mère du menton, un peu gêné. Avec un “oh” qui se veut compréhensif, Anja et son frère partent dans la chambre de ce dernier. Avec sa sœur, ils ont toujours été proches. En fait, la mort de leur père les a liés, en quelque sorte. Steen prend une inspiration pour raconter toute l’histoire. Il lui explique pour son amie, et termine avec Lyon.

“C’est la dernière chance de résoudre les mystères de sa famille. Tu comprends ?
— Euh… Pas vraiment. Enfin pourquoi tu tiens tant à aider cette fille ?
— Parce que. On sait ce que c’est Je rajouterais bien une virgule ici nous, de pas savoir !
— Je croyais que tu voulais chercher comment notre père est mort, pas toute la famille des gens de ta classe.
— Mais elle, c’est mon amie, plaide-t-il.
— Je te laisserai pas aller à Lyon seul, c’est bien trop dangereux.”

Elle avait dit ça d’un ton irrévocable, qui n’attend aucune réponse. Alors Steen soupire, et va rejoindre leur mère dans la cuisine en se détournant d’Anja.

La semaine est atrocement longue. L’atmosphère dans la classe est plus détendue, sans doute parce que les vacances arrivent. En plus, il a du mal à croiser May. La jeune fille reste encore trop souvent auprès de ses amies à son goût. Mais elle leur a inventé un mensonge pour les vacances, afin d’être certaine de pouvoir partir n’importe quel jour sans qu’elles ne s’étonnent. Étrangement, cela ne la dérange pas plus que ça de leur mentir. Et pour compenser son absence durant la semaine de la Toussaint, elle essaie d’être plus présente. De garder ce rapprochement de quand Steen était malade.
En sortant des toilettes des garçons, Steen aperçoit les boucles brunes de May. Il attend quelques minutes qu’elle sorte pour l’aborder discrètement.

“Le site, faut payer par carte bancaire… Donc faut que ce soit un majeur. Comment on fait ? Ma sœur a dit non.
— Merde, laisse échapper la jeune fille. C’est hors de question de demander à ma marraine, elle nous empêcherait de partir.
— Pareil pour ma mère. Je vais essayer de harceler ma sœur, elle finira par dire oui, dit Steen d’un ton convaincant.
— J’espère, sinon je vois pas comment on pourrait partir.”

Le jeudi, May ne rentre pas chez elle directement. Elle fait un petit détour pour entrer chez Filigrane. Elle ne vient pas souvent, mais connaît plus ou moins l’immense librairie. Cependant, elle n’est pas venue là pour un livre. L’adolescente se dirige vers le rayon des cartes touristiques et fouille parmi les présentoirs. Elle finit par trouver celle qui l’intéresse. Une carte pliable, assez détaillée, de Lyon. Elle regarde le prix. C’est acceptable. La jeune fille prend alors la carte et se rend à la caisse où elle paie rapidement. Elle sort du magasin et sent les rayons de soleil timides effleurer sa peau. Il fait bon dehors, les températures remontent un peu. Au-delà du fait que c’est agréable, ça lui fait une excuse pour avoir flâné avant de rentrer, si sa marraine venait à quitter son travail plus tôt.
Mais ce n’est pas le cas, et le premier réflexe de May quand elle rentre est de cacher la carte avec la photo et la carte postale. Elle est contente, ça lui donne l’impression d’avancer. C’est un pas de plus vers Lyon, et la vérité.

Les jours finissent par s’écouler. Le vendredi soir tant attendu arrive enfin et les élèves courent presque pour sortir de l’établissement. En passant près de son amie, devant l’arrêt de bus, Steen lui glisse :

“Faut qu’on réfléchisse rapidement à une solution.
— T’as raison. Mais on le fait déjà, faut surtout qu’on la trouve, la solution. Ça sonne pas terrible, tout ça...
— Oui.”

Les deux adolescents se saluent, et partent chacun de leur côté.
L’adolescent aux yeux bleus a déjà prévu dans sa tête de demander à sa sœur jusqu’à ce qu’elle accepte. Il sait qu’il ne peut pas compter sur sa mère, ni sur la marraine de May. Elles ne seraient jamais d’accord pour un tel voyage, surtout qu’elles semblent cacher des choses aux deux enfants. Au moins, Anja aussi veut savoir pour leur père. Elle sera peut-être tentée de dire oui, avec un peu de chance. Steen rentre chez lui, bien content d’avoir un peu de temps à lui. Aussitôt, il appelle son aînée, profitant de l’absence de sa mère - peut-être partie faire des courses - pour se faire une tartine de confiture qu’il emporte dans le salon.

“Steen ? devine Anja.
— Oui.
— Non, fait-elle en le coupant court.
— Mais s’il te plaît ! Je te rembourserai et on sera super prudent !
— C’est pas que je te fais pas confiance, mais imagine qu’il t’arrive un truc… Ou même à elle. C’est qui cette fille d’ailleurs ?
— C’est May. Une amie. Il nous arrivera rien.
— Je suis désolée, je peux pas.”

Des voix derrière elle se rapprochent, et Anja coupe la communication. Steen se retient de balancer le téléphone à l’autre bout de la pièce, et va dans sa chambre pour passer ses nerfs ailleurs.

De son côté, May ronge son frein. Elle a l’impression de ne servir à rien alors qu’elle sait que son ami s’escrime à convaincre sa sœur pour qu’elle leur achète les billets. Elle se sent inutile, et comme ce n’est que le début des vacances elle n’a pas le courage de faire ses devoirs, même pour s’occuper. Elle tourne en rond dans sa chambre en repensant à tout ce qu’ils doivent encore prévoir et préparer. C’est long et fastidieux tout de même. Compliqué à organiser. Mais il faut ça pour que tout soit bien rôdé et roule comme sur des roulettes. La jeune fille aimerait bien faire quelque chose de plus pour aider son ami en cet instant, mais ne sait pas quoi faire. Elle tripote une mèche de cheveux et finit par jouer à jouer à un jeu débile sur son téléphone pour passer le temps.

Steen rage, car tout leur plan est en train de tomber à l’eau pour quelques malheureuses années qu’ils n’ont pas. Ils se retrouvent avec un plan bien construit et organisé, et voilà qu’ils ne peuvent pas et qu’ils doivent tout abandonner à cause d’Anja qui ne comprend pas l’importance de ce voyage. Surtout pour May, d’ailleurs. Mais Steen tient bien à faire craquer sa sœur. En l’appelant, tout à l’heure, il a remarqué qu’elle était gênée. Elle n’avait pas envie de dire non, et le jeune garçon l’a remarqué. Alors il prend son gsm, et écrit à May :

“On va devoir annuler…” avant de se raviser et d’effacer pour ouvrir la conversation avec Anja.
Il tape lentement “Juste une nuit.”

Ses supplications sonnent presque comme une prière, et d’ailleurs s’il avait été croyant, il aurait certainement prié le ciel. Au lieu de quoi il décroche lorsque son téléphone vibre à l’appel de sa sœur. Il est prêt à tout tenter, même ce qu’il n’aurait jamais imaginé auparavant.

“J’ai dit non, Steen.
— Je vais dire à maman que tu sors avec Lucas et que t’as…
— Non ! Steen ! hurle-t-elle en le coupant.
— Regarde, j’y vais, continue le garçon d’un ton mielleux en faisant grincer la porte.
— C’est du chantage !” NOOOOOOOOOOOOOOON STEEN T'ES PAS UN CONNAAAAAAARD /va mourir/

Steen sait bien que c’est du chantage, et qu’il ne devrait pas. Quitte à employer les gros moyens, autant tout donner. Il n’a pas le choix s’il veut parvenir à la convaincre.

“Envoie-moi ton site par message, lâche-t-elle.
— Oui ! Tu sais que je t’aime ?
— Moi non plus,” grommelle Anja avant de raccrocher. ← Le "moi non plus" ne veux strictement rien dire (enfin en français, peut être en breton...)

Heureux, Steen copie le lien du site de réservation, et attend la réponse de sa sœur. Dès qu’il la reçoit, il transfère à May avec un petit commentaire.

“Jeudi prochain, 10h31. Faut y être avant. Gare du midi. On a gagné ! ;)”

Lorsque May reçoit le sms de Steen et le lit, un grand sourire éclaire son visage. Enfin.

“Ok. T’es un pro ;) On se voit demain pour arranger les derniers détails ?”

La jeune fille n’en revient toujours pas. Ils ont leurs billets ! Et jeudi, ils partiront. Seuls.

Steen est libre toutes les vacances. Il n’aura qu’à mentir un peu à sa mère, pour ne plus avoir d’ennuis comme après l’épisode du cimetière.  Il la préviendra qu’il a quelque chose à faire, qu’il doit travailler ou sortir avec des amis, et elle le laissera tranquille.

“Oui, demain !”

Steen se sent bien, d’un seul coup. Il a eu une semaine chargée, il a passé plusieurs jours à stresser - tout comme May. Aucun des deux adolescents ne savait à quoi s’en tenir. Chaque jour, le voyage pouvait être annulé. Ils ont eu de la chance. Y a un problème de concordance de temps, là... On dirait que tu parles de ce qui s'est passé avant que "Steen se sent bien", alors que c'est ce qui se passe après. Ou alors j'ai rien compris et je me tais. Steen se demande encore quelle excuse trouver à sa mère, lorsqu’elle l’appelle pour manger des pizzas qu’elle a commandées. Pendant les vacances, la femme blonde ne fait pas trop attention à sa ligne, et Steen en profite pour manger des pizzas et autres fast-foods.

“Maman, est-ce que demain je peux aller à la bibliothèque ? J’ai des devoirs à faire, je voudrais m’en débarrasser le plus tôt possible.
— Oui, bien sûr.
— Merci !”

Et il engloutit sa pizza avec appétit. La semaine passée, il n’a pas mangé beaucoup, alors il se rattrape. Il prend son gsm, une fois tranquille dans sa chambre, tout en réfléchissant au moment où il récupérera les billets. Avant le départ, tant qu’à faire…

“On se retrouve où demain ?”

May dévore son repas avec appétit. Maintenant que tout fonctionne, elle est rassurée et plus optimiste. Sa marraine, assise en face d’elle, regardant avec attention les dernières informations politiques belges, ne se doute de rien. La jeune fille ressent même une bouffée de fierté, à propos du plan et de toute l’organisation que les deux jeunes ont réussi à mettre en place. Mais elle est de courte durée. Ils ne sont pas encore partis et plusieurs jours doivent encore s’écouler avant que le TGV où ils seront assis ne quitte Bruxelles. Elle termine son repas après s’être resservie une deuxième grosse assiette, puis va déposer cette dernière dans le lave-vaisselle. Sur son gsm l’attend un nouveau sms. May réfléchit.

“On peut aller à la bibliothèque de Saint-Josse et faire semblant qu’on cherche ← De chercher, sinon c'est pas français (peut être belge?)de la documentation. Ou on va manger quelque part, c’est plus facile pour discuter. À toi de voir.”

En fait, ils pourraient faire les deux. Passer à la bibliothèque pour regarder un guide sur Lyon, et puis ensuite, partir manger pour discuter. Et en rentrant, Steen passera chez sa sœur pour prendre les billets. Quoique, peut-être qu’elle ne les aura pas encore reçus. Il tape sur le clavier et envoie.

“On peut passer chercher des infos sur Lyon à la bibliothèque, puis manger où tu veux ?”

“C’est pas une mauvaise idée, j’sais pas où. Choisis ;)”

Steen réfléchit quelques instants, et propose :

“On a qu’à aller s’acheter des frites et s’asseoir au parc du botanique :D Ça te va ?”

“Oui ça me va. À demain !”

May ferme la porte doucement derrière elle et marche allègrement dans la rue. Elle consulte sa montre. 10h11. Elle sera à l’heure convenue à la bibliothèque. Les pavés défilent sous ses pas chaussés de petites baskets souples, elle emprunte les rues les unes après les autres, jusqu’à la bibliothèque où l’attend déjà Steen. Celui-ci s’est réveillé aux aurores pour ne pas être en retard, il est coiffé et bien habillé. Depuis le cimetière, ils ne se sont pas revus en tête à tête et le jeune garçon appréhende un peu. Il sourit lorsque May se dirige vers lui. Elle lui fait la bise pour le saluer, et Steen rougit légèrement, et pour masquer sa gêne, il lance :

“Euh… On entre ?”
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 11:49

Chapitre sept

Les deux adolescents passent la porte de la bibliothèque. Le silence y règne. Des livres sont alignés, bien rangés, sur les rayons des étagères qui n’en finissent plus. Steen s’accroupit dans une des allées pour chercher un livre sur Lyon tandis que May part un peu plus loin. La France, Paris, la Tour Eiffel… Ils cherchent un guide, une sorte de Routard, juste pour s’en imprégner un peu. C’est May qui revient vers lui en chuchotant, avec un livre dans les mains :

“J’en ai trouvé un qu’a l’air pas mal, avec des cartes et des photos.
— Génial ! On regarde ?
— Viens, on va un peu plus loin.”

Les jeunes vont s’asseoir à une table libre. Ils se penchent sur le livre ouvert pour lire quelques informations. Leurs cheveux se touchent presque alors qu’ils regardent les photos attentivement. La ville semble grande, et les photos de nuit sont magnifiques. En légende, on peut lire “Lyon, la ville lumière”. Mais ce n’est pas du tout ce que cherchent les adolescents. Eux, ils veulent trouver les cimetières. Combien peut-il y avoir de cimetières à Lyon et aux alentours ? L’information n’est même sans doute pas dans ce genre de livre. En revanche, ils peuvent consulter des sites sur les ordinateurs à disposition. May s’assoit devant l’écran de l’un d’eux tandis que Steen continue à feuilleter le bouquin. Enfin, la jeune fille s’exclame :

“Il y en a trois !”

Le garçon vient observer par-dessus l’épaule de May qui étudie la carte apparue à l’écran. Trois. Ça va être long à fouiller… Mais ils auront deux jours, et ils vont s’y mettre à fond. Ils trouveront les tombes. Et puis, ç’aurait pu être pire. S’il y en avait eu plus, ou que l’un d’eux avait fermé, ils auraient eu du mal. Mais non, il y en a trois. Steen prend une feuille et un stylo dans la sacoche qu’il a pensé à prendre, et il note les adresses des cimetières. Souriant, il jette un œil à son gsm. Onze heures et demi.

“On va y arriver ! affirme Steen.
— Oui, surenchérit May en hochant la tête.
— On va acheter à manger ? Ou tu veux voir autre chose avant ?
— Nan ça va, je pense qu’on a nos infos là.
— Alors on y va !”

En sortant de la bibliothèque, les deux adolescents tournent à gauche et s’engage dans une petite rue. Au coin, des effluves de nourriture grasse arrivent à leurs narines et commencent à les faire saliver. Ils s’arrêtent devant une petite friterie et commandent deux cornets. Ils déambulent dans les rues en riant, essayant de garder toutes les frites à l’intérieur du papier. Dans le petit parc du Botanique, ils s’assoient sur un petit banc au soleil, devant la fontaine à l’eau aux reflets verdâtre. Ils dégustent leurs frites avec les doigts, et se retrouvent bientôt les mains pleines de graisse. Mais ils s’en fichent, il suffit de les laver après. Ils profitent de ce petit instant de bonheur, dans leur propre ville, rien que tous les deux, sans les adultes ni les autres élèves. Et les rayons lumineux dans un ciel plutôt vide en toile de fond.

Revigoré par sa sortie avec May, Steen sautille presque en se dirigeant vers l’appartement de sa sœur, dans un autre quartier de la ville. Il longe les étangs d’Ixelles, bordés de passants qui profitent du petit soleil, et accueillant cygnes et autres canards, pour le plus grand bonheur de petits. Les plumes blanches des grands oiseaux s’accordent bien aux façades des grandes maisons. Sur les gravillons crissent les roues des poussettes, dans les saules siffle le vent. Steen a les cheveux ébouriffés en arrivant à la place Flagey, à partir de laquelle il emprunte une des petites rues qui montent. Anja habite dans un immeuble de l’une d’elle, malgré le coût de l’habitation dans ce quartier. En arrivant devant celui où vit sa sœur, il sonne à l’interphone et s’annonce pour qu’il puisse entrer dans le bâtiment. Le jeune garçon grimpe les escaliers de l’immeuble. Il frappe à la porte, essoufflé. Anja ouvre au bout d’une minute d’attente qui a paru une éternité.

“Steen, tu tombes bien ! J’allais t’appeler. J’ai imprimé les billets, et j’ai réservé l’hôtel. Entre.”

Le jeune garçon se demande de qui il peut bien tenir son organisation sans faille lorsqu’il doit enjamber par dessus des… Cartons et bordel entreposé un peu partout dans le couloir. Il ne sait pas comment on peut vivre dans un appartement aussi encombré. Sa chambre à lui a toujours été rangée parfaitement. Il suit Anja dans la petite cuisine. Elle lui propose un jus d’orange, qu’il accepte et boit lentement pendant que la jeune femme part chercher les feuilles où sont imprimés les billets.

“Oh merci ! Je te revaudrai ça, t’inquiète.
— Y a plutôt intérêt. Le jour où maman apprend ça, on est mort.”

Steen sait qu’elle a raison. C’est risqué, ce qu’ils s’apprêtent à faire, mais ils doivent le faire. Il met les feuilles pliées dans la poche de son jean, avant de la remercier encore une fois. Il rentre chez lui, l’air frais qui lui remplit les poumons lui fait du bien. En rentrant chez sa mère, cette dernière l’accueille avec un sourire. Steen est mal à l’aise. Il sait que bientôt, il devrait trouver une excuse pour partir deux jours. Dès ce soir, il devrait lui en parler.
Et au moment du repas, Steen prend une inspiration.

“M’man, jeudi et vendredi, j’aimerais aller dormir chez Anja. Elle veut m’avancer dans les cours, pour l’année prochaine. Tu peux l’appeler pour lui demander si tu veux.
— Ah, oui, bonne idée. Je l’appellerai demain pour voir.”
→ Pas vraiment de grosses fautes, mais le appeler demain fait un peu répétition

Ça, c’est fait. Maintenant, trouver un sac. Deux jours, pas besoin de grand chose. Des chaussettes, un t-shirt de rechange, et quelques affaires de toilette. Il peut prendre son sac de cours. Il sera assez grand pour les habits, le chargeur de téléphone, et bien sûr les sous qu’il a glissés dans une enveloppe et qui leur serviront à payer à manger. Anja a tenu à participer au reste, et a payé entièrement les billets et l’hôtel. Il la remboursera lorsqu’il aurait les sous ← Pareil, un peu une répétition de "sous". En attendant, il n’a pas eu à voler sa mère et se sent assez mal par rapport à elle en lui mentant sans avoir en plus à lui prendre de l’argent dans son dos.

May et Steen continuent de discuter par sms. Le jeune garçon aux cheveux sombres se doute que sa mère a remarqué la disparition du gsm de la caisse. Mais comme elle n’a rien dit, Steen continue à s’en servir prudemment. Lentement, les jours qui séparent les deux adolescents du grand départ passent. Steen s’occupe comme il peut, en faisant ses devoirs pour la rentrée, par exemple.

May termine les derniers préparatifs. Elle a hâte d’être le lendemain. Elle a raconté à sa marraine qu’elle allait chez Aisha jusqu’au vendredi soir. Elle sait qu’elle n’ira pas vérifier. Si le voyage et l’enquête se passent bien, comme prévu, sans accrocs, la jeune femme n’en saura absolument rien. L’adolescente a déjà fait son sac, en y ajoutant la carte achetée quelques jours plus tôt, la plus grande partie de son argent et quelques trucs qui pourraient servir. Au moment où elle ferme son sac à dos, son téléphone vibre sur le bureau.

“On prend notre gsm ?”

C’est Steen, bien sûr.

“Prends-le au cas où, mais on l’éteindra pour pas être repérés.”

Après tout, ça peut toujours être utile, si par malheur ils sont séparés ou qu’ils ont besoin d’aide. Ils sont bien conscients des risques d’un tel voyage, mais ils ont besoin de savoir.
Quand May a tout fini, mit son réveil et noté ce qu’elle ne devait pas oublier, elle va se coucher, mais le sommeil ne vient pas. Elle reste allongé sur son lit, essayant de trouver une position qui lui permettra de s’endormir, sans succès. Elle finit par reprendre son gsm et envoyer un dernier sms :

“T’arrives à dormir toi ?”

La jeune fille soupire. Il faut qu’elle se calme. Tout ira bien, ils vont y arriver. Et là-bas, ils trouveront les réponses qu’ils cherchent depuis des semaines.

“Trop impatient pour dormir…”

Steen transpire, le cœur battant, tournant et retournant dans son lit sans parvenir à s’endormir. Son téléphone reste à côté de sa tête, comme il discute par sms avec May. Un sac d’affaires l’attend, où il a tout préparé. Il espère ne rien avoir oublié, et repasse dans son esprit tout ce dont il pourrait avoir besoin en deux jours.

May se lève bien tôt ce matin-là, malgré l’heure à laquelle elle a enfin réussi à s’endormir la veille. Elle vérifie que tout est bien là, dans son précieux sac à dos, et déjeune rapidement mais suffisamment. Enfin elle sort, et sitôt dehors, respire un grand coup. Puis elle court dans la rue, comme libérée, jusqu’à la gare du Nord en bas de la butte. Elle entre dans la vieille gare sale, observe un tableau d’affichage. Le prochain train qui s’arrête au midi passe à la voie deux, alors la jeune fille grimpe les escaliers pour monter sur le quai. Elle n’a pas de billet, mais pour deux si petits arrêts, elle devrait arriver à ne pas se faire contrôler si elle est maligne. Pour une fois, le train n’a pas de retard et entre en gare à l’heure indiquée. May se hisse à son bord, trouve une place sans aucune difficulté et pose son sac sur ses genoux au moment où le train redémarre.

Steen s’est dépêché pour ne pas avoir de retard. C’est lui qui a les billets, et son sac sur l’épaule. Il espère ne rien avoir oublié. Son cœur bat fort tandis qu’il piétine devant la porte de la gare du Midi. Il consulte les billets de train, vérifie une nouvelle fois le numéro de quai et de train, et finit par rentrer. Ils se sont donnés rendez-vous sur le quai numéro quatre, là où leur TGV devrait arriver. Son sac toujours sur son épaule, Steen arrive à trouver sans trop de mal. Dix heures dix. Il s’assoit sur un banc libre pour attendre May.

Une voix informatisée annonce l’arrivée en gare du Midi, et May se lève pour descendre du train. Effectivement, elle a eu de la chance et aucun contrôleur ne lui a demandé de ticket. Elle quitte son quai d’arrivée en empruntant l’escalator qui l’amène à l’intérieur de la gare elle-même. L’horloge indique dix heures onze, elle a encore vingt minutes pour retrouver Steen et monter sur le quai quatre. L’adolescente vient de descendre du numéro seize, et a donc presque toute la gare à traverser. Elle se faufile parmi la foule, essayant de ne cogner personne et de se concentrer sur son but. Les bruits et les odeurs diverses agressent son nez et ses oreilles, différentes annonces de changement de voie ou de retard retentissent par moment dans le hall. Enfin May aperçoit l’écran au dessus de l’escalator menant au quai numéro quatre. Elle y monte, et voit directement Steen assis sur un banc un peu plus loin. Il est dix heures dix-neuf.

“Salut !
— Salut ! Prête ? demande-t-il.
— Prête. T’as bien les billets hein ?
— J’ai tout pris, t’inquiète”, fait-il en tapotant la poche de son jean.

May s’assoit à côté de son ami sur le banc, et ensemble ils attendent l’arrivée du TGV. Ils discutent de tout et de rien, excités par leur voyage dont seule Anja est au courant. Finalement, une voix les informe de l’arrivée de leur TGV sur la voie A. Aussitôt, Steen confie un des billets à May, et ils cherchent leur wagon, puis leur place. Heureusement, Anja a pu leur prendre des sièges côte à côte. Faut dire, personne ne va à Lyon à cette période de l’année. Enfin, le train est quand même loin d’être vide. Il y a en majorité des familles, avec de jeunes enfants. Les mères peinent à faire obéir leurs gamins, et quelques hommes d’affaires en costard regardent leur montre en soufflant. Steen pose son sac sous ses pieds, May préfère le garder sur ses genoux comme dans le premier train.

“Ça y est, commente l’adolescent.
— Oui, en route pour Lyon !”

Lorsque le TGV part, Steen presse l’accoudoir dans sa main. Il est côté couloir, et regarde par la vitre, pour voir le paysage commencer à défiler. Il ne peut empêcher un sourire d’éclairer son visage. C’est leur petite victoire qui les rend si joyeux. Un peu déconnecté de la réalité, le jeune garçon ferme ses yeux bleus en s’installant plus confortablement sur son siège. Il se laisse bercer par la vitesse du TGV, s’imaginant déjà à Lyon. Il n’a pris qu’un paquet de gâteaux pour le trajet, qui de toute façon ne devrait pas être long. Il croise sans cesse ses jambes, engourdies par tant de temps sans bouger.
May change sans cesse de sujet d’observation, passant de Steen au paysage aux autres voyageurs à ses mains qu’elle n’arrive pas à garder immobiles, puis au paysage à nouveau. Après être sortis de Bruxelles et sa périphérie, la campagne brabançonne, puis française, s’étend autour des rails. Des champs surtout. La jeune fille se cale contre la fenêtre et attend.
Vers le milieu du trajet, un contrôleur arrive dans le wagon où sont assis les deux adolescents, et leur demande leur billet. Steen, qui somnolait, sursaute en portant la main à son jean pour en sortir son billet. May ouvre la poche avant de son sac et en ressort le bout de papier.

“Vous voyagez seuls ? interroge le contrôleur, un jeune homme à l’air sympathique.
— Oui, répond rapidement May.
— Profitez bien de vos vacances,” lance encore l’homme souriant en s’éloignant.

Le voyage continue, toujours à la même allure. C’est reposant. Steen est ravi de faire ce voyage avec May, sans personne d’autre. Il se sent libre, indépendant. Il se tourne vers May, fixe le paysage et les plaines qui défilent.

“T’as dit quoi à ta marraine pour qu’elle te laisse partir ?
— Que j’allais chez Aisha, et toi t’es censé être où ?
— Chez ma sœur, pour bosser. J’espère que personne ne remarquera notre petite absence.
— J’espère aussi, mais je pense qu’on s’est bien débrouillés quand même.
— C’était chaud, mais on y est arrivé !”

Puis, fronçant les sourcils, le jeune garçon poursuit :

“Quand même, Lyon c’est loin. Tes deux parents seraient morts là-bas, en même temps ? C’est étrange, non ?
— C’est pas pour ça qu’on y va ? fait May avec un petit sourire moqueur.
— Ben… Si.”

Steen se sent idiot d’un coup, et il a chaud sous son sweat-shirt gris. Il lève les yeux au ciel, se demandant sur quels mystères ils vont encore tomber.

“Mesdames et messieurs, nous entrons dans la gare de la Part-Dieu. Merci de vérifier que vous n’avez rien oublié, et nous espérons que vous avez passé un agréable moment avec notre compagnie.”

Lorsque le train arrive enfin en gare, May se lève en essayant de faire disparaître les fourmis qui picotent dans sa jambe droite. Elle saute sur le quai, respire l’air lyonnais et échange un immense sourire avec son ami. Enfin ils y sont. Après des semaines de galère et d’incertitudes, ils ont réussi à atteindre leur premier objectif. Mais ils savent que tout ne fait que commencer.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 11:50

Chapitre huit


Steen pose le pied sur le sol français, son sac serré contre lui. Maintenant, il faut trouver l’hôtel. Ils ont noté l’adresse sur un papier, avec les réservations. Ils montent les escalators pour sortir de la gare. C’est plus grand qu’à Bruxelles, mais Lyon est une grande ville. Avec trois cimetières. L’adolescent tire le papier de sa poche, et lit :

“Hôtel Ibis Budget, Rue de la Villette.”

En suivant les sigles indiquant la sortie, les deux adolescents sortent de la grande gare. ils se retrouvent aussitôt envahis par l’agitation et le brouhaha urbain. D’immenses immeubles se dressent dans le ciel. C’est différent de Bruxelles, et en même temps pas tellement. Une ville, le même genre d’habitations. Des murs de béton, grisâtres, des trottoirs goudronnés. En soi, une ville reste une ville, que ce soit en Belgique ou en France. Rue de la Villette. Peut-être qu’ils doivent demander à des passants, qui connaissent les lieux, plutôt que tourner des heures dans un quartier où ils viennent juste d’arriver. Ils sont timides, mais finissent par aborder une vieille dame à l’air sympathique. C’est mieux que de tourner en rond. Steen se place derrière May pour ne pas avoir à parler.

“Excusez-moi madame, est-ce que vous savez où se trouve la rue de la Villette ? commence May.
— C’est juste à côté ! Vous prenez la rue à gauche, et c’est tout de suite là.
— Merci madame !”

Les deux adolescents se dirigent alors vers leur gauche et emprunte la rue indiquée. Ils reconnaissent directement l’hôtel, reconnaissable à son enseigne caractéristique. Le carré bleu de la chaîne est toujours pareil quelque soit la ville, bien évidemment. Ils n’y vont que pour poser leurs sacs, faire une courte pause, et réfléchir au moyen d’aller à l’un des cimetières. Les deux adolescents entrent dans la salle de réception. Une femme d’âge moyen lève la tête, sans un sourire. Elle a les cheveux de jais, plaqués sur son crâne par un chignon serré, et des lunettes rectangulaires qui lui donnent un air sévère. Les deux adolescents s’approchent. C’est Steen qui a les feuilles où sont imprimés les renseignements. Il les sort, et les tend à la secrétaire.

“Nous avons une réservation pour une nuit, dit-il simplement.
— Bougez pas.”

Elle pianote sur l’ordinateur rapidement, en lisant les noms sur la feuille.

“Une chambre deux personnes, au nom de Van Doorn ?
— C’est ça, répond poliment Steen.
— Aucun majeur ne vous accompagne ?
— Euh… Non, intervient May.
— Avez-vous une pièce d’identité ?”

Steen réfléchit. Il est certain d’avoir mis des papiers dans son sac, qu’il a posé sur le sol. Il s’accroupit et l’ouvre pour chercher la petite pochette. Une carte d’identité. Il a la sienne. Il se redresse brusquement et la tend par dessus le comptoir.

“Chambre soixante-seize.
— Merci,” lâche Steen, excédé. ← Pourquoi excédé ? Elle fait juste son boulot... Si elle est trop sèche ou pénible, faut le préciser

Il prend la clé, et les deux amis montent les escaliers pour rejoindre leur chambre. Ils réfléchissent quelques secondes pour comprendre le numéro de chambre, puis trouvent rapidement. Ils y sont enfin. Il n’y a qu’un seul lit double, et une petite salle de bain. Une petite télé est accrochée au mur, juste en face du lit. Steen pose son sac dans un coin et se jette sur le matelas. Il sourit en voyant qu’il rebondit, et regarde May. Celle-ci lui sourit en retour, et pose son propre sac dans le coin opposé. Elle s’assied et voit que Steen cherche quelque chose dans son sac.

“Tu veux des biscuits ? demande Steen en tendant la boîte à la jeune fille brune.
— Oui, merci, répond-elle en en prenant un.
— T’as bien pris la carte hein ?
— Oui oui, t’inquiète. Tiens”, ajoute-elle en la lui donnant.
— Super !”

Steen consulte la carte de Lyon que May a achetée quelques jours plus tôt. La jeune fille a marqué par de petites croix les endroits où sont localisés les cimetières. Il cherche la rue Villette, compare les distances avec les cimetières. Peut-être qu’ils peuvent en faire un cet après-midi, et les deux autres le lendemain ? C’est le plus pratique. Il prend son gsm et l’allume. Aucun nouveau message. Il écrit à Anja :

“Bien arrivés !”

Puis il consulte une page internet. Le cimetière de Loyasse ferme à dix-sept heures trente. Ils ont le temps d’y aller, s’ils se dépêchent de trouver comment ils vont faire. Il doit y avoir des bus, suppose Steen. Il prend son enveloppe remplie de billets et lance en tapotant de son index la croix la plus à gauche sur la carte :

“Je pense qu’on a le temps de faire celui-là.
— Oui, allons-y directement.”

Ils n’ont pas besoin de grand chose, seulement un peu d’argent. Les deux jeunes descendent dans la rue, après avoir fermé la porte et donné la clé à la réceptionniste. Vers la gare, il y a les départs des bus, des tramways, des métros. L’immense centre commercial de la Part-Dieu impressionne Steen, qui lève les yeux pour apercevoir le haut des gratte-ciel. May fait moins attention à son environnement, pressée d’arriver au cimetière et de chercher si ses parents y sont enterrés. Elle aborde un passant concentré sur son téléphone.

“Excusez-moi monsieur, comment pourrais-je me rendre au cimetière de Loyasse ?”

Le jeune homme lève les yeux de son petit appareil et dévisage les deux adolescents, avant de répondre :

“Cimetière ? Faut prendre le métro, descendre à Saxe, et changer de métro pour aller jusqu’à Gorge de Loup. Après, c’est pas très loin.
— D’accord, merci monsieur.”

Sur les plans, ça semble moins loin. Deux correspondances, et sûrement un peu de marche. Ils se dirigent vers la bouche de métro. La machine pour acheter des tickets est juste devant, et ils en payent deux pour la journée avant d’entrer sur le quai où se pressent des dizaines de personnes, dans un brouhaha assourdissant. Ils montent dans la rame et les portes claquent derrière eux avec un bip sonore. Steen manque de tomber lorsque le métro se met en marche, mais se retient à une barre. Toutes les places assises sont prises, et les adolescents doivent donc rester debout durant les nombreux arrêts qui les séparent de la station où ils changeront. Curieux, ils essaient de tout voir, pour comparer avec chez eux. Dans le métro, il y a peu de différences, mais May se demande tout de même pourquoi ils n’ont pas des rames en aussi bon état, chez eux. Ici ça a l’air neuf, alors que le métro bruxellois est vieux et sale. Du moins, c’est l’impression que donne chaque métro.

“Saxe-Gambetta. Correspondance métro D, directions gare de Vaise ou gare de Vénisseux,” fait la voix féminine robotique.

C’est ici. Steen n’a pas quitté le plan des yeux, affiché au dessus des portes. Tout ce monde l’angoisse. Nerveux, il serre la barre de métal poisseuse dans sa main droite tandis qu’il tripote la manche de son sweat de l’autre. L’adolescent inspire une longue goulée d’air. May est plus à l’aise parmi la foule, étant plus sociable. Pourtant, elle est légèrement anxieuse également, comme à chaque fois que l’on se trouve dans un lieu inconnu. Ses yeux valsent d’un lyonnais à l’autre, puis se tournent vers son ami.

“Donc, on doit trouver l’autre métro. Qui nous amène à… Comment il a dit le mec ? interroge Steen une fois ses nerfs calmés.
— Gorge de Loup je crois.”

Ils ne doivent pas oublier les noms, ni se perdre ici. Steen, qui a pourtant un bon sens de l’orientation, ne saurait pas retourner à la gare s’il se perdait au milieu de la ville. Mais l’autre ligne de métro est indiquée, et les deux jeunes n’ont qu’à suivre les panneaux. Gorge de Loup, direction gare de Vaise. Au moins, les enfants n’auront pas attendu longtemps entre les deux métros. Celui-là est encore plus bondé. May entre la première, suivie par Steen, plaqué contre d’autres gens et les sièges. La jeune fille s’agrippe à une barre à sa gauche, de justesse avant de percuter Steen. Les gens sont presque collé les uns aux autres, et les deux jeunes sont un peu dégoûtés, bien que May connaisse déjà cette situation. À Bruxelles aux heures de pointe, c’est pareil. La rame de métro roule silencieusement, et s’arrête à la station suivante. Les portes s’ouvrent dans un chuintement et de nombreux passagers descendent. May à ← sans accent il me semble l’impression de pouvoir respirer à nouveau, mais doit se bouger pour laisser entrer de nouveaux usagers du métro. Bellecour, c’est le centre-ville. Beaucoup de gens qui descendent, puis beaucoup qui montent. Steen serre les dents et se force à respirer calmement.
Enfin c’est leur arrêt. Les deux jeunes sortent en vitesse, poussés par le flot de voyageurs et pressés de s’écarter de cette atmosphère absolument étouffante. Ils suivent les autres à travers le couloir qui borde le quai, puis montent d’abord des escaliers en colimaçons menant à un premier étage, puis les escalators. Ils sont dehors, enfin. Des HLM, ou des logements peu chers, s’étendent. Les murs sont sales, mais les immeubles semblent récents. Steen observe autour de lui. Comment ont-ils pu penser que le cimetière serait indiqué, ou visible directement ? Il va encore falloir demander à quelqu’un. Steen déglutit ; les gens ici n’ont pas l’air très nets.

“Tu veux demander notre chemin ? demande Steen.
— C’est sans doute mieux, je vais le faire”, dit May en comprenant que le garçon ne veut pas le faire lui-même.

Steen la remercie du regard et ensemble, ils avancent sur le trottoir.  Des dizaines de personnes déambulent dans la rue, pressés ou non, et la jeune fille ne sait pas à qui demander. Sûrement pas au jeune gars appuyé contre un mur de béton tagué et au regard presque effrayant, mais peut-être à cette femme qui vient à leur rencontre ? Elle a l’air plus respectable, et May s’approche pour l’interroger.

“Euh… Excusez-moi madame, est-ce que vous savez par où est le cimetière ?
— Non, désolée jeune fille”, répond la dame en l’observant d’un regard inquisiteur.

Bon, finalement ce n’étais pas une très bonne pioche. Mais la femme au tailleur n’est pas la seule personne aux alentours, et May retente sa chance en abordant un homme qui doit bien avoir la soixantaine. Elle répète sa question, tandis que Steen la suit timidement. L’homme est d’abord étonné, puis décide de leur répondre sincèrement :

“Oulah… C’est à droite, et vous continuez. Vous allez voir le parc, et juste derrière, c’est le cimetière. Mais qu’est-ce que vous voulez aller faire au cimetière, les jeunes ?”

May ne sait pas quoi répondre, et échange un regard interrogateur avec son ami. Celui-ci ne sait pas quoi dire non plus. Il hausse les épaules, plante ses yeux bleus dans ceux de l’homme.

“On cherche la tombe de nos parents.”

Il n’a aucunement besoin de connaître tous les détails de leur périple, ni le lien qui unit les deux enfants. May remercie rapidement le lyonnais pour qu’il ne pose pas de question supplémentaire et suit la direction indiquée. Elle aperçoit un peu plus loin ledit parc, bulle de verdure dans tout ce béton gris. Une grille empêche les étrangers d’entrer par ailleurs que la porte d’accès. Les barreaux de métal rouillé sont surmontés de croix chrétiennes. Les adolescents entrent dans le cimetière. Steen jette un œil à son gsm. Anja n’a pas répondu. Il est quinze heures trente-neuf. Il suit May à travers l’allée. Les tombes sont toutes de marbre, certaines ont des sculptures, ou des croix gravées dans de la pierre. Un cimetière luxueux.
Les noms des inconnus défilent. Plus loin, une vieille femme est agenouillée devant une tombe. Steen a de la peine lorsqu’il lit sur la tombe devant laquelle il s’accroupit :

“2003-2012”

Un enfant. Il trouve ça horrible, mais décroche son regard et passe à une autre tombe. Le cimetière n’est pas aussi grand que celui de Bruxelles, et tant mieux.
May s’accroupit elle aussi devant les pierres tombales, comme à Bruxelles, cherchant celle qui abriterait l’un de ses parents. Après une bonne vingtaine de tentatives infructueuses, elle repense aux trois cimetières. Elle espère qu’ils ne devront pas les fouiller de fond en comble tous les trois. Ce serait bien trop long.
Les noms défilent devant les yeux des adolescents, au fur et à mesure que le soleil poursuit sa course dans le ciel. Mais le nom Droubet n’est gravé nulle part, même pas sur les pierres les plus pauvres et dépouillées, ou celles qui donnent l’impression de pourrir seules sans que jamais personne ne vienne les fleurir et les entretenir.

“Toujours rien ?
— Non, rien.”

Les deux jeunes examinent toutes les tombes, et ressortent fourbus et endoloris du cimetière. Un peu découragés aussi. Mais une bonne nuit de sommeil les aidera probablement à se remotiver. Ils laissent derrière eux les grilles macabres et refont le chemin inverse jusqu’à l’hôtel. Dans le métro, l’air est toujours aussi irrespirable, et la promiscuité entre les passagers leur octroie quelques regards curieux. Mais tous se mêlent de leurs affaires sans s’immiscer dans la petite vie des autres, et seul le déplacement des rames se fait entendre. Sans se perdre ni se tromper une seule fois, May et Steen descendent au bon arrêt, et ressortent à l’air libre. ils rejoignent enfin leur logement du jour et obtiennent la clé de leur chambre de la même réceptionniste guindée.

Les jambes courbaturées, Steen retire ses chaussures de ville, et s’allonge sur les draps propres du lit. Il sort son téléphone, où un message de sa sœur l’attend.

“Fais attention, par pitié.”

Il ne prend pas la peine de répondre, et se tourne vers May qui s’est assise sur le lit, elle aussi, et regarde dans le vide. Cette fin de journée est bien décevante, après un tel voyage. Et puis, la fatigue l’assaille. Elle aimerait bien s’écrouler sur le matelas, fermer les yeux et simplement s’endormir. Mais ils ne peuvent pas encore. Steen se fait violence pour s’obliger à dire à la jeune fille brune :

“On doit chercher un commerce pour manger, non ?
— Oui, peut-être.”

May se rend alors compte qu’elle a faim, et que l’estomac du garçon grogne depuis quelques minutes. Les adolescents se lèvent, et redescendent, encore une fois. La femme les fixe toujours depuis son poste sur son bureau, toujours silencieuse.

Il y a des petits magasins et supermarchés un peu partout. En face de l’hôtel, il y a un Carrefour. Ils n’ont pas à aller plus loin pour acheter de quoi faire un repas. Steen et May entrent dans le magasin, et le jeune garçon aux cheveux sombres demande :

“Tu veux manger quoi ?
— Quelque chose de simple, c’est bon.
— Des sandwiches ? propose le garçon.
— Ok”, répond laconiquement son amie.

Steen prend des sandwiches jambon-fromage, et les deux amis vont payer à la caisse. La caissière, une jeune femme qui a l’air au moins aussi épuisée qu’eux, fait passer leurs articles.

“Quatre euros trente-cinq, s’il vous plaît.”

Steen sort un billet de cinq euros, et récupère sa monnaie. Ils n’ont plus qu’à traverser la rue. Les enfants récupèrent la clé de la chambre. La réceptionniste soupire, comme si elle en avait marre de faire son travail. Steen et May avalent leur sandwich avec appétit. Il ne reste plus une miette à la fin du repas. Le jeune garçon a mal aux pieds, mais ne se plaint pas. Il se sent transpirant, et il aimerait prendre une douche. Au moins, son estomac est plein. Et puis, il est déçu et triste pour son amie qui n’a pas retrouvé la tombe… Demain, se promet-il. Il leur reste encore deux cimetières à visiter, presque côte à côte. Son seul espoir pourrait le faire aller jusqu’au bout du monde. Il se relève, se dirigeant vers la petite salle-de-bain équipée.

“Je vais me laver. T’inquiète, demain on trouvera ce qu’on cherche.”

Il espère avoir l’air convaincant. Il a peur de ne pas trouver. Et si la marraine de May s’était trompée ? Steen préfère ne pas y penser, et disparaît dans la salle-de-bain, son pyjama et ses affaires de toilette à la main.
May regarde son ami se lever et s’enfermer dans la salle-de-bain. Elle s’allonge sur un côté du grand lit et ne peut pas résister à Morphée, qui l’emporte presque instantanément dans le sommeil, toute habillée.
Steen sort de la douche, propre et en pyjama. La journée a été particulièrement longue et éprouvante, aussi ses yeux se ferment tandis qu’il glisse sous les couvertures, et couvre May avec les draps, pour qu’elle n’ait pas froid. L’épuisement est tel qu’en quelques secondes, il a rejoint son amie au pays des rêves.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 16:34

Chapitre neuf


Il fait beau à Bruxelles. Un grand soleil. La marraine de May sort avec le chien, et en profite. C’est sûrement l’un des derniers beaux jours de l’année. La jeune femme arpente les rues, fait la promenade habituelle du labrador. Elle passe par le parc Josaphat, où jouent quelques gamins surveillés par leurs parents assis sur un banc à discuter. Au détour d’un sentier, elle croise une silhouette bien connue. La jeune femme s’étonne, sans pour autant s’approcher. Mais elle doit en avoir le cœur net. Le chien sur les talons, elle aborde la jeune fille :

“Dis-moi Aisha, May n’est pas avec toi ?”

Aisha sursaute, observe la jeune femme et son chien. Elle est tout aussi étonnée et répond, gênée :

“Mais je pensais qu’elle était partie à Berlin avec vous moi ! Je… Elle va bien au moins ?”

La marraine l’ignore. Elle réfléchit, et finit par laisser la jeune fille là avec un simple “Merci Aisha”. Elle a peur. Elle n’a aucune idée de l’endroit où May aurait pu aller, et de la raison de sa fuite. Qu’est-ce qui l’a poussé à fuguer ainsi ?
La jeune femme rentre chez elle, écourtant la promenade. Mais il y a plus urgent. Retrouver May. Son premier réflexe est d’aller voir dans sa chambre, si elle n’a pas laissé d’indices. Mais il n’y a rien, rien qui puisse la mener sur une quelconque piste. May a emporté les seuls souvenirs de ses parents, et sa chambre ressemble à celle de n’importe quelle adolescente. Mais la jeune femme a une autre idée. Elle retourne dans le salon, allume l’ordinateur. Si sa filleule a fait des recherches avant de partir, elle va le savoir. Elle consulte l’historique de navigation sur internet, et tombe sur les recherches de train et la carte localisant Lyon. Mais oui, bien sûr, pourquoi n’y a-t-elle pas pensé plus tôt ? La jeune femme se mord les lèvres, c’est de sa faute. Elle se lève de la chaise avec une seule idée en tête : aller à Lyon et ramener May avant qu’il ne lui arrive quelque chose. Elle espère surtout qu’elle va bien.

***

C’est un peu déboussolé que Steen se réveille dans la chambre de l’hôtel. Steen s’assoit sur le lit et s’étire. Il pense soudain à sa mère, se demandant si la femme s’est inquiétée, ou si elle avait découvert qu’il n’était pas chez sa sœur, mais à plusieurs centaines de kilomètres de là. Non, Anja le protège. Il passe une main dans ses cheveux noirs, encore un peu dans les vapes. Le jeune garçon fixe May, qui dort encore. Enfin, c’est ce qu’il déduit du corps totalement immobile de son amie. Il se sent tellement étrange, dans ce pays qu’il ne connaît pas, avec seulement l’adolescente…
May émerge peu après lui, les cheveux tout emmêlés et les vêtements chiffonnés. Elle baille puis s’aperçoit qu’elle s’était endormie toute habillée. Elle jette un regard à Steen, pourtant en pyjama. Elle hausse les épaules. C’est pas un drame. La jeune fille se lève et atterrit sur ses pieds douloureux. Comme Steen la veille, elle entre dans la salle-de-bain pour se rafraîchir un peu, se changer et remettre ses cheveux en place. L’adolescente se regarde dans le petit miroir au-dessus de l’évier en faïence et remarque les cernes qui lui tombent sous les yeux. Elle a l’air plus pâle que d’habitude aussi. Elle soupire, finit sa toilette et retourne dans la chambre où l’attend Steen, qui lit la carte de Lyon avec attention.

“Cimetière de la Guillotière,” annonce-t-il.

May s’approche, et regarde la carte avec lui. Le doigt du garçon pointe un lieu à l’est, May évalue la distance. Ça ne doit pas être trop trop loin. Les deux enfants ont encore leur ticket de la veille.

“Je propose qu’on aille manger et puis qu’on y aille.
— Oui, ne perdons pas de temps.”

Steen retire son haut de pyjama dans la chambre, prend quelques affaires pour faire sa toilette à son tour. Il en ressort habillé, plus présentable et moins fatigué. Il sourit à May, et ensemble ils descendent dans la grande salle où un buffet à volonté est servi. Des croissants, du pain, des confitures, des céréales sont étalés sur des tables. Des gens affluent déjà, quelques étrangers, d’autres français en vacances. Steen reconnaît de l’italien. Les adolescents, qui n’ont mangé qu’un sandwich et quelques biscuits la veille, se précipitent sur la nourriture. Le jeune garçon prend un croissant, de la pâte à tartiner, et un morceau de pain avant de trouver une table pour lui et May. Celle-ci attrape une couque au chocolat et deux tartines, ainsi qu’un petit pot de plastique contenant de la confiture de framboises et un grand verre de jus de fruit. Puis elle va rejoindre Steen qui s’est installé à une petite table près d’une fenêtre, un peu à l’écart du gros des vacanciers. Ils mangent en silence, savourant le petit déjeuner.
Steen va se servir une nouvelle fois, des muffins, du pain, du jus d’orange, jusqu’à ce qu’il n’ait plus faim. Une fois repus, les enfants se disent qu’il va falloir partir. Le cimetière devrait ouvrir dans peu de temps, mais il n’y aura presque personne. Qui visite des cimetières pendant les vacances ?

“On va encore devoir trouver comment on y va.”

C’est devenu plus facile pour les deux jeunes de demander à des inconnus dans la rue. Les passants les regarderont toujours aussi bizarrement, mais après tout, peu leur importe. Ils ne reverront sans doute jamais ces personnes qui les renseignent. Cette fois-ci, c’est plus facile pour se rendre au cimetière. Il n’y a qu’un tramway à prendre. On leur indique la ligne T4, que les deux jeunes vont rejoindre. Ils sentent qu’ils approchent de leur but, et Steen a bien du mal à dissimuler son impatience. May sourit en le remarquant, elle-même est plus calme, ne voulant pas nourrir trop de faux espoirs. Ils grimpent dans le tram qui les emmène jusqu’à leur destination.
Il n’y a que quatre arrêts qui les séparent du cimetière. On leur a dit de descendre à Jet d’eau. Le tramway s’immobilise, et les portes s’ouvrent pour laisser descendre quelques voyageurs qui se rendent au travail, et les deux adolescents. Inutile de se demander pourquoi l’arrêt se nomme ainsi : une grande fontaine, au centre de la place, lance des jets d’eau dans les airs. S’il avait fait plus chaud, Steen se serait baigné volontiers, mais l’automne est désormais là et le vent qui souffle est loin d’être chaud. Une femme voilée tient une poussette, et surveille son fils qui est accroupi près de l’eau. Steen prend son courage à deux mains, et s’approche avec May.

“Excusez-moi, est-ce que vous pourriez nous indiquer le cimetière s’il vous plaît ?
— Juste derrière, répond-elle en souriant.
— Merci !”

Les deux enfants se dirigent vers l’endroit que la femme leur a montré. Le cimetière est immense. Les tombes alignées semblent ne plus finir. Mais Steen garde espoir, peut-être qu’ils vont tomber dessus rapidement après tout. Jusqu’à maintenant, la chance leur a souri à peu près ← C'est pas "leur a un peu près souri" ?. Il n’y a aucune raison pour que ça ne continue pas sur cette lancée. Il faut seulement garder une attitude positive. Au moins, les deux adolescents auront visité assez de cimetières pour tout le reste de leur vie. Les tombes sont rangées en arcs-de-cercle, et quelques arbres ont été plantés. Au printemps, ils doivent être en fleurs. Cela adoucit un peu la tristesse qui se dégage de ce lieu, suppose le jeune garçon.
Steen a encore des courbatures de la veille. Pourtant il s’exécute sans broncher, et part d’un côté tandis que May s’en va de l’autre. Pourquoi y a-t-il tant de morts ? Steen se rend bien compte que si quelqu’un les voyait, il se demanderait ce que deux enfants font dans un cimetière, à lire toutes les épitaphes gravées sur les tombes. D’ailleurs, à l’autre bout du cimetière ← répétition de "cimetière", un enterrement a lieu. Steen ne s’approche pas, ne voulant pas déranger, mais observe. Il est bien content de ne pas avoir assisté à un enterrement dans sa vie. Ou peut-être celui de son père, mais… Il s’en serait rappelé, non ? Il avait quatre ans. Peut-être qu’il a juste oublié.
Des hommes, des femmes et des enfants, tous vêtus de noir, la tête baissée. Steen se concentre sur sa tâche, et continue d’analyser chacune des tombes méthodiquement. Soudain, alors que le jeune garçon aux yeux bleus lisait le nom gravé sur une pierre de marbre, une voix derrière lui le fait sursauter.

“‘Scusez-moi les jeunes, mais c’est pas vraiment un endroit pour jouer, ici.
— On joue pas,” se défend Steen.

Heureusement, May arrive à sa rescousse.

“Il a raison monsieur, on cherche la tombe de quelqu’un.
— Ah, vous avez perdu un proche ? Je suis désolé pour vous. Vous avez un nom, une date ? Je peux peut-être vous aider, propose l’homme.
— Droubet, 2006.”

L’homme, grand brun, la trentaine, regarde de haut les deux adolescents. Il travaille sans doute au cimetière. Il est vêtu d’un jean noir, et un blouson en cuir de la même couleur. Il ne paraît pas sympathique, mais pas méchant non plus, et les deux amis ne tiennent pas à lire chacune des quarante mille tombes du cimetière. Alors s’ils peuvent recevoir un peu d’aide, ils ne se priveront pas d’accepter.

“Y a si longtemps que ça ? Bon, suivez moi. C’est rangé plus ou moins par date,” fait l’homme d’un ton désinvolte.

Par dates ? Pourquoi n’ont-ils pas remarqué ça plus tôt ? Et effectivement, l’homme les emmène plus loin dans le cimetière : ils n’étaient pas du tout au bon endroit. En fait, les deux cimetières du coin sont reliés. Donc ils n’auront pas à traverser une nouvelle fois la ville inconnue dans tous les sens. Steen sent qu’ils se rapprochent. Chaque pas, chaque tombe lue les rapproche de leur objectif, de la vérité.
May suit les deux hommes, puis passe devant Steen lorsqu’ils arrivent dans la section de l’année 2006. Elle observe chaque nom à nouveau, plus précisément. Elle est fébrile. Enfin, “Droubet Marc”, gravé dans une pierre simple. Et la tombe de droite est celle de sa mère. May se met à la hauteur des pierres, et doit retenir ses larmes en lisant les épitaphes. Derrière elle, un peu gêné, l’employé du cimetière s’est un peu éloigné sans les perdre de vue.
Ce qui a frappé Steen, c’est la date. En s’accroupissant près de May, il regarde les écritures.

17 juillet 2006

Steen reste quelques secondes à relire la date, comme si ça ne pouvait pas être possible. Son père est mort à cette même date. La coïncidence est trop grosse pour que c’en soit une. Il doit y avoir un lien, ce n’est pas possible autrement. L’adolescent a le souffle court, il tente de se rappeler de choses datant de cette époque. Rien. Il était bien trop petit, et de toute façon sa mère ne lui a rien dit. Que s’est-il passé le 17 juillet 2006 ? Peut-être qu’ils doivent juste chercher la date sur internet, et qu’il y aura la réponse.
Au moins, Steen a la certitude maintenant que les parents de May et son père étaient ensemble, ce jour-là. Des belges, tous les trois morts si soudainement, à la même date ? C’est tout bonnement impossible. Même s’ils ne sont pas enterrés au même endroit, il doit y avoir un lien.

Ce n’est pas la même phrase que celle de Klaas qui est gravée sur les tombes des parents de May, pourtant, après s’être recueillie quelques minutes, la jeune fille la lit plusieurs fois de suite.

L’hirondelle vole bas, mais l’orage passe.

Mystérieuse elle aussi. May l’enregistre, puis se relève. Ils ne vont pas rester là des heures. Les deux adolescents sortent du cimetière, observés par l’employé. Ils sont heureux d’avoir trouvé, et en même temps troublés par cette date et cette phrase. Aucun des trois épitaphes ← Je crois que c'est une épitaphe, donc ce serait aucune ne parlait de la cause de la mort.

“Ça va ? s’assure Steen lorsque son amie se relève.
— Ça va, ne t’inquiète pas.”

Steen se rend compte que sa sœur a tenté de l’appeler plusieurs fois sur son gsm. Il ne sait pas si c’est une bonne chose, mais il n’ont plus vraiment le temps… Le train part à seize heures, ils doivent donc passer récupérer leurs affaires, manger un morceau, puis rejoindre la gare. L’adolescent est content d’avoir réussi leur mission. Ils ont trouvé la tombe des Droubet. Ils ont trouvé une pièce du puzzle. Bientôt, ils auront tous les éléments, ils le savent. Ils le sentent. Et après, que va-t-il se passer ? Est-ce que tout redeviendra comme avant, Steen seul, au fond de la classe, et May avec ses amies ? Les yeux du jeune garçon se teintent légèrement de tristesse. Il aime bien May, maintenant, malgré son obsession pour ne s’attacher à personne. Il a peur de souffrir si elle l’abandonne, si la vie reprend son cours.
Il arrête d’y penser, et se tourne vers May.

“On passe à l’hôtel avant ou après avoir mangé ?
— Après c’est plus simple non ?
— Oui, on sera moins encombré”, convient l’adolescent.

Steen avait pensé qu’ils pourraient aller en ville, pour manger dans un fast-food, ou quelque chose comme ça. Il est déjà plus de deux heures de l’après-midi. L’adolescent se demande comment se sent May après avoir trouvé la tombe. Lui-même a été très perturbé, lorsqu’il était rentré du cimetière de Bruxelles, et la phrase gravée sur le marbre de la tombe de son père résonne toujours dans son esprit. Et puis maintenant, s’ajoute la phrase tout aussi étrange de la tombe des parents de son amie… Steen a le sentiment que tout cela cache autre chose.
Le garçon aux yeux bleus aurait bien ramené quelques souvenirs de son voyage, mais ce serait risqué et inutile. Les deux jeunes reprennent le métro, une dernière fois, pour trouver un petit restaurant. Ils ont encore un peu de temps, mais il ne faut plus traîner. Si jamais ils ratent le train, ils seront coincés à Lyon pour une durée indéterminée. Les deux enfants sortent de la bouche du métro. Ils ont presque l’habitude maintenant. Steen regarde les commerces environnants. Il y a un McDo, un Subway, et d’autres restaurants et fast-food de ce genre.

“Tu veux qu’on aille au McDo ?
— Au moins c’est rapide et pas trop cher; va pour le McDo !”

Steen regarde dans son enveloppe contenant ses sous. Il reste encore suffisamment pour manger aujourd’hui. Les deux amis se dirigent vers le comptoir, et commandent des frites et des cheeseburgers, avant de s’asseoir à une table libre. Steen sirote sa boisson, pensif. Il est un peu nerveux, car le départ approche, et il a toujours peur d’être en retard. May repense toujours au cimetière. Elle n’a pas très faim et grignote son cheeseburger. Elle est un peu ailleurs, et ne remarque pas tout de suite l’anxiété de Steen. Mais les regards pressants de celui-ci finissent par la convaincre de manger plus rapidement. Elle avale entièrement le bout de pain industriel et son contenant, vide son gobelet.
C’est le moment de rentrer, maintenant. Steen n’arrête pas de regarder l’heure sur son gsm, et de bouger les jambes sous la table. Et si sa sœur voulait lui annoncer que leur mère savait tout ? Qu’elle s’était rendu compte de son absence ? Le jeune garçon avale sa dernière frite. Rien à voir avec les frites belges, mais bon. Avec un regard entendu à May, Steen se lève et met le plateau à sa place, et tous deux sortent du fast-food.
Les deux amis prennent le chemin de l’hôtel pour récupérer leurs sacs et rendre la clé à la réceptionniste. May ferme son sac, juste après s’être assurée qu’il contenait tout ce qu’elle avait emporté. Steen regarde sous le lit, vérifiant qu’ils n’ont rien oublié, puis sort de la pochette les deux billets retour.

“On a tout ?
— Je crois.
— Alors on rentre.”

May va donner la clé à la femme, qui semble n’avoir pas bougé depuis la veille. Les lèvres pincées, elle murmure un “au revoir” peu aimable. La gare est juste à côté. Steen regarde le ciel chargé de nuages. L’automne est arrivé ici aussi. Les deux adolescents entrent dans le hall principal. Ils doivent juste trouver le bon quai et la bonne voie, et ils seront rentrés avant dix-neuf heures. Finalement, comme les panneaux et les indications sont nombreux, les deux amis trouvent sans mal le quai où leur TGV doit arriver.
Il y a peu de monde. Assis sur un banc, Steen et May repensent à leur séjour. Steen se sent bien, malgré son angoisse de rentrer chez sa mère, et May se demande à quoi ressemblera la suite. Elle n’a été absente de chez elle que deux jours, mais appréhende le retour. Elle a l’impression que découvrir la tombe de ses parents a changé quelque chose en elle. Que jamais plus ce ne sera pareil, même si c’est différent depuis ce fameux jour où les deux amis se sont parlés pour la première fois.

Les crissements des freins du train donne des frissons à Steen, qui se relève et serre la bretelle de son sac. Il suit May dans le train, destination Bruxelles. Toujours dans un état second, le jeune garçon pose sa tête sur la vitre et ferme les yeux. La jeune fille s’installe en remontant ses genoux contre elle comme une petite enfant, et laisse son esprit dériver en regardant Steen dormir.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 16:34

Chapitre dix


Les deux enfants reconnaissent leur ville bien avant l’arrivée du train dans la gare. Steen sourit en voyant les paysages familiers se dessiner petit à petit. Il s’est endormi un moment, pendant le trajet. Et ils arrivent, ils rentrent chez eux avec une pièce du puzzle en plus. May et Steen descendent sur le quai. Ils traversent la gare, et s’arrêtent lorsque leurs chemins s’apprêtent à se séparer.

“C’était cool ce voyage avec toi, lance l’adolescent.
— Oui, merci de m’avoir accompagnée d’ailleurs, ou plutôt, de m’avoir poussé à y aller !
— On se remet ça quand tu veux !” dit Steen en plaisantant.

May rit, puis salue son ami.

“On se revoit bientôt !” promet le jeune garçon.

Il tourne les talons pour repartir de son côté. Son coeur se serre. Il aimait bien la nuit dernière, avec May ← problème de temps et de verbe, enfin bref cette phrase sonne bizarre. Il aurait presque voulu que le séjour se prolonge un peu, mais les deux enfants auraient eu du mal à trouver une excuse pour disparaître plus de temps. Une nuit, c’est déjà suffisant. La mère de Steen s’inquiète souvent pour un rien, sans doute depuis la mort de son mari. Le jeune garçon avance dans la rue, après un long trajet en bus, pour rentrer chez lui. Il presse le pas, et sa respiration devient sifflante lorsqu’il atteint le haut des escaliers. Sa main tremble lorsqu’il entre la clé dans la serrure, et qu’il déverrouille la porte. Aussitôt, sa mère se précipite.

“Mon chéri ! Alors, t’as bien bossé chez Anja ?
— Euh… Oui, elle m’a expliqué… Des trucs.
— Tiens, c’est marrant, elle m’a dit la même chose quand je l’ai appelée dans l’après-midi. “Des trucs.”
— Ah bon ? Euh… Je suis fatigué du coup, je pense bientôt me coucher.”

Sa mère le regarde, étonnée. Steen lui sourit, mais son esprit est ailleurs et ses yeux ne cessent pas de bouger.

“Ça va ?
— Quoi ? Mais oui !” assure-t-il.

Steen se hâte de prendre congé de sa mère avant qu’elle ne remarque autre chose d’inhabituel dans son comportement. Il se sent seul, dans sa chambre, et sort son gsm. Neuf pourcentSauf erreur, je pense qu'il faudrait mettre un "s" à pourcent de batterie. Il le branche à son chargeur tout en déballant ses affaires, et ses doigts effleurent un papier. Le plan de Lyon. Il a dû le prendre dans son sac, ce matin, alors qu’il regardait le lieu du cimetière. Si sa mère tombe dessus, elle va lui faire une scène. Steen soupire en la déchirant en morceaux si petits que le texte n’est plus visible. Puis il reprend le téléphone pour appeler sa sœur.

“Steen, t’es bien rentré ?
— Oui, oui, ça va.
— Alors, qu’est-ce que vous avez trouvé ?”

Steen hésite sur ce qu’il doit dire ou cacher à son aînée. Peut-être qu’elle peut les aider, après tout. Steen et May n’ont pas encore tous les éléments, et ils en sont encore loin.

“On a trouvé leur tombe.
— Tant mieux. Et ?”

Nouvelle hésitation de la part du jeune garçon. Finalement, il se résout à lui dire le peu qu’ils ont découvert.

“Ils sont morts le même jour que papa.”

Anja dit que c’est étrange, effectivement ← Faudrait plutôt le mettre en dialogue, ça fait bizarre dit comme ça. Elle ne regrette pas trop d’avoir laissé son frère partir, malgré l’inquiétude qu’elle a eue lorsqu’il ne répondait plus. Mais comme les deux adolescents vont bien, elle est rassurée. Après quelques minutes de discussion inutile, Steen raccroche. Il ouvre les messages avec May. Elle lui manque, même si ça ne fait que quelques heures qu’ils ne se sont pas vus ou parlés. Il s’était habitué à sa présence avec lui, durant deux jours. Il hésite à la déranger si tard, finalement renonce. Il prendra des nouvelles demain.

Cette fois, May a pris le bus, pour passer de la gare du Midi à la rue à côté de la sienne. Assise sur un petit siège de plastique, elle ressasse encore et toujours la même date, la même phrase. Ça résonne dans sa tête comme un mantra, mais la jeune fille ne trouve pas leur signification pour autant. Le bus s’arrête, l’adolescente aux cheveux bruns et quelques autres passagers descendent et le véhicule redémarre. May est contente de retrouver son chez-elle tout de même. Elle se remémore son mensonge concernant son absence en tournant la clé dans la serrure. À l’intérieur elle pose son sac et crie joyeusement :

“Je suis rentrée !”

Seul le silence lui répond. Même son chien n’accoure pas en remuant la queue comme chaque fois qu’elle rentre. May passe la tête à l’entrée du salon, mais ne voit personne. Elle appelle sa marraine, de plus en plus inquiète, mais elle ne reçoit toujours aucune réponse. La jeune fille fait alors le tour de la maison en vérifiant chaque pièce, au cas où sa marraine serait inconsciente pour on ne sait quelle raison. Toujours rien. La jeune fille l’appelle alors, ça sonne, sonne, et sonne encore, jusqu’à ce que le répondeur s’enclenche. Elle laisse un message inquiet, puis raccroche. Et elle attend. Attend encore, l’heure tourne et son gsm indique désormais 19:57. Elle a déjà rappelé, sans plus de succès. Ses ongles souffrent ← Why ?, mais la jeune fille arrête de les martyriser en se relevant du canapé où elle attendait. Elle enfile une petite veste et ressort, jusque chez la voisine. Peut-être sait-elle quelque chose. Les deux jeunes femmes ont toujours été en bons termes, et le labrador passait parfois une semaine de vacances chez cette voisine, lorsque May et sa marraine partaient à l’étranger. La fille aux yeux bruns sonne, et entend presque instantanément des pas derrière la porte. Une petite femme d’âge mûr, aux cheveux noirs commençant à tirer sur le gris et aux yeux de la même couleur vient ouvrir. Elle reconnaît May et invite celle-ci à entrer. La jeune fille ne se fait pas prier, et entre et pose la question qui lui brûle les lèvres dès que la voisine a refermé la porte.

“Est-ce que vous savez où sont ma marraine et mon chien ?
— Le labrador est ici, tiens le voilà justement,” répond la cinquantenaire en désignant l’animal qui vient joyeusement.

May le serre dans ses bras et rit lorsqu’il lui lèche la joue. La femme les regarde avec un petit sourire, puis reprend :

“Ta marraine par contre, est partie hier dans la journée je ne sais où, et m’a demandé de garder le chien entre-temps.”

L’adolescente relève les yeux vers sa voisine.

“Vous ne savez vraiment rien ? Même pas quand elle est censée rentrer ?
— Non, je suis désolée. Elle a simplement dit que cela ne durerait pas longtemps.
— Ah.”

May est déçue bien sûr. Elle n’est pas convaincue. Sa marraine l’aurait prévenue, si elle devait partir… Et puis, elle aurait répondu à ses appels. La cinquantenaire lui propose de rentrer avec le chien, et la jeune fille accepte avec un petit hochement de tête. Rapidement, elle ressort de la maison et retourne dans la sienne. Vingt heures seize, déjà. May se réchauffe un plat déjà tout fait et sers un bol de croquettes au chien. Elle mange seule, sans grand appétit. Elle n’a jamais été très proche de sa marraine et pourtant, elle a réellement peur pour elle. Quelque chose lui dit que c’est trop anormal, qu’il y a un truc qui cloche. Elle finit son assiette, la met au lave-vaisselle. C’est alors que la sonnette de la porte d’entrée retentit. May se précipite à l’avant de la maison, ouvre la porte et tombe sur deux policiers en uniforme bleu.

“Bonjour, police de Schaerbeeck. Mademoiselle May Droubet, je présume ? demande le premier, un petit chauve.
— Euh… oui, répond timidement l’adolescente. Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Pouvons-nous entrer ?”

May acquiesce doucement, et s’efface pour les laisser passer avant de refermer la porte derrière eux. Elle les suit dans le salon, où les deux hommes lui enjoignent de s’asseoir. Elle s’exécute, et attend qu’ils s’expliquent. Les deux policiers se regardent, hésitant sur l’attitude à prendre. Finalement, c’est le plus grand, à l’air plus sympathique, qui s’exprime.

“Eh bien, votre marraine est décédée, mademoiselle. Je, nous sommes désolés.”← Si il y a hésitation, trois petits points marchent mieux "Je... nous sommes"

Une larme coule, bientôt rejointe par d’autres. Des sanglots presque silencieux secouent les épaules fines de la jeune fille. Les policiers, respectueux de son chagrin, se taisent et la laissent pleurer. Ce n’est pas la première qu’ils annoncent un décès, ils savent ce que ressent la petite en face d’eux. Celle-ci, entre deux sanglots, demande d’une voix hachée :
“C… co… comment ?
— Un accident de voiture, elle est morte sur le coup.
— Est-ce que vous… vous savez… où elle allait ?”

Les deux policiers se regardent à nouveau, déroutés par cette question. Mais ils sont là pour y répondre, à celle-là et à toutes celles que May pourrait poser.

“Aucune idée. Mais l’accident s’est produit sur la A31 en France, en direction de Dijon.”

May manque de s’étouffer en entendant ces mots et ses larmes coulent de plus belle. Elle sait où mène cette autoroute. Elle devine que sa marraine à dû comprendre. Ainsi, c’est sa faute… Tout est de sa faute. May pleure toujours, se reprochant son voyage. La vérité ne valait pas ce prix.
Les policiers finissent par l’interrompre, essayant de lui faire comprendre qu’elle ne pouvait pas rester là, seule. Elle est une « enfant de la justice » maintenant. Ils cherchent à l’emmener, et la jeune femme qui se révèle être une assistante sociale essaie de lui expliquer, mais la jeune fille refuse en pleurant. Elle ne peut pas déjà quitter la maison. Pas aujourd’hui. Pas maintenant. Les larmes ne cessent pas, et remarquant la réelle détresse de l’adolescente aux yeux bruns devenus presque noirs, les trois adultes lui concèdent une nuit, à condition qu’elle ne soit pas seule. Entre deux sanglots, May leur parle de la voisine. Le plus petit des policiers ressort alors de la maison, et sonne à celle d’à côté. La cinquantenaire est tout aussi étonnée que la jeune fille une vingtaine de minutes plus tôt. L’homme lui explique, et la femme est peinée à son tour, mais accepte de bonne grâce. Elle vit seule alors cela ne pose pas de problèmes, elle peut bien rendre ce petit service à cette jeune fille qu’elle apprécie tout de même. Les deux adultes reviennent alors dans la maison qui sonne étrangement désormaisÉtrange comme tournure... la maison sonne étrangement ?. Les policiers s’assurent que tout est en ordre, aidés par la femme au chignon, puis prennent congé. Eux, ils ont une famille, et ils se fait tard. L’assistante sociale décide de partir également, après s’être arrangée avec la voisine et lui avoir fait signer quelques papiers. Celle-ci les raccompagne tous jusqu’à la porte, puis revient dans le salon et s’accroupit auprès de May.
“Tu veux manger quelque chose ? Ça te ferait du bien.”
L’adolescente secoue la tête, elle n’a pas faim. Tout ça lui a coupé l’appétit. La voisine essaie tant bien que mal d’occuper l’esprit de la petite par des activités futiles, sans grand succès. Vers neuf heures et demi, la jeune fille décide d’aller se coucher. Elle prend son sac dans le couloir puis retrouve sa chambre. Tandis qu’elle ouvre le contenant de toile, les larmes reviennent. Tout ça, c’est à cause de ce voyage. De cette idée débile qu’ils ont eu d’aller jusqu’à Lyon, seuls, et en se cachant de tous. Les regrets rongent le cœur de May, et celle-ci commence à ne plus pouvoir pleurer. Ses yeux s’assèchent, et laissent place dans son esprit à des pensées sombres. Elle a l’impression qu’on joue du tambour dans sa tête, ses yeux lui font mal également. La jeune fille se couche sur son lit, et regarde le plafond. Elle essaie de voir le ciel, en se demandant si finalement sa marraine est là-haut. Peut-être qu’une des religions du monde a raison. Et puis, beaucoup d’entre elles semblent à peu près d’accord sur ce point. Ses yeux noisette fixés sur la blancheur du plafond, May essaie d’imaginer sa marraine. À quoi elle pourrait ressembler là-haut. Et si elle a retrouvé ses parents, elle.
Passant du regret à l’espoir, du passé au présent, de la fatalité à l’optimisme durant plusieurs heures, May finit par rejoindre le sommeil, exténuée par le voyage, tous ces évènements et ces larmes. La nuit paraît courte, mais réparatrice.

Steen est inquiet. Cela fait deux jours que May n’a pas répondu à son message, et il n’a pas d’autre moyen de la contacter. En fait, il ne connaît même pas son adresse. Et sa mère ne le laissera jamais partir sans savoir où il va. Il commence à être à court d’excuses bidons pour s’éclipser discrètement. Et puis, il faudrait qu’il ait son adresse. L’adolescent tourne en rond dans l’appartement, son gsm dans sa poche. Soudain, sa mère fait irruption, stoppant net ses allers retours entre le salon et sa chambre.

“Steen, j’ai reçu la facture pour ton gsm.”

Le jeune garçon lève ses yeux bleus vers sa mère. La femme continue :

“Hors-forfait 3G, et des messages envoyés depuis la France.”

Le sang du garçon ne fait qu’un tour. Les lèvres sèches, Steen ne parvient plus à parler. Comment expliquer ça ? Il savait qu’il avait fait un peu de hors-forfait, mais ce n’est pas le plus grave. Il en fait, parfois, et sa mère retient un peu de sous sur son argent de poche. Mais pour la France, il n’a pas d’excuses. Ou plutôt, la seule qu’il ait, c’est la vérité. Et celle-ci doit rester cachée pour l’instant.

“Je t’expliquerai. Euh… Je vais payer.
— Maintenant, Steen. Tu m’expliques maintenant.”

Mais le stress lui fait perdre tous ses moyens, et Steen ne trouve rien à dire. Il aimerait parler à May, et maintenant il est certain que sa marraine a tout découvert, comme sa mère est sur le point de tout découvrir. Il voudrait appeler Anja, aussi, pour lui expliquer dans quelle galère il s’est mis. Comment a-t-il pu penser un seul instant qu’ils allaient pouvoir s’en tirer si facilement ? On lui a souvent dit que tous les mensonges finissaient par être découverts un jour. Mais il n’aurait pas pensé que ça puisse aller si vite. Et puis, il a peur des répercussions. Sa mère n’avait pas l’habitude d’un enfant difficile, car Anja puis Steen ont toujours été calmes et obéissants.
Soudain, son téléphone vibre dans sa poche. Steen voit sa mère tendre la main, et le jeune garçon n’a pas le choix. Mais alors qu’il sort le gsm, pour lire le message et le donner à sa mère, il déchante un nouvelle fois.

“Désolée pour l’absence de nouvelles. Ma marraine est morte. Ma faute. Elle venait à Lyon.”

L’adolescent reste bloqué plusieurs secondes. C’est surtout de sa faute. C’est son idée. C’est lui qui a poussé May à venir avec lui à Lyon. Steen prend une décision, la pire qu’il a jamais prise dans toute sa vie. Il serre le téléphone dans sa main, et dit clairement haut et fort :

“Non.
— Oh si, donne-moi ton gsm et va dans ta chambre. Tu n’en sortiras que lorsque tu seras décidé à me dire pourquoi tu as envoyé des messages depuis la France.”

Steen tourne le dos, et au lieu de prendre la direction de sa chambre, il traverse le couloir et ouvre la porte d’entrée.

“Steen ! hurle la mère. Reviens immédiatement !”

Mais l’adolescent n’écoute plus. Il claque la porte derrière lui, regrettant déjà ses gestes, et sort dans la rue en courant. Les larmes lui montent aux yeux, sans qu’il puisse les empêcher de couler sur son visage, et le jeune garçon finit par se calmer lorsqu’il monte dans le bus qui doit l’emmener à l’autre bout de la ville, chez sa sœur. Il aurait préféré voir May, pour la réconforter, pour qu’ils discutent et qu’ils rigolent comme ils ont fait pendant les dernières semaines.
Steen entre dans le bâtiment, et il a l’impression de venir souvent chez sa sœur. Le visage fermé, l’adolescent frappe à la porte, espérant qu’Anja est là. Après un moment d’attente, la jeune femme ouvre en pestant.

“Qu’est-ce que tu fous là ?
— Maman sait que je suis allé en France. Avec les relevés téléphoniques, annonce-t-il simplement.
— Quoi ?! Et merde. Du coup, tu viens me demander d’appeler maman pour lui dire que j’étais avec toi en France ?
— Euh… Ouais. Mais je préférerai attendre un peu avant de rentrer, je me suis tiré sans rien dire.”

Anja soupire. Parfois, elle se demande ce qui peut bien se passer dans la tête de son frère. Elle ouvre la porte pour le laisser entrer, et Steen ne se fait pas prier. Il va s’asseoir sur un fauteuil dans le salon.

“À midi t’es plus là ou je te vire moi-même, prévient la jeune femme.
— Pourquoi ? T’attends ton mec ?”

Le silence d’Anja donne raison à Steen, qui sort son gsm. Le jeune garçon ouvre les messages avec May, hésite sur ce qu’il peut lui écrire. Alors qu’il allait lui envoyer un sms, le téléphone vibre dans sa main. C’est sa mère. Steen décroche et colle son gsm à son oreille, attendant les reproches et les engueulades.

“Steen, mon chéri, où es-tu ? Rentre à la maison s’il te plaît, fait la voix étrangement douce de la femme.
— Je suis chez Anja.”

Puis il raccroche au nez de sa mère sans rien ajouter. Steen se recroqueville un peu plus sur le fauteuil, se demandant quelle force a bien pu lui faire perdre les pédales ainsi. Jamais il n’a réagi de la sorte, et c’est comme si tout explosait d’un seul coup. Mais il n’a pas le temps de poser sa tête qu’un autre message fait vibrer son gsm. Cette fois-ci, c’est May.

***

La marraine de May prend le volant de sa voiture, une Clio bleue, ayant auparavant déposé le chien chez la voisine. Elle démarre, traverse les petites rues en râlant sur la circulation. Puis elle atteint le ring de Bruxelles, s’insère dans le trafic derrière une petite hybride blanche. Elle roule vite et passe sur la bande la plus à gauche. Elle est pressée, elle veut atteindre Lyon le plus rapidement possible. La jeune femme rejoint ensuite la E411, et accélère. Heureusement qu’il est trop tôt pour de véritables bouchons. Elle roule jusqu’à la frontière du Luxembourg et puis celle de la France sans s’arrêter. Elle ne pense qu’à sa filleule.
L’heure avance, la jeune femme aussi. Elle s’octroie une petite pause, rapide, simplement pour rester apte à conduire, et remplir le réservoir d’essence de sa petite auto. S’il est vide, elle n’ira tout de même pas bien loin. Puis elle reprend la route, suit le long ruban de bitume. Elle a quitté Bruxelles depuis pas mal d’heures maintenant, mais la A31 est encore longue. À chaque kilomètre, elle s’approche un peu de May, mais ce n’est pas assez. Elle passe un premier péage. Après une courte file, elle insère quelques pièces dans la machine, regarde la barrière se lever avec impatience. Elle a l’impression de perdre du temps à chaque seconde. Aussitôt libérée, elle fonce. Les kilomètres défilent sur le compteur, les aires d’autoroute aussi, sur sa droite. Elle ne s’arrête pas, elle va tout droit, droit vers sa filleule.
Le soleil descend, peu à peu, et les véhicules s’entassent sur l’autoroute. La petite Clio est encerclée par de plus en plus de camions et de voitures de tailles diverses, mais elle ne ralentit pas le rythme. Elle n’est pas la seule à rouler si vite, et sur les bandes opposées les autos les croisent à une vitesse toute aussi grande. Un peu plus loin, une bande est bouchée, sur la droite. La jeune femme continue sa route, tandis que différents véhicules rejoignent sa bande. Des klaxons retentissent parfois. Un gros camion arrive soudain dans le champ de vision de la jeune conductrice. Un klaxon fou retentit, lui déchirant les tympans. La jeune femme tente d’éviter la masse du véhicule, tourne, mais c’est trop tard. Le camion percute la Clio qui va s’encastrer dans la rambarde. Des freins crissent, des volants tournent de justesse, mais pour certains automobilistes la collision est inévitable. Le choc, pour eux, est pourtant moindre. À l’intérieur de la Clio bleue, la vie a disparu. La ceinture de sécurité, l’airbag, rien n’a suffi. Vitesse trop élevée. Choc trop violent. Mort.
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 17:55

Chapitre onze

“J’peux pas continuer maintenant, même avec ce qu’on a trouvé.”

Steen lit le message de May encore une fois. Il ne sait pas trop quoi répondre, mais finit par lui envoyer :

“Oui, je comprends. Il vaut mieux qu’on arrête, pour l’instant du moins.”

Qu’est-ce qu’ils vont faire, maintenant ? Tout est leur faute. Tout est la faute de Steen. Pour le jeune adolescent, les remords ne cessent de grandir. Pourquoi a-t-il décidé d’aller à Lyon sur un coup de tête ? Morte. Il avait tué la marraine de sa meilleure amie, tout ça pour trouver une tombe de quelqu’un déjà mort depuis dix ans. On dit qu’il ne faut pas réveiller les morts, ou encore qu’il ne faut pas toucher au passé, et c’est ce qu’ils ont fait. Au fond, Steen sait qu’il n’a eu que ce qu’il méritait. Ils ont été durement puni pour cette fugue idiote qui n’avait pour but que de… Trouver des informations sur la mort de leurs parents. Et au final, ils n’ont rien trouvé.
Steen se sent de plus en plus mal. Il serre les mâchoires pour s’empêcher de pleurer. Sa soeur réapparaît dans le salon, croise les bras en toisant le jeune garçon. D’un ton agressif, il lui lance :

“Oh ça va, je me casse !”

Il se lève violemment, le regard noir, et sort presque en courant de la résidence sans faire attention à Anja. Il ne sait pas ce qui lui prend si soudainement. Sans doute les regrets qui l’assaillent, et lui ne sait pas comment y faire face. Dans la rue, Steen traîne des pieds, sans destination. Il marche dans les rues, pas vers chez sa mère. Il laisse ses pas le porter. Le soir tombe, et Steen est toujours dehors, habillé seulement d’un sweat-shirt. Il frissonne sous le vêtement trop peu chaud. Le vent qui souffle ébouriffe ses cheveux sombres. Les jambes lourdes et douloureuses, il finit par s’arrêter et lever le regard. L’adolescent reconnaît sans mal les lieux.
Le cimetière.
Les portes sont déjà fermées. Sans doute qu’en automne, il ferme plus tôt. Steen ignore le froid et son gsm qui vibre, et escalade sans peine le muret pour passer de l’autre côté. Il s’accroupit pour reprendre son souffle, et sort le téléphone de sa poche. Neuf appels manqués, tous de sa mère. Il soupire et observe les tombes alignées. Il ne se souvient même plus où se trouve celle de son père. La luminosité est maintenant si faible que le jeune garçon sait qu’il ne pourra pas lire les inscriptions ce soir. Il n’a pas prévu de rentrer d’ailleurs, et reste parfaitement immobile, le regard dans le vide, durant de longues minutes.
Comme des douleurs dans ses jambes commencent à se faire sentir, Steen décide de bouger, mais sans prendre le chemin de la maison, il va s’installer entre des pierres tombales et des arbres et s’assoit, appuyant son dos contre un tronc. Il tripote un moment son gsm, et lorsqu’Anja appelle, il finit par décrocher.

“Steen, rentre immédiatement !
— Pourquoi ? fait-il d’une voix éraillée.
— Tout le monde s’inquiète. T’es où ?
— Nulle part.
— Rentre ! ordonne la jeune femme.
— Non.”

Et il raccroche avant de se remettre à pleurer, la tête posée sur les genoux. Il aurait aimé parler à son amie, mais elle n’est sans doute pas en état. Lui n’a vu qu’une seule fois sa marraine, lors de la réunion où ils avaient échangé leur numéro de téléphone. L’adolescent s’imagine remonter le temps de quelques jours seulement, pour tout changer, tout effacer. Il ferme les yeux, les genoux contre son torse et les bras enroulés autour. Sans parvenir à s’endormir, il reste dans le cimetière fermé. La nuit, on peut trouver cela terrorisant, mais Steen a d’autres préoccupations que faire attention aux ombres étranges qui semblent glisser entre les tombes.

May s’est réveillée dans un lit qui n’est pas le sien, avec l’impression de tomber sans fin. Il lui fallut un peu de temps pour se rappeler, comprendre où elle se trouve. Ça lui est revenu plutôt vite, même si elle commence seulement à s’y habituer. C’est toujours étrange, cette sensation de n’avoir plus aucune famille, et que tout ce qu’elle connaît, son environnement quotidien, n’existe plus. Il y a toujours la ville bien sûr, et l’école, d’ailleurs elle y retourne demain. Mais ce ne sera certainement plus pareil non plus. Plus rien ne sera pareil, plus jamais.
Dans la semaine, ils enterreront sa marraine. La jeune fille y sera, mais peut-être bien qu’il n’y aura personne d’autre. Ou alors des gens qu’elle ne connaîtra pas. L’adolescente s’en fiche, tout ça lui importe peu. C’est dérisoire. Dérisoire à côté de ce qu’elle ressent, de cette détresse, de ces remords. Personne n’est au courant de sa culpabilité, excepté Steen. Leur culpabilité. On lui a imposé une psy la veille, pour “surmonter cette épreuve traumatisante”, et l’assistante sociale la suit toujours. Elles paraissent plutôt sympathiques toutes les deux, mais May n’a rien dit. Pas un mot. Comment pourrait-elle ?
La journée défile difficilement, May essaie de comprendre le fonctionnement du centre où elle a atterri, et de s’y repérer. Elle ignore combien de temps elle y restera, mais certainement un bon mois minimum. Elle croise d’autres enfants, plus jeunes ou plus vieux, mais ne s’y mêle pas. Elle d’ordinaire si joyeuse et sociable, se renferme et préfère la solitude. Elle grignote seulement ses repas, à l’écart, et s’occupe comme elle peut pour oublier, penser à autre chose. Pourtant, ses pensées reviennent parfois vers Steen. Elle ne sait plus si elle l’apprécie ou si elle le déteste. Elle ne sait plus si elle doit penser que c’est la faute du garçon. Elle ne sait plus si elle doit lui faire confiance, ou le considérer comme un ami. Pourtant, elle était plus proche de lui que de celles qu’elle appelait ses amies. Elle ne sait plus grand-chose au fond. Elle se sent seule et perdue. Trop d’évènements, trop de sentiments, trop de contradictions. La jeune fille a l’impression de se noyer, presque. Elle aimerait avoir une bouée. Mais elle a peur de retourner demander l’aide de Steen. Elle préfère l’oublier, le ranger dans le sac du passé à laisser dans le passé. En fait, elle ne sait pas. Elle ne sait plus.

Steen ouvre les yeux d’un seul coup. La lumière du soleil levant et les bruits des voitures, tout proche, l’ont réveillé brusquement. Tout lui revient en mémoire alors qu’il observe autour de lui ← Mauvaise tournure de phrase ici. La journée de la veille, souvenir fugace dans son esprit, la fugue, cette fois-ci pas à l’autre bout de l’Europe. La mort de la marraine de sa meilleure amie, par sa faute. Les remords l’assaillent à nouveau, toujours plus puissants. Les jambes tremblantes, l’adolescent se relève lentement et difficilement. Son estomac gargouille, et il essaye de se souvenir de son dernier repas. Les nuages se sont amoncelés pendant la nuit, lourds nuages chargés de pluie. Steen, qui n’a aucune envie de rentrer et est déjà transi de froid, se prépare mentalement à prendre l’averse.
La lumière semble perdre en intensité, comme si la nuit se remettait à tomber. Steen se remémore l’endroit exact où est enterré son père. De jour, cela lui paraît plus simple, et en quelques minutes, il s’accroupit devant la pierre tombale. Aussitôt, son regard est attiré par la phrase.

Il ne faut jamais perdre espoir.

Les larmes montent aux yeux du jeune garçon, qui n’a sans doute jamais autant pleuré en deux jours, et il se dit qu’il n’a plus d’espoir aujourd’hui. Tout est trop compliqué, et il se dit qu’il n’aurait jamais dû ressasser le passé, quand bien même la curiosité était forte. Steen se blottit contre la pierre froide, l’air perdu et désespéré. Soudain, la phrase de la tombe des parents de May lui revient en mémoire et inconsciemment, il tente de faire le lien.

L’hirondelle vole bas, mais l’orage passe.

Deux messages d’espoir, pourtant différents, mais au final c’était la même chose. Ils conseillent de garder espoir, même lorsque tout semble perdu, pourtant, Steen n’a pas l’impression que les phrases s’adressent à eux ← eux qui ? Les parents ? May et Steen ?. Mais à qui d’autre ? Et en fait, qui a fait graver les tombes ? Pourquoi des messages si similaires ? L’adolescent aux yeux bleus se pose de plus en plus de questions, auxquelles il n’a pas de réponses. Il sait qu’il doit rentrer, et affronter sa mère. Il se redresse, et prend la direction de la sortie. Il escalade le muret, et se laisse tomber de l’autre côté. Il doit être environ neuf heures du matin, mais lorsque le jeune garçon veut vérifier l’heure sur son gsm, celui-ci est éteint, à court de batterie.
Steen presse le pas dans les rues passantes de la ville, où des femmes avec leurs enfants se rendent vers un parc, dans la direction opposée à celle du garçon qui ne fait pas attention aux autres, fonçant tête baissée sur le trottoir sale. Finalement, il arrive à son immeuble, et entre le cœur battant. Les escaliers qui le séparent de l’appartement sont un calvaire à monter. Les jambes en coton, elles flageolent à chaque marche, menaçant de faire tomber l’adolescent.
La porte n’est pas fermée. Steen l’ouvre, s’attendant à trouver sa mère à l’intérieur, mais il n’y a aucun bruit. Même la télé est éteinte. Dans la cuisine, une casserole remplie d’eau semble indiquer un départ précipité. Steen remet en route la cuisinière, sort le paquet de pâtes qu’il pose sur la table tandis que l’eau frémit. Puis il se dépêche d’aller charger son téléphone, sachant d’avance qu’il aurait des dizaines de messages et appels provenant tous de sa mère et d’Anja.
Steen mange son repas, affamé, lorsque la porte s’ouvre violemment. La mère de Steen, le regard fou, fait son apparition et le jeune garçon se met à fixer le carrelage blanc de la cuisine.

“Où étais-tu, bordel ? Je… On t’a cherché partout, hurle-t-elle.
— Au cimetière. Dis, c’est toi qui as fait mettre…
— Au cimetière ! s’emporte la femme. Nous qui pensions que tu étais retourné à Lyon !
— Quoi ?
— Anja m’a expliqué. Il n’y a rien à Lyon, rien du tout ! Alors arrête tes conneries, sinon c’est l’hôpital psychiatrique là qui t’attend !” ← Pourquoi ce "là" ?

Steen comprend que ce n’est pas le moment de poser des questions. Pourquoi en hôpital psychiatrique ? Il va très bien, et se lève en percutant sa chaise pour rejoindre sa chambre. Son gsm rallumé, il attend encore plusieurs minutes, le temps que tous les sms envoyés la nuit dernière arrivent. Messages d’Anja, et des appels de sa mère, comme prévu. Pas de messages de May. Un peu déçu, il ose lui envoyer un “Ça va ?” inquiet. Les vacances sont déjà terminées, et Steen ne veut ni rester à la maison, où le climat est devenu invivable, ni retourner à l’école où il sait qu’il restera seul, comme avant. Et il n’osera plus regarder May dans les yeux, pas après tout ce qu’il juge comme étant sa faute. Il s’enferme dans la pièce, tout en sachant que le lendemain, il devrait retourner en cours. Il a déjà séché une journée, pour la première fois de sa vie…

Un lundi matin moche, gris, sans doute la pluie tombera-t-elle dans la journée. May arrive dans la cour lorsque la cloche sonne le début des cours. Heureusement que ce n’était pas si dur de trouver les bons bus. Puisqu’elle habite désormais trop loin pour venir à pied, il faut bien trouver le moyen de se déplacer jusqu’à l’école. La jeune fille rejoint sa classe et va s’asseoir seule à gauche de la pièce, près d’une fenêtre. Steen va souvent de l’autre côté mais s’il la suit, elle s’en fiche, c’est son problème. Elle n’est pas sûre d’avoir envie de le croiser. Aisha est absente, et Lisa étant déjà installée à l’autre bout de la salle, May se retrouve seule pour une fois. Mais il faut bien un début à tout, et l’adolescente n’est pas d’humeur bavarde. Elle préfère observer les nuages menaçants dehors. Elle n’écoute pas vraiment le cours mais l’enseignante, prévenue du décès de sa marraine, n’ose pas lui faire de remarque.
À la récréation, May reste seule dans son coin, comme le faisait Steen autrefois. Elle remarque d’ailleurs qu’il est absent, sans pour autant ranger cette information dans le casier “digne d’intérêt”. Les heures passent, les cours s’enchaînent, l’adolescente reste à l’écart ici aussi. Elle n’a ni le courage ni l’envie de discuter avec des gens heureux.
Le bus s’arrête à quelques rues du centre, et May réajuste son sac en descendant. La pluie mouille ses cheveux bruns sans que cela ne la dérange. Depuis quelques jours, elle aime la pluie. Elle a l’impression de lui ressembler presque. Et puis, toutes les petites choses d’avant lui paraissent beaucoup trop futiles. Si elle rentre un peu mouillée, qu’importe ? Elle ira se doucher et se changer, et ce sera tout. Ainsi, quand May Un peu trop de "May" dans ce passage passe la porte, elle est trempée et la femme à l’accueil lui jette un regard réprobateur. L’adolescente l’ignore et traverse les couloirs jusqu’à la chambre qui lui a été attribuée. Elle prend une douche chaude, se change et s’assoit en tailleur sur son lit. Malgré tout, elle a encore des devoirs, et ne trouve de toute façon rien de mieux à faire. Par habitude elle jette un coup d’œil à son gsm et aperçoit le symbole lui signifiant qu’elle a reçu un message. C’est Steen. Elle l’ouvre, pour voir. Elle hésite puis répond quand même.

“Me semble que t’as pas besoin de ma réponse pour savoir.”

Elle envoie, et regrette presque aussitôt. Elle aurait mieux fait de ne pas répondre. Elle va simplement détruire encore plus sa vie en continuant comme ça. La jeune fille sent les larmes monter et veut les empêcher, mais elle n’en est pas capable et elle pleure à nouveau. Elle se laisse tomber sur le matelas et enfouit la tête dans l’oreiller en sanglotant. Elle se maudit elle-même, maudit la terre entière. Et elle pleure. Les devoirs, ce ne sera pas pour aujourd’hui.

“Je suis désolé…”

Cette fois May ne répond pas. Elle sait qu’elle regretterait plus encore. Elle a déjà assez pleuré, elle avait les yeux rouges en allant manger. Repas qu’elle a d’ailleurs ingurgité sans grande conviction. Elle paraît pitoyable comme ça. Mais les éducateurs du centre ont confiance. Ils arrivent tous dans cet état à cet âge. Ça passera.

L’adolescent aux cheveux sombres a du mal à se réveiller. Il a mal dormi ces derniers jours, et une seule nuit réparatrice n’a pas suffi à le reposer complètement. Il se lève difficilement, tous les membres douloureux à cause de son escapade de la veille. Et à cela s’ajoute l’envie de rester au lit, et de ne plus jamais retourner à l’école. May semble lui en vouloir, et à raison. Lui-même s’en veut énormément, et les remords ne cessent de le ronger peu à peu. Lentement, il enfile ses vêtements et un pull chaud, et regarde l’heure. Il va finir par arriver en retard s’il ne se dépêche pas un peu.

“Steen, dépêche-toi ! Je t’emmène ce matin.”

Steen soupire en entendant sa mère, et met ses chaussures. Il prend son sac, et las, il suit la femme qui l’attend à la porte. Il s’écarte d’un bond pour ne pas la toucher, et évite son regard. Il ne veut pas se mettre à pleurer, pas encore. Étrangement, son subconscient pense toujours à la phrase sur la tombe, à la mort de son père. Tous les mensonges le dégoûtent. Ceux de sa mère, car c’est évident qu’elle lui ment, ou qu’elle lui cache des choses, et surtout les siens. Il n’aurait jamais dû mentir et faire toutes ces conneries. Il devait payer, forcément, et il est en train de payer.
Il arrive peu après la sonnerie, et sans se hâter, il rejoint sa salle de cours du mardi matin. May est assise à côté d’Aisha, revenue elle aussi, au banc du fond opposé à la place de Steen. L’adolescent va s’asseoir au fond, à sa place habituelle, alors que tous sont déjà rentrés. Certains le regardent en silence. Quelqu’un, devant, chuchote en ricanant tandis que Steen les ignore.

“Tu rentres comme ça, ni bonjour, ni rien ? fait le prof.
— Bonjour,” lâche le jeune garçon d’un ton glacial.

D’autres élèves se mettent à rire, et le professeur se racle la gorge pour reprendre son cours, sans faire attention au retardataire. L’heure semble longue, interminable. Finalement, après trois longues heures de silence dans lequel s’est enfermé Steen, la récréation arrive. Les élèves sortent dans la cour, et le jeune garçon va se poser dans un coin. L’air absent, il fixe les lacets de ses chaussures, et ne voit pas le blondinet qui se dirige vers lui. C’est Julien, un autre jeune de sa classe. Steen relève la tête, et remarque son camarade, et d’autres jeunes les observent d’un peu plus loin.

“Salut Steen ça va ? lance Julien avec un sourire.
— Qu’est-ce que tu veux ?
— À ce qui paraît t’as rompu avec ta meuf, je voulais savoir.”

Il désigne de l’index l’autre côté de la cour, et Steen remarque la silhouette de May. Aussitôt, son sang ne fait qu’un tour. Il n’est pas d’humeur depuis son retour de Lyon.

“Ta gueule.
— T’es triste ?
— Ta gueule, je te dis !”

Steen se redresse et bouscule Julien. Celui-ci le regarde méchamment et lui donne une gifle. Steen ← répétition ne se laisse pas faire et réplique. Bientôt, les deux garçons se battent violemment sans retenir leurs coups. L’adolescent aux cheveux noirs laisse toutes ses émotions se déverser d’un coup, sous la forme d’une haine froide. Le sang bat à ses tempes, un voile lui brouille la vision, et il frappe sur le corps comme sur un sac de frappes. Julien a arrêté de taper, il hurle et gémit tandis que les autres élèves de toutes les classes, qui se sont agglutinés autour, ont arrêté de crier. Soudain, un surveillant disperse tous les jeunes, et Steen revient à la réalité, tremblant. Les larmes coulent sur son visage, et il ne se cache pas du regard des autres. Il sanglote pendant que l’adulte le prend par le bras et l’emmène à l’écart des autres, sans doute à l’infirmerie, ou bien dans le bureau de la directrice. La tête vide, essoufflé, Steen ignore les autres, laissant les larmes inonder son visage et le surveillant le guider dans le couloir.

May, qui se morfondait seule à l’autre bout de la cour comme la veille, s’approche lorsque la bagarre éclate, comme une dizaine d’autres élèves curieux. Certains s’esclaffent, d’autres crient “Allez Julien, allez Julien !”, la jeune fille essaie d’abord de distinguer son opposant. Lorsqu’elle reconnaît les cheveux bruns châtains et le visage de l’élève, elle n’y croit pas vraiment. Steen ne se bat pas. Mais c’est son problème. La jeune fille est sur le point de repartir lorsque la bagarre change de tournure et que Julien gémit. Elle essaie de passer devant les autres élèves, espérant que peut-être elle pourrait arrêter Steen, mais un éducateur arrive plus rapidement qu’elle et fait partir tous les autres. Les deux garçons s’arrêtent alors, et May voit les larmes couler sur les joues de celui aux yeux bleus. Elle essaie de croiser le regard de ceux-ci, sans succès. La jeune fille se prend à penser que l’état de Steen, c’est peut-être sa faute. Alors que le garçon est emmené à l’intérieur du bâtiment, elle se laisse tomber contre un mur et enfouit la tête dans ses mains. Elle reste prostrée ainsi, sans remarquer le bruit strident qui annonce rapidement la fin de la pause. Alors que tous retournent à l’intérieur, Aisha arrive près de son amie.

“May ? Ça va ? Faut qu’on y aille tu sais.”

L’adolescente relève un visage plein de larmes et secoue la tête.

“J’veux rester seule ici, Aisha.
— Mais tu peux pas, et tu le sais. Allez viens ça va aller”, continue l’amie en lui tendant la main puis un mouchoir.

May se relève avec l’aide de son amie, sèche ses larmes avec empressement. Elle s’en veut de s’être laissé aller encore une fois. Et ça la perturbe, elle qui pensait pouvoir se détacher de Steen ne ressentir que de l’indifférence à son égard ← Un seul commentaire. Whut ? Nan, sérieux, il manque un sujet/une conjonction de coordination/de la logique à cette phrase. Bon alley, CETTE PHRASE NE VEUT STRICTEMENT RIEN DIRE. La jeune fille suit son amie jusqu’à la classe. Aisha s’excuse pour deux quant au retard, et elles vont se rasseoir à leur place.

L’infirmière applique une compresse sur une des plaies de Steen. Il serre les dents, peut-être à cause de la douleur, ou bien pour s’empêcher de pleurer à nouveau. Ils vont convoquer sa mère, il le sait. Ce n’est pas ça qui le dérange. Non, ce qui le dérange, c’est que May était là, avec les autres élèves. Il ne sait pas si elle riait avec les autres, mais il l’a vue s’approcher, et se mettre dans le cercle avec ses camarades. Est-ce qu’elle le méprise, comme tous les autres ? Elle l’a ignoré ces derniers jours, mettant toujours plus de distance entre eux. Steen regarde le sol, assis sur le matelas, sans rien dire. Des pas se rapprochent, et la silhouette massive de la directrice fait son apparition.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 17:55

Chapitre douze


“Steen, nom de Dieu, mais qu’est-ce qu’il t’a pris !”

La femme blonde fait des allers retours dans le salon, devant le canapé où Steen s’est recroquevillé en position fœtale. Maintenant, son œil, enflé et bleu, lui fait un mal de chien. Il en oublierait presque les contusions et les ecchymoses sur ses bras, ses jambes et ses côtes. Il n’a pas revu Julien, ni aucun de ses camarades. Sa mère est venue le chercher trois-quarts d’heure après un coup de fil de la directrice, lui annonçant la bagarre de son fils. L’infirmière, qui connaît Steen comme un garçon intelligent et calme, sentait qu’il y avait autre chose, mais elle n’a rien pu lui arracher. Depuis des heures, Steen reste enfermé dans son silence.

“Mon chéri, fait la voix tremblante de sa mère. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ?”

Mais son fils ne répond pas, les yeux perdus dans le vague. Il ne veut pas répondre, il voudrait mettre son cerveau en pause. Il n’y parvient pas, et les phrases gravées sur les tombes tournent dans sa tête. Il se lève brusquement, et son crâne le fait souffrir. Il retourne dans sa chambre, ignorant sa mère. Il touche sa lèvre du bout du doigt. Enflée, elle aussi. Le goût du sang imprègne sa bouche. Pourquoi s’est-il battu ? Il ne le sait pas. Il ne sait même pas s’il se sent mieux. Il s’allonge sur son lit, et s’endort un moment. Lorsqu’il se réveille, le soir s’installe et la nuit tombe.

May ne voit plus Steen de la journée. Sans doute a-t-il été renvoyé chez lui aujourd’hui à cause de la bagarre. La jeune fille est distraite, elle répond à côté aux quelques questions des professeurs, et écrit à peu près n’importe quoi à son interro de maths. La prof affiche un air désolé et compatissant, mais l’adolescente l’ignore. Elle ne veut pas de leur pitié. C’est de sa faute, elle l’avait simplement mérité… La journée avance lentement. May a hâte de fuir tous ces gens qui la regardent ainsi. Elle veut retrouver la chambre de l’orphelinat où elle peut se morfondre seule. Retrouver sa tranquillité, et pouvoir laisser tourner ses pensées sans être interrompue.
L’heure de fin des cours sonne enfin, May range rapidement ses affaires et sort seule. Elle n’attend même pas ses amies. L’adolescente se précipite vers l’arrêt de bus, et grimpe à bord dès qu’il arrive. Elle sort son téléphone dès qu’elle est installée et envoie un “merci” à Aisha, avant d’ouvrir les messages avec Steen. Elle hésite, puis tape ces mots sur le petit clavier :

“Qu’est-ce qu’il a dit pour que t’en arrives à te battre ?”

Steen prend son gsm lorsqu’il l’entend vibrer.  Son cœur manque un battement. C’est May.

“Il me narguait, en disant qu’on était ensemble, et qu’on avait rompu. J’aurais pas dû, je sais.”

Il hésite longuement avant d’envoyer le message. Il repose sa tête sur l’oreiller, tout son corps en souffrance. Les remords lui tordent l’estomac, à moins que ce ne soit les coups reçus.

May est encore dans le bus lorsque son gsm vibre. Elle se rend compte qu’elle attendait le sms, comme avant. Elle le lit, et son pressentiment se confirme. C’était bien à cause d’elle, en quelque sorte. Mais elle a aussi l’impression qu’il l’a fait parce qu’il tient encore à elle. Elle ne sait pas trop, mais elle n’est pas encore sûre de vouloir revenir vers lui. Elle veut réfléchir. Et puis, demain c’est l’enterrement. Elle verra après, ça lui donnera l’occasion de réfléchir.

“T’aurais pas dû, ouais. Mais lui non plus.”

Steen lit le nouveau message de May. Il se sent tiraillé de tous les côtés. Il la sent plus lointaine que jamais, mais pourtant, elle le réconforte. Ou peut-être qu’elle ne tente pas de le réconforter, et qu’elle dit seulement ce qu’elle pense. La pression de sa main autour de son gsm augmente un peu tandis qu’il cherche quelque chose à répondre, sans que ça tourne au vinaigre. Mais son humeur et son état mental ne lui permettent pas de trouver, alors il repose le téléphone sur la table de chevet. Sa mère arrive avec un bol de soupe, qu’elle tend au jeune garçon.

“Tiens, mange.”

L’adolescent prend le bol et en boit quelques cuillères. Steen se dit que sa mère l’écoute, et que c’est peut-être le bon moment pour lui parler et lui poser certaines questions.

“Qui a fait graver les mots sur la tombe de papa ?
— Un ami qui le connaissait bien, répond-elle sèchement.
— Un ami ? Qui ?”

La mère soupire, baisse les yeux. Steen termine le bol de soupe et alors que la femme allait sortir avec le récipient, elle se retourne.

“Si je te dis, tu voudras aller le voir. Et j’ai aucune envie que tu te tires encore une fois.”

Steen sait qu’elle a raison. Il veut en savoir plus. À nouveau dans son mutisme, le garçon se retourne dans son lit et se couvre, tremblant de froid. Malgré sa sieste, il a encore besoin de dormir. Sa bagarre, la première qu’il ait jamais faite et provoquée, l’a épuisé. Et puis son manque de sommeil renforce cette sensation d’épuisement. Il ferme ses yeux bleus, et une nouvelle fois, une petite voix lui murmure au creux de son oreille :

Il ne faut jamais perdre espoir.

“Ne t’en fais pas, papa. Je ne perds pas espoir.”

C’est un peu une promesse qu’il fait à son père. Il se sent un peu mieux après avoir adressé une prière silencieuse à son père, même si pour lui, ce n’est pas vraiment une prière.

May a pu se lever un peu plus tard, et s’habille tout de noir. C’est bizarre, en comparaison aux vêtements colorés qu’elle a l’habitude de porter. Elle se jette un regard par le petit miroir de la salle-de-bain commune des filles, aperçoit un visage pâle, entouré de boucles brunes ternes. Le noir la rend encore plus blanche, et ses yeux sont rouges et cernés. May se trouve moche, mais ce n’est pas grave. Un enterrement n’est pas une occasion où il faut être joli. Sa marraine lui pardonnera.
L’adolescente descend dans le hall. L’assistante qui l’accompagne depuis le début lui a expliqué qu’elle viendrait avec elle, et la jeune fille attend la femme. Enfin elle arrive, habillée d’un tailleur noir joliment coupé, ses cheveux coiffés en son chignon habituel. Les deux femmes sortent, et grimpent dans la voiture de l’adulte. May se tait durant tout le trajet, la conductrice ne cherche pas à engager une conversation, pensant avoir compris que la jeune fille n’était pas bavarde et plutôt taiseuse. La route n’est pas très longue, et rapidement la jeune femme gare sa voiture le long d’un trottoir. May claque la porte en descendant, et lève les yeux pour observer où elle se trouve. Le grand bâtiment, imposant, sombre, lui fait penser à un cimetière fermé. Au-dessus de la porte, en lettres noires calligraphiées, est inscrit “Funerarium”. Le son de verrouillage des portes de la petite voiture se fait entendre derrière l’adolescente, et l’assistante sociale la rejoint.

“Allez viens, on y va.”

May la suit sans rien dire. À l’intérieur règne une ambiance froide, dérangeante. Un homme habillé d’un beau costume vient les accueillir, et May se demande comment il peut travailler dans un endroit pareil. Enfin, chacun son truc. Dans la petite pièce où repose le cercueil, attendent déjà quatre personnes. Un autre employé des pompes funèbres, et trois adultes que l’adolescente ne reconnaît pas. Ou alors, très vaguement. Mais elle est contente de ne pas être seule, parce que ça signifie que sa marraine avait encore des amis. Les yeux bruns de la jeune fille essaient de percer le couvercle de bois, d’imaginer à quoi sa tutrice ressemble désormais. sans doute plus à grand chose à cause de l’accident. Tout compte fait, May renonce. Elle préfère garder une belle image.

C’est encore plus douloureux que la veille au soir. Steen a l’impression que toute sa figure brûle. Il peine à ouvrir son oeil gauche, encore plus enflé, et d’une couleur un peu violacée. Son poignet est de la même couleur, et il va dans la salle-de-bain pour chercher dans l’armoire à pharmacie de quoi soulager ses plaies. Il prend un tube de crème qu’il vide presque, en mettant une noisette sur chaque bleu, qu’il étale en grimaçant. Il ne s’est jamais retrouvé dans un tel état. Il prend également un comprimé à avaler, pour la douleur, qu’il avale avec un peu d’eau du robinet. Sa mère entre dans la pièce, alors que l’adolescent, torse-nu, vérifie qu’il n’a pas de côtes cassées.

“Steen, l’école a appelé.
—Ah ? Ils m’ont viré ? raille l’adolescent.
— Non. Tu vas te reposer quelques jours, et on ira voir un psy. Ensuite, tu retourneras en cours.
— Mais… Maman !
— Pas de mais.”

Et elle repart. Steen, lui, retourne dans sa chambre et prend un livre pour faire passer le temps. Il se demande ce qu’on raconte à l’école sur sa bagarre. Et sur son absence. Et quelqu’un va lui prendre les cours ? Sans doute pas. May a certainement mieux à faire que photocopier des cours, et puis il n’a pas d’autres amis. Il se demande même s’il a vraiment une amie ; May semble toujours lui en vouloir pour son idée stupide et le voyage à Lyon. Steen tente de se plonger dans sa lecture pour ne plus penser à tout ça.

La cérémonie commence, les trois adultes prononcent chacun un court discours. May écoute, découvre certains aspects de celle qui l’a élevée, la reconnaît dans d’autres paroles. Elle hoche la tête une fois, sans s’en rendre compte, pleure en même temps que l’un d’eux qui a lui-même du mal à parler. La jeune fille ne s’exprime pas, elle avait estimé ne pas en être capable et c’est bien le cas, sa gorge est tellement nouée qu’elle n’aurait su prononcer ne fût-ce qu’un seul mot. Elle repense encore une fois aux circonstances de l’accident. Ces gens ne savent rien. Ils ignorent que la mort de leur amie, c’est elle qui la causée ← plutôt qui l'a causée ?. May se sent tout d’un coup incapable de soutenir leur regard. Elle a envie de fuir cet endroit oppressant, ces regards qui lui semblent soudain accusateurs, ces paroles douloureuses. Elle doit se forcer à rester sur place et attendre la fin.
L’adolescente respire enfin lorsqu’elle sent à nouveau l’air frais sur son visage. Un petit rayon de soleil brille dans le ciel, bien qu’il fasse assez froid. Tout le groupe est sorti, et May monte à nouveau à bord du véhicule de l’assistante sociale, direction le cimetière de Bruxelles. Le premier qu’ils ont visité, celui où est enterré le père de Steen. En voyant le muret, la jeune fille se rappelle de leur première expédition← rappelle est un verbe transitif direct, pas de de après. C'est "se rappelle leur première expédition" ou "se souviens de leur première expédition". C’est étrange d’y retourner maintenant. Surtout qu’en pleine journée, au soleil, le cimetière ne ressemble que vaguement à ce qu’ils avaient pu en voir.
Le petit cortège avance dans les allées où crisse le gravier, May se fait violence pour ne pas chercher la tombe de Klaas Van Doorn. Ce n’est pas le moment. Finalement, les croque-morts s’arrêtent et amènent le cercueil juste à côté du trou. Chacun fait un dernier adieu symbolique, et une corneille s’y joint de son croassement rauque. May s’approche à son tour, regarde bien loin devant.

“Pardon”, chuchote-t-elle très bas.

Puis elle retourne auprès des autres, et le coffre de bois est finalement enseveli.
Tous rentrent ensuite chez eux, ne se connaissant que très peu, le repas habituel après un enterrement n’est pas organisé. Après un nouveau trajet dans Bruxelles, May retrouve l’orphelinat. C’est l’heure du dîner, et la jeune fille se joint à ses colocataires pour manger. Cette fois, elle a même de l’appétit. Comme si cet enterrement l’avait quelque peu soulagée. La purée de pommes de terre et les bouts de poulet disparaissent donc rapidement de son assiette, et May laisse ses couverts aux enfants de corvée vaisselle ce jour-là. Il y a une alternance, pour que les jeunes participent aux tâches et aux corvées de l’établissement. Mais May, libre aujourd’hui, remonte directement dans sa chambre retrouver sa solitude. Elle s’allonge sur son lit en croisant les bras derrière sa nuque, le regard dans le vide. Et après une bonne quinzaine de minutes, elle s’endort.

Tout l’après-midi, Steen a alterné les siestes et les moments, au calme, dans sa chambre. Il n’a que très peu mangé, et n’a pas du tout parlé à sa mère. Finalement, le soir, il se couche tôt sans regarder son gsm. De toute façon, il n’a pas reçu de message. Il a l’impression d’avoir le crâne explosé, douloureux. Il se sent mal, mais c’est comme un paradoxe. D’un côté, il est un peu soulagé de ne pas avoir été viré définitivement, mais de l’autre, il se sent tellement mal à l’école qu’il donnerait tout pour ne pas avoir à y retourner. Après avoir pris une bonne douche chaude, qui a réveillé ses blessures, il s’est aussitôt endormi dans son lit.
Le matin, il pensait pouvoir dormir tranquillement, et faire la grasse matinée. Sauf que sa mère juge bon de le lever, et Steen grogne en entendant les murmures de la femme.

“Quoi ?
— On a un rendez-vous chez le psy, aujourd’hui. Tu dois te préparer.”

Son cœur s’arrête de battre une seconde, le temps de reprendre ses esprits. Pas le psy. En plus, sa mère ne l’a pas consulté pour prendre le rendez-vous. Boudeur, Steen met un temps fou à se préparer, changeant dix fois de tenue, et sa lenteur commence même à exaspérer sa mère qui pourtant est réputée pour être une femme patiente. Steen lace encore ses chaussures, passe un lacet au dessus, tient la boucle, le plus lentement possible. Peut-être que s’ils sont trop en retard, le psychologue ne les prendra pas ? Mais ils quittent la maison à l’heure, et arrivent au cabinet à l’heure également. Alors que dans la salle d’attente, où des magasines inintéressants s’entassent, Steen s’imagine une vieille femme sortir de la pièce pour les appeler, c’est un homme, assez jeune, qui ouvre la porte.Un peu long comme phrase, on s'y paume un peu... sépare du genre : Dans la salle d'attente où des magasines inintéressants s'entassent, Steen s'imagine une vieille femme sortir de la pièce pour les appeler. Mais c'est un homme assez jeune qui ouvre la porte.

“Monsieur Van Doorn ?”

Steen se lève et jette un regard à sa mère, qui ne bouge pas. Il n’a aucune intention de s’enfermer dans un cabinet pour parler à un inconnu, mais puisqu’il n’a pas le choix… Il s’assoit sur la chaise que lui indique le psy.

“Tu es Steen, c’est ça ? Je suis Philippe. Tu sais pourquoi tu es ici ?” ← Monsieur Van Doorn (qui appelle un vouvoiement) puis on passe à Tu es Steen (tutoiement et prénom) ? C'est un peu strange.

L’adolescent observe la pièce. Sur l’étagère, des livres de psychologie sont rangés par ordre alphabétique. Steen sait très bien pourquoi il est ici. À cause de sa mère. Il n’a rien à faire dans un cabinet de psychologue, et à cette heure, il aurait dû être en cours, seul assis au fond.

“Je suis fou ? demande le jeune garçon ironiquement.
— Je ne pense pas. Tu t’es battu ?
— Oui.
— Et tu t’es déjà battu, avant ?
— Jamais.”

L’homme griffonne quelques notes sur son carnet. Steen pensait qu’il allait seulement s’asseoir et raconter sa vie, mais finalement, ce n’est pas si ennuyeux. Enfin, façon de voir les choses. Le psy lui demande encore si quelque chose avait changé dans sa vie récemment. Steen essaye de se souvenir. May a changé sa vie, en quelque sorte. Mais pourquoi ? D’un seul coup, les deux adolescents ont décidé de chercher les tombes de leurs parents morts. Et tout a tourné au désastre. Pourtant, le jeune garçon ne parvient pas à mettre des mots sur ce qu’il ressent.

“On est parti à Lyon. Pour trouver des tombes.
— Lyon ? Qui ça, “on” ? Les tombes de qui ?
— Euh… Une amie. De ses parents. Et on a trouvé. C’est ma faute.”

Les larmes aux yeux, Steen se retient de justesse de pleurer. Le psychologue continue à écrire sur sa feuille petits carreaux. Il n’a plus envie de répondre, ni de se confier à ce type qu’il connaît à peine. Il voudrait parler à May, que tout redevienne comme avant. Ou seulement pouvoir avancer. Passer à autre chose, laisser son père dans la tombe où il était, et penser à ses examens et à tout ce qu’il a à faire. Sa mère le rejoint, et discute longuement avec le médecin, tandis que le garçon fixe dehors, par la fenêtre qui donne sur la rue. Des voitures passent en klaxonnant, roulant bien trop vite sur les routes de la ville.

“Steen, on rentre. Merci monsieur.”

L’adolescent se lève de sa chaise, et suit sa mère sans rien ajouter. Peut-être qu’il aura un suivi médical avec le psy. Il espère ne pas avoir à y retourner. Emmuré dans un silence qui commence à durer, Steen retourne dans sa chambre, et consulte son gsm. Pas de messages, et May continue de l’ignorer. Il se demande s’il devrait faire de même, pour que les deux puissent passer à autre chose, ou s’il devrait tenter de faire la paix, de l’aider à surmonter les épreuves qu’elle endure, alors qu’il a lui-même du mal à le faire. Il se pose sur son lit, tâte son œil et sa lèvre. Demain, il pourra retourner en cours. Il n’en a pas l’envie. Tout recommencera, il le sait.

May doit supporter les cours, elle, encore une fois. Elle remarque plus rapidement l’absence de Steen, mais ne sait pas si elle doit s’en inquiéter. Elle aimerait bien parler de son trouble à quelqu’un, de ses sentiments contradictoires, de cette impression d’être complètement perdue. Mais le seul à qui elle pouvait se confier, c’était Steen justement. Bon, elle pourrait bien essayer de parler à Aisha, ou Lisa, mais elle a trop peur de perdre l’amitié qu’elles lui portent. May a peur de l’avenir, et du passé. Elle a peur de se réconcilier avec Steen comme de le perdre. Elle a peur de rechercher la vérité sur ses parents à nouveau. Qui sait quelle catastrophe elle pourrait bien déclencher cette fois ? Pourtant May n’aime pas cet état de stagnation. Elle voudrait que quelque chose change.
La jeune fille réfléchit à tout ça durant les cours, et ça tourne encore dans sa tête lorsqu’elle passe la porte du centre. Elle salue la femme à l’accueil d’un hochement de tête et frotte ses chaussures sur le petit paillasson brun avant de s’engager dans le couloir de droite, celui qui mène notamment à sa chambre. Comme chaque jour, elle croise d’autres pensionnaires sans y faire attention, jusqu’à ce qu’un petit garçon aux cheveux noirs ne l’aborde.

“Salut ! J’m’appelle Seb. Et toi ?
— May.
— Tes parents sont morts ? fait-il avec détachement.
— Oui. J’peux passer maintenant ?
— Mouais.
— Merci”, lâche May en s’écartant du garçon.

Le gamin lui tourne le dos, et s’en va de l’autre côté. La jeune fille reprend son chemin et soupire en poussant la porte de sa chambre. Pourquoi est-ce que ce gamin s’intéresse-t-il à elle ? Elle ne se mêle pas aux autres, elle, alors pourquoi est-ce qu’eux le font ? May repense à Steen. Elle écrit un sms, puis l’efface. Non, elle n’est pas encore prête. La solitude est d’une bien meilleure compagnie. ← Ici, c'est un peu subjectif mais je trouve ça étrange. Plutôt "La solitude est une bien meilleure compagne", mais encore une fois c'est subjectif.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 17:56

Chapitre treize


Le retour en enfer. Les cours, toujours aussi barbants, et étrangement, tout semble être revenu à la normale. Comme avant sa rencontre avec May. Personne n’aurait dû faire attention à lui. Steen se serait imaginé ← Problème de temps. Plutôt "Steen s'était imaginé", enfin je me goure peut être que tout était redevenu comme avant. C’est ce qu’il pensait jusqu’à la sonnerie de la récréation. Mais lorsqu’il sort, prenant soin d’éviter le regard de May, Mohamed l’attend dans le couloir. Et bien sûr, ce n’est pas pour demander les devoirs de la veille. Steen n’a encore rien rattrapé, d’ailleurs. Mohamed l’aborde d’un ton sérieux, passant son bras autour de ses épaules, et le jeune garçon aux yeux bleus n’a pas le courage de se dégager.

“On peut parler ?
— Si tu veux, répond Steen à contrecœur.
— Tu parles plus à May ?”

Le silence qui suit la question du camarade de classe de Steen n’est pas une bonne chose, et Mohamed enlève son bras et s’arrête, un peu avant la porte qui s’ouvre sur la cour. Steen se retourne et le fixe dans les yeux. Il est un peu plus grand que lui. Steen se sent rempli d’une force nouvelle, prêt à se battre avec n’importe qui. Comme si plus aucune loi n’existait. Comme s’il n’était plus tout à fait vivant, ni mort. Juste entre les deux, un état où il serait un peu invincible et invisible. Les règlements ne sont plus un problème, et il ne se plie plus à aucune règle. Il agit un peu à l’instinct, sans plus se soucier des autres. Il n’y a plus que lui, adolescent insolent, impulsif et violent, un nouveau garçon qui se dessine à travers les traits de l’ancien Steen.

“Qu’est-ce que ça peut te foutre, sérieux ?
— T’énerve pas, je veux pas finir comme Julien. D’ailleurs, je sais pas si t’as su, mais ils ont dû lui faire des points de suture. ‘Fin bon.”

Étonné, Steen baisse les yeux. Lui n’a eu qu’un œil au beurre noir, et quelques plaies, rien de plus. Et le camarade contre lequel il s’est acharné, car c’est le cas, a dû passer à l’hôpital par sa faute. Le monde semble se détruire peu à peu autour de lui. Il est peut-être quelqu’un de destructeur, qui ne sait que faire le mal partout où il passe, après tout. Steen attend la suite, car il se doute que Mohamed a mieux à faire que traîner avec lui.

“Bon, si tu lui parles toujours, tu pourrais lui demander ce qu’elle pense de moi ? Mais genre discrètement, tu glisses ça dans la conversation et tout.
— Euh… Pourquoi ?
— T’es intelligent, Steen. Réfléchis trois secondes. Bref, merci et à plus !”

Et effectivement, Steen a une petite idée. Il serre les poings pour se retenir. Quelque chose le dérange. Si Mohamed aime May, et que celle-ci l’apprend, peut-être qu’elle l’aimera aussi. Steen n’a pas envie de le dire à la jeune fille. Pourtant il sait qu’il le fera, sans doute ce soir. Mohamed semble tenir à ce qu’il lui annonce. Et Steen sait aussi que Mohamed, sans avoir les meilleurs résultats en classe, est un garçon intelligent, lui aussi…

En classe, May sent à nouveau un regard dans son dos. Elle ne se retourne pas. Elle ne sait pas si c’est Steen, revenu en cours, ou quelqu’un d’autre, mais cela n’a pas d’importance. Elle veut ignorer le monde. Les paroles du professeur ne lui paraissent pas forcément intéressantes, mais pour la première fois depuis des jours, elle écoute. La vie ne s’est pas arrêtée le jour où sa marraine est morte, et après le deuil il faut penser à la suite. C’est difficile, mais la jeune fille essaie de se concentrer. Elle note ce qui est écrit sur le tableau, avec les remarques données par l’enseignant. Elle essaie de comprendre le sujet du cours, mais son retard l’empêche d’en saisir véritablement le sens. Il faudra qu’elle demande un peu d’aide à quelqu’un. À Steen ? Non. Si elle lui reparle, elle ne veut pas que ce soit pour des cours. Ni pour ses parents d’ailleurs. Si elle lui reparle un jour, ce serait parce qu’elle voudrait retrouver son amitié. La jeune fille laisse ces pensées de côté pour se reconcentrer ← verbe qui en faite n'existe pas, c'est juste à l'oral. Plutôt "se concentrer de nouveau" à l'écrit sur le cours. La matière n’est pas simple, et elle a envie de réussir la prochaine interro, pour une fois.
Le cours se termine, est suivi par d’autres. May essaie de rester concentrée et ses professeurs le remarquent. Ils sont contents, mais ne disent rien et continuent à débiter leur matière ← débiter leur matière c'est bizarre, plutôt débiter leur cours ou leur leçon. Il faut avancer dans le programme. May s’accroche, et pousse un petit soupir de soulagement lorsque sonne le temps de midi. Ses affaires dans son éternel sac décoloré, la jeune fille sort de la classe. L’enseignante l’interrompt dans son mouvement, et May fait demi-tour avec indifférence.

“J’ai vu que tu écoutes à nouveau. Je suis contente que tu ailles mieux, fait-elle avec un sourire qui paraît sincère.
— Merci.”

La trentenaire la laisse partir d’un geste de la tête, et l’adolescente suit les autres élèves. Elle croise furtivement le regard de Steen mais se détourne. Elle n’y arrive toujours pas, à le regarder en face. May va s’asseoir dans un coin du réfectoire, à l’écart des autres toujours, et mange ses tartines en silence. Elle avale la nourriture rapidement, puis ressort. Elle se pose contre un mur et s’assied en croisant les bras sur ses genoux. Demain, c’est le week-end. Elle se demande comment elle va bien pouvoir occuper les deux jours qui suivront. Certainement pas avec les pensionnaires de l’orphelinat, ni avec ses “amies”, ni avec Steen… Un bel ennui probablement. Même son chien n’est plus là. Elle avisera le moment venu.
L’après-midi paraît plutôt courte à la jeune fille qui n’a pas spécialement envie de rentrer au centre. D’ailleurs elle décide de ne pas prendre le bus cette fois, et flâne dans les petites rues malgré la fraîcheur. Les mains dans les poches, elle observe les rares oiseaux présents dans le ciel et marche jusqu’au Parc du Cinquantenaire. Elle s’assied sur un banc, observe les joggeurs, les mamans avec leur bébé. Des enfants promènent leur chien et May sent les larmes monter. Elle regarde ailleurs, et la vibration de son gsm lui permet de ne pas pleurer.

Steen est certain qu’on parle de lui. Il les entend murmurer. Il se force pourtant à les ignorer, et sur sa feuille où il aurait dû normalement écrire son cours, il note les deux épitaphes des tombes. Il les relit, plusieurs fois, mais aucune des deux ne prend plus de sens. Il aimerait poursuivre ses recherches, espionner, comme avant. Mais sans May, rien n’est plus pareil. Il ne peut pas. Il a essayé, pourtant. Il ne réussit même plus à réfléchir correctement. Ça n’a plus aucun sens, voilà tout. Ce soir, c’est à nouveau le week-end. Il a l’impression que les semaines s’enchaînent, et il n’a pas avancé. Noël arriverait, toujours aussi triste et maussade, comme chaque année depuis dix ans.
Pendant deux jours, il sera encore plus seul, si c’est possible de l’être plus. Seul avec sa mère. Il appréhende, car les dernières fois où il était seul avec elle, le dialogue était totalement rompu. La dernière sonnerie retentit, et Steen observe May s’en aller, seule, sans lui accorder un regard. Il reste dans la salle encore quelques secondes, et lorsqu’il ne reste que lui, il sort à son tour et prend la direction de chez lui. Sa mère l’a laissé rentrer seul. Steen se remémore le jour où, pour la première fois, May et lui étaient allés au cimetière. Il avait eu peur des réactions de sa mère, ce jour-là. Peu après, quelque chose a changé.
L’adolescent ne se presse pas. Il rentrera à l’heure, le reste importe peu. Sa mère ne peut même plus le punir. Il a déjà tout perdu. Enfin, il pensait avoir touché le fond. Pourtant, lorsqu’il passe la porte, il ne se doute pas qu’il n’y a jamais de fond dans ce gouffre-là. Sa mère est assise à la table de la cuisine, et pèle des pommes de terre. Le jeune garçon n’a pas envie de lui parler, il veut seulement aller se coucher, maudire la Terre entière, et dormir une éternité.

“Steen, viens ici deux minutes.”

C’est un ordre. Steen obéit, et après avoir déposé son sac dans l’encadrement de la porte, il s’immobilise sans regarder en face. Juste le sol.

“Avec qui tu étais, à Lyon ?
— Personne.”

Il redoutait la question depuis que la femme blonde était au courant. Et maintenant, elle la pose. Steen déglutit difficilement. Anja sait avec qui il était, et il se doute qu’elle l’a répété à sa mère. Il n’a même pas besoin de mentir, ni de dire quoi que ce soit. Il sera en tort de toute façon.

“Qui est cette fille ? continue la mère.
— Une amie.
— Juste ?
— Oui !”

L’adolescent sent à nouveau la colère monter. Il ne doit pas céder, car il devient de plus en plus impulsif et violent. Non, il ne doit pas.

“Je ne veux plus que tu fréquentes cette fille.”

Steen ne répond pas, et va dans sa chambre. Ça ne fait que remuer le couteau dans la plaie. Il ne parle plus à May, et ne l’a jamais vraiment fréquentée, comme dit si bien sa mère. Ça ne sert plus à rien de penser à elle. Il peut très bien se débrouiller seul pour les recherches. Il fera ça demain, quand il sera calmé. En attendant, une douche chaude lui fera du bien. C’est tout ce dont il a besoin. Une douche, et la paix. Mais avant, il doit transmettre le message de Mohamed. Il le fait, presque inconsciemment.

“Mohamed demande comment tu le trouves.”

May regarde le message qui vient d’arriver, sur le petit écran dans sa main. Elle soupire.

“Il a qu’à venir le demander lui-même.”

Elle hésite encore, mais Steen a en quelque sorte fait le premier pas, alors la jeune fille a envie de se rattraper. Elle envoie rapidement un second message, pour s’excuser. Elle espère que le garçon ne lui en voudra pas trop, parce qu’elle a besoin de retrouver leur amitié. La solitude est parfois de bonne compagnie, mais l’homme est un animal sociable et personne ne peut tenir seul très longtemps.

Steen est sous la douche lorsque son gsm vibre, sur le meuble d’à côté. Il coupe l’eau, prend une serviette pour s’essuyer les mains, et regarde le message qui vient d’arriver. Presque aussitôt, un deuxième sms arrive. May. Il manque de faire tomber le téléphone dans l’eau en lisant le message d’excuses. Il voudrait lui dire qu’il lui en veut terriblement, mais la vérité, c’est qu’il n’arrive pas à lui en vouloir. Il hésite à lui envoyer un “C’est pas grave” assez froid, et il n’ose pas non plus. Finalement, il ouvre les messages et tape :

“Tu m’as manqué.”

May relit le sms en souriant. Elle ne sait pas trop quoi répondre, et finit par s’abstenir. Steen sera peut-être déçu, tant pis. Elle fait comme elle peut. La jeune fille se relève, quitte le grand parc. Elle termine le chemin à pied, ayant envie de marcher. La soirée au centre est courte par contre, car l’adolescente, fatiguée, va se coucher tôt.

Un rayon de soleil timide vient éclairer le visage endormi de May. Celle-ci ouvre ses yeux bruns et son premier réflexe est de regarder l’heure. Dix heures douze. Il est tard déjà, et l’adolescente a rendez-vous avec une psychologue à onze heures. May se lève et s’étire comme un chat, avant de s’habiller en vitesse. Elle se coiffe rapidement, jette un regard rapide dans la glace. Elle a meilleure mine que trois jours auparavant, déjà. Elle avale un rapide petit-déjeuner dans la grande salle puis se dirige vers le bureau de la psychologue. La jeune fille attend quelques secondes, puis une femme d’un certain âge ouvre la porte et lui fait signe d’entrer. May va s’asseoir au bord d’un petit canapé que lui désigne la femme et cette dernière fait de même en face d’elle.

“Alors May, ça va mieux depuis la dernière fois ? Tu te plais ici ?
— Oui, ça va.”

La jeune fille observe le bureau. ce n’est pas la première fois qu’elle y vient, mais elle préfère ça que dévisager la cinquantenaire. Elle aime bien les bibelots entassés sur les étagères, ils ajoutent un peu de couleur à la pièce austère. La discussion se poursuit, d’abord sur des sujets futiles, puis orientée vers les sentiments de May. Mais la jeune fille élude la plupart des questions, ou répond bien trop vaguement. Le travail de la psychologue étant d’écouter, celle-ci n’insiste presque pas et abrège la séance lorsqu’elle remarque que l’adolescente ne dira vraiment plus rien.

Toute la matinée, Steen a regardé son gsm, en attente d’un quelconque message. May n’a pas répondu. Il doit déjà être midi, et le jeune garçon n’a aucune envie de se lever malgré son ventre qui gargouille. Il se tourne sous les couvertures, dos à la fenêtre qui laisse passer la forte lumière du milieu de journée. Toute la journée, il ne bouge pas. Sa mère n’essaye même pas de le déranger, préférant lui laisser du calme et l’intimité dont il a besoin. Pourtant, Steen se sent un peu mieux grâce au message de la veille. Elle ne l’a pas oublié.

Steen termine de se préparer, lorsque la porte s’ouvre. Il n’est que onze heures, et la soeur aînée du jeune garçon est déjà arrivée pour le repas de famille. Comme avant. De bonne humeur, l’adolescent met la table de bonne volonté, et sourit même poliment s’il le faut. Le silence gêné se transforme bientôt en bavardages habituels. Steen se sert de la ratatouille, qu’il mange avec appétit, mais la discussion finit par tourner à May.

“Comment elle a réussi à te convaincre d’aller à Lyon celle-là ?”

Steen manque de s’étouffer avec un morceau d’aubergine. Il n’ose pas expliquer l’histoire en détails, et d’ailleurs cela ne regarde que lui. Même sa famille n’est aucunement concernée par cette histoire et ce qu’il s’est réellement passé durant les vacances de la Toussaint. Mais comment dire à sa mère que c’était lui qui avait réussi à traîner May jusqu’à Lyon, et la marraine de son amie est morte par sa faute.

“C’est pas elle !”

Steen regrette aussitôt d’avoir crié et de s’être levé de table si violemment. Il ne se contrôle plus, et Anja s’est levée elle aussi. Elle prend le bras de son frère, pour l’inciter à se rasseoir. L’adolescent respire un bon coup, et se remet sur sa chaise, les yeux baissés vers son assiette. Il est désolé pour sa mère. Il a l’impression de briser ses derniers espoirs sur la vérité.

“C’est moi qui voulais, pour Lyon.
— Mais pourquoi ? On serait parti pendant les vacances…
— Pour trouver des trucs sur papa.”

La femme blonde sort de table pour remplir une carafe d’eau. Steen remarque que le bras de sa mère tremble. Il croise le regard d’Anja. En fait, elle aussi ne doit pas se sentir bien. C’est elle qui a tout payé, et qui a permis aux deux jeunes de s’éclipser dans le dos de tout le monde ainsi. Le jeune garçon aux yeux bleus se force à terminer le contenu de son assiette, mais au lieu de quitter la table, il reste assis, immobile. Il a toujours des questions, les mêmes questions qui tournent en boucle depuis des semaines.

“Pourquoi le 17 juillet ? Que s’est-il passé ?”

Anja fixe leur mère. Elle aussi veut savoir, et c’est pour ça qu’elle a laissé Steen partir. Finalement, comme le silence commence à s’installer, le jeune garçon débarrasse son assiette et s’en va dans sa chambre. Il trouvera ce qu’il s’est réellement passé. Il n’aura qu’à chercher sur Internet, et il se souvient qu’il se dit ça depuis quelques temps déjà. Il aurait préféré être avec May pour le faire. Il voulait tout découvrir avec elle, la vérité sur leurs parents. Maintenant, c’est un peu comme s’il ne cherchait plus pour May, mais uniquement pour lui. Il tremble en prenant son gsm, sans parvenir, une fois de plus, à rechercher quoi que ce soit.

May était de corvée vaisselle ce matin, elle termine d’essuyer trois assiettes avec quatre autres jeunes. Elle fait son travail en silence, alors qu’eux discutent ensemble et rient joyeusement. Ils n’essaient pas de la joindre à leur conversation, si elle le veut elle n’a qu’à le faire elle-même. Mais ce n’est pas le but de l’adolescente qui dépose la dernière assiette dans une armoire. Elle met l’essuie à sécher et quitte la pièce. En retournant vers sa chambre, elle croise à nouveau le petit garçon de l’autre jour, une feuille à la main.

“Dis tu veux pas m’aider ? demande-t-il d’une petite voix à craquer.
— Pour quoi ?
— Des devoirs, j’comprends pas. S’teuplaît !”

May soupire, mais n’arrive pas à refuser. Elle suit Seb jusqu’à une salle commune du centre, où sont installées des tables et des coussins par terre dans un coin. Le petit grimpe sur une chaise, ses pieds désormais à dix centimètres du sol, et pose sa feuille sur le bois lisse. L’adolescente s’assied à côté de lui et regarde la feuille. Des chiffres, tout simples pour elle, sont écrits un peu de travers sur une feuille imprimée.

“Bon, tu veux que je t’explique quoi ?
— L’exercice là, celui avec des “divisés”.”

May observe la feuille et l’exercice en question. C’est d’une simplicité extrême pour elle, mais elle peut comprendre que le petit a plus de mal. Elle décide d’utiliser la méthode classique avec les petits, et de transformer l’exercice en calcul de partage. La jeune fille se lève et va chercher douze crayons dans un bac au coin d’une table. Elle les pose devant Seb, en tas.

“Voilà, tu as douze crayons. Tu dois les diviser par quatre. Fais donc quatre paquets.”

Le petit s’exécute et forme quatre tas égaux. Il relève ses yeux gris-bleu vers l’adolescente.

“Et maintenant je fais quoi ?
— Il y a combien de crayons dans tes paquets ?”

Le petit compte à voix haute les trois crayons et donne sa réponse à May. Celle-ci acquiesce.

“La voilà, ta réponse. Essaie de faire le suivant tout seul.”

Seb sourit et note la réponse sur sa feuille, avant de lire l’énoncé suivant et de le réaliser correctement. Lorsque May valide sa réponse, il sourit encore plus et termine sa feuille rapidement. Il se relève, remet la chaise à sa place.

“Tu veux voir ma chambre ?”

À nouveau, May ne se sent pas le droit de refuser, et puis il est si mignon. Le petit garçon passe alors sa main dans celle de l’adolescente et l’entraîne derrière lui, jusqu’au bout du couloir. Il lui fait visiter son petit monde, tout excité, et passe presque toute la journée avec elle. Le petit est aux anges, et l’adolescente se prend au jeu petit à petit. Et ça lui fait énormément de bien.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 18:35

Chapitre quatorze


La fin du cours de français arrive, et tous les élèves sortent en riant de la classe. Comme la dizaine de jours précédents, May ne se joint pas à eux et sort après, seule, pour aller se réfugier dans un coin de la cour, non loin de ses amies. Elle ne veut pas s’y mêler, mais ça la rassure qu’elles soient tout près. La jeune fille s’assied sur un banc et sursaute en se rendant compte qu’il est tout froid, mais reste assise. Elle met ses mains dans ses poches pour les protéger du froid et observe la cour sans vraiment la voir. Des petits de première se poursuivent en riant, des intellos stressés révisent avant leur prochaine interro, des grands de rhéto discutent de leur voyage. Au milieu de tout ça, d’autres élèves papotent simplement en essayant de ne pas avoir froid. Il faut dire que cette mi-novembre est plutôt fraîche et le soleil absent. May se serre contre le banc et ramène ses genoux contre sa poitrine. Le vent fait voleter ses cheveux et les emmêle en même temps.
Un garçon, de son âge où un peu plus âgé, arrive près de la jeune fille sans qu’elle ne le remarque.

“Alors May, t’es toute seule ?”

L’adolescente relève la tête, aperçoit un visage angulaire encadré de mèches brun foncé penché vers elle.

“Fous-moi la paix, lui crache presque la jeune fille.
— Steen t’as laissé tomber ? Je suis là moi, si tu veux…” continue-t-il d’un ton presque mielleux.

May lui tourne le dos et décide de l’ignorer. L’autre ne l’entend pas de cette oreille et se replace devant son visage, puis lui prend le bras pour qu’elle se relève.

“Allez viens, on va discuter plus loin.
— Mais lâche-moi putain !”

Dans la cour, Steen reste dans son coin. Il n’a pas reparlé à May, et au fond tout lui est égal aujourd’hui. Il vient de se payer un carton en français. Il n’a jamais eu une si mauvaise note, même pas la moyenne. Peut-être que sa mère avait raison. Peut-être qu’il a changé à tel point qu’on ne le reconnaît plus. Il se sent épuisé, moralement et physiquement. Les nerfs à fleur de peau, il ne vaut mieux pas le contrarier. Pas aujourd’hui, pas en ce moment. Lorsque  l’adolescent remarque le garçon, qui s’approche de May, il serre les poings. Qu’est-ce qu’ils ont, tous, à l’approcher ? Il n’avait jamais remarqué, avant, que son ancienne meilleure amie avait autant de prétendants.
Il tourne le dos à la jeune fille brune et l’autre garçon. Julien le fixe, sans doute depuis un moment. Steen ne l’a plus approché depuis le fameux jour où ils se sont battus. Enfin, c’est plutôt Julien qui évite l’adolescent aux cheveux noirs. Steen sait qu’un jour, ils se retrouveront pour un autre combat. En dehors de l’école, là où il n’y a aucune règle, et personne pour les en empêcher. Steen jette un coup d’oeil du côté du banc où May est assise, détournant son regard du blondinet. L’adolescente fait de grands gestes, comme si l’autre gamin l’énervait. Ce qui a l’air d’être de plus en plus le cas.
Le garçon aux yeux bleus s’avance vers les deux. Il entend les bribes de la conversation qui dure depuis quelques minutes.

“Allez, viens avec moi.
— Va te faire foutre, je t’ai dit de m’lâcher !”

Steen intervient. May reste son amie, et il ne veut laisser personne s’approcher de trop près d’elle.

“Laisse-la tranquille !
— Ah bah ton petit ami t’as pas lâchée finalement, fait-il en s’adressant à May.
— Ta gueule, tu comprends pas ça ?” hurle Steen, faisant se retourner quelques élèves.

Le poing part tout seul. Steen sent sa force décupler, comme lors de la bagarre avec Julien. Il ne connaît même pas le nom de cet élève, et pourtant ils roulent au sol en criant, et les autres enfants s’attroupent peu à peu, les encourageant. Mohamed se glisse au premier rang, près de la jeune fille aux boucles brunes, et ses cris qui couvrent tous les autres donnent un peu plus de puissance à Steen.

“Allez Steen, défonce-le !”

Steen s’immobilise au-dessus de l’autre, et le frappe au visage. Toute sa classe le supporte. Il lève les yeux et croise le regard de May. Celle-ci le regarde d’abord reconaissante, puis effrayée lorsqu’il se bat avec toute la force de ses poings. Elle n’est pas mécontente de voir l’autre élève par terre, mais a peur pour Steen. Elle ne veut pas qu’il se fasse mal, ou qu’il soit renvoyé. Juste au moment où elle a le plus besoin de lui. La jeune fille lui lance un regard presque implorant et Steen s’arrête de frapper. L’autre en profite pour se relever et, projetant Steen à terre, le rouer de coups de pieds au moment où un surveillant arrive.

“Stop !”

Les élèves se dispersent. Deux bagarres en deux semaines, et toujours Steen au milieu. Inconscient, celui-ci ne se relève pas, même lorsque le surveillant essaye de le relever. D’un ton autoritaire où pointe l’inquiétude, il crie :

“Retournez en cours maintenant !”

May observe son ami à terre, horrifiée. Elle essaie de se rapprocher tandis qu’on la tire en arrière, mais se dégage.

“Il a quoi monsieur ? demande-t-elle, inquiète.
— Je sais pas. Retourne en cours, on va s’occuper de lui.
— Je peux aller avec lui ? S’il-vous-plaît… C’est ma faute en plus.”

Des larmes commencent à couler sur les joues de la jeune fille. Décidément, tous ceux qu’elle aime ont des ennuis à cause d’elle… Et si elle portait malheur ? Mais elle ne peu ← je crois qu'il manque un t pas le laisser. c’est sa faute, elle doit au moins s’assurer que Steen va aller mieux. ← J'émets un doute sur le "va aller mieux", plutôt irait mieux, non ?

“Reste avec lui un instant, j’appelle les secours.
— Ok.”

La jeune fille s’assied sur le sol à coté de Steen, ignorant le froid, attendant que l’homme joigne l’hôpital pour faire venir une ambulance. L’éducateur revient plutôt rapidement, et ils attendent en silence la sirène qui préviendra de l’arrivée des ambulanciers.
Elle retentit quelques minutes plus tard seulement, et Steen est emmené à l’hôpital. Le véhicule jaune file à travers les rues, toutes sirènes en marche. L’adolescent tente tant bien que mal de se relever. Tout son corps lui fait mal, encore plus qu’après la première bagarre. Il tourne la tête et voit May, assise sur un siège. Il essaye de l’appeler, mais aussitôt un infirmier se poste entre elle et lui, et le sang inonde sa bouche. Il crache un peu de liquide au goût métallique, qui coule le long de sa joue. Il espère que May n’aura pas à le voir ainsi.

“On va où ? May ?
— Chut. On va à l’hôpital. Normalement, tu n’as rien de cassé, mais on va vérifier, répond un des hommes en blouse.
— May ? appelle-t-il encore.
— On va arriver. Reste calme.”

Steen n’a pas le temps d’appeler une nouvelle fois son amie que les brancardiers s’occupent à nouveau de lui, le transportant sur le lit à roulettes, pour faire des radios. Il veut se redresser, mais ne voit May nulle part. Il s’agite dans le petit lit. Un médecin vient le prendre en charge, et l’adolescent s’allonge sur le matelas, les larmes aux yeux. May l’a suivi. May est restée avec lui. C’est tout ce à quoi il parvient à penser en cet instant. Les couloirs sont longs, et mènent jusqu’à une salle de radiographie. Steen est déshabillé, puis on lui passe une chemise blanche de l’hôpital. Après un passage sur une machine étrange, il attend le diagnostic du médecin dans la chambre où on l’a amené.

“Steen, c’est ça ? Eh bien, tu n’as rien de grave. Juste une entorse à ton poignet. Maintenant, on va appeler ta mère, et peut-être que tu passeras une nuit ici.
— Non ! May ? Où est May ?
— Qui ?
— May ! La fille qui est venue avec moi.”

Le médecin ne semble pas comprendre, mais il sort de la salle, pour demander aux brancardiers qui ont amené les enfants, certainement. Seul dans la chambre, Steen ferme les yeux. Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il regarde sa main tremblante, avant de se rendre compte que son poignet est enflé, et qu’il parvient à peine à le bouger. Alors qu’il est en pleine contemplation de son bras, les pas dans le couloir indiquent qu’on revient vers lui.

May regarde son ami partir avec appréhension. Elle espère qu’il n’aura rien de grave. Juste à ce moment, elle a une furieuse envie de remonter le temps, pour effacer ses erreurs. Faire revenir sa marraine, empêcher Steen de se blesser. Par deux fois en plus ! Tout ça, c’est toujours de sa faute. Elle aurait peut-être mieux fait d’ignorer le garçon, quelques semaines auparavant, ç’aurait sans doute été mieux pour tout le monde. Mais il était trop tard désormais. Elle devait faire avec ses regrets, et cette amitié qui lui paraissait parfois trop forte. Elle avait réellement peur pour lui. Et puis, il l’avait défendue. Ce n’était pas rien.
May attend. Elle trouve ça long, cette radiographie. Ça ne dure pas aussi longtemps normalement, si ? Elle se ronge les ongles, reprenant cette vieille habitude qu’elle voudrait abandonner, en patientant anxieusement. Elle aimerait se lever, emprunter le couloir où Steen a disparu quelques minutes plus tôt et aller voir, mais elle n’en fait rien et reste assise sur sa petite chaise de plastique. L’éducateur est à côté d’elle, elle sait qu’il a appelé la mère de Steen. Elle se souvient encore d’elle, quand elle l’avait croisée à la réunion parents-profs, mais tous les commentaires de son ami lui reviennent également en mémoire. Et la mère ne la porte sûrement pas dans son cœur.
Le médecin revient, et May se lève sans même sans rendre compte. Son regard est clair, et l’homme en blouse blanche la rassure.

“Il va bien. C’est vous May ? Il vous demande”, termine-t-il lorsque la jeune fille hoche la tête.

Elle suit le médecin avec l’accord tacite de l’éducateur. L’homme en blouse blanche ouvre une porte et laisse entrer May. Steen est là, observant son poignet qui a l’air dans un sale état. L’adolescente est heureuse de le voir debout, et pas si mal en point que ça. Elle s’approche.

“Alors, t’as rien de cassé ?
— Juste une entorse, je vais bien, lui assure-t-il.
— Tant mieux. Et merci.
— Pour quoi ? fait-il, étonné, avant de se souvenir brusquement de la cause de la bagarre. Oh, c’est normal. Enfin, je veux dire, il avait pas à t’emmerder.
— Tout le monde n’aurait pas fait ce que tu as fait Je foutrais bien une virgule tu sais. Mais le principal, c’est que tu ailles bien.”

Steen s’apprête à lui parler de tout ce qui s’est passé ces derniers jours, ce condensé de trop de choses. Des événements, des émotions, tout ce qui a rendu certains moment explosifs. L’adolescent sourit à May, et il se sent mieux d’un coup. Comme si le poids de ces derniers jours était un peu parti. Pas entièrement, car il y a des problèmes qu’il ne peut pas gérer, pas pour le moment. Les mystères concernant la morts des parents, c’est encore quelque chose qui n’a pas trouvé de solution. L’éclat de voix du médecin se fait entendre, et se rapproche lentement. Steen se doute qu’il ne parle pas tout seul. Aussi, il n’est pas étonné lorsque sa mère entre dans la petite chambre.

“Steen ! Oh.”

La femme aux cheveux blonds fixe May. Elle a tout de suite fait le rapprochement, et a sans mal deviné qui est cette jeune fille qui touche presque son fils. L’expression sur son visage change d’un seul coup, passant par des rictus plus étranges les uns que les autres. Steen ferme les yeux, s’attendant au pire, et il aurait aimé prendre la main de May, partir loin, avec elle. Trouver cette vérité, parce qu’il en a marre des mensonges de sa mère. Il ne peut que fermer les yeux en priant et en rêvant de tout ce qu’il ne peut pas faire, piégé entre quatre murs d’une chambre d’hôpital aux odeurs d’antiseptiques, avec sa mère, May, et un médecin en blouse.
L’adolescente essaie de se faire petite lorsque la mère de son ami entre dans la chambre, mais elle sait qu’elle s’est déjà fait repérer. Elle tente de ne rien montrer, en voyant les expressions de la femme. Elle avait visé juste. La mère de Steen ne l’apprécie pas, mais alors pas du tout, apparemment.

“Tu es May ? fait la voix glaciale de la femme.
— Oui.
— Je te défends d’approcher Steen. Il va encore trouver une excuse comme quoi c’est de sa faute, pas la tienne, hein Steen ?”

Steen s’abstient de répondre. Il fixe tour à tour May, sa mère, le médecin. Ce dernier ne semble plus savoir où se mettre dans ce conflit qui ne le concerne absolument pas.
May a l’impression de recevoir un coup de poing en plein dans le ventre. Elle a envie de s’asseoir, d’un coup. Bien qu’elle aie prononcé ces mots d’un ton calme, la jeune fille a ressenti toute la colère et la haine que la femme ressent à son égard. Elle cherche le regard de Steen, un quelconque soutien, essaie de se rattraper à quelque chose de tangible. La femme blonde cherche déjà à partir, May le voit, mais ne dis rien. Ça ne sert à rien.

“Laisse-la en dehors de tout ça ! Je n’ai pas à répondre à des questions stupides ! crache l’adolescent.
— On rentre. Au revoir May, au revoir docteur.”

Steen se fait prendre par sa main douloureuse. Il est obligé de suivre sa mère et lance un dernier regard désolé à son amie. Ils s’enverront des sms, ils continueront à se voir. Ils le savent tous les deux, et May se raccroche à cet espoir. Elle se laisse tomber sur le sol, oubliant toute dignité, oubliant tout ce qui l’entoure. Le médecin la regarde d’un air peiné, mais ne dit rien. Il est radiologue, pas psychologue. Les peines de cœur, il ne connaît pas. Ce n’est pas son domaine, sa spécialité, et ce n’est sans doute pas pour rien. Il ne peut que rester là, idiot, immobile, inutile.

Steen monte dans la voiture de sa mère. Il n’est pas très fier de s’être battu, mais au moins il a pu protéger May des insultes de l’autre gamin. Mais cette fois-ci, il ne va pas échapper à la punition. L’école a été déjà sympa en le reprenant une première fois sans rien dire, il n’y aura pas de deuxième fois.

“L’école a appelé, et tu es viré une semaine. Et si jamais tu fais encore un seul pas de travers, c’est le renvoi définitif.
— D’accord.”

Il voudrait pouvoir dire qu’il est désolé, mais encore faudrait-il que ce soit le cas. Il se tait simplement en attendant de se retrouver chez lui pour pleurer et parler à May. Il sait qu’il lui faudra ruser. Il ne pourra pas garder son gsm près de lui, pas avec sa mère. D’un côté, le ton glacial que prend la femme l’agace au plus haut point, mais de l’autre, cela le peine. Il a déçu sa mère par son comportement, mais il n’arrive pas à faire autrement. Il ne veut pas arrêter de voir son amie. Une fois à la maison, il ignore sa mère et pars dans sa chambre, qui est presque devenu son unique lieu de vie. Pendant une semaine, il sait qu’il n’en bougera que très peu. Il n’a pas envie de voir du monde, ni médecins, ni famille. Seulement May, et l’ami mystérieux qui a fait graver les tombes.

Dans sa petite chambre d’orpheline sans famille, May ressasse la journée. C’est trop d’un coup. Elle vient à peine de retrouver Steen, en quelque sorte, et déjà sa mère l’éloigne. Elle sait que c’est risqué maintenant, mais elle a besoin de lui parler. L’adolescente sort son gsm de sa poche et écrit à son ami :

“Merci de m’avoir défendue. On se revoit quand ? L’école à dit quoi ?”

Puis elle prend une douche, laisse s’écouler tous ses soucis avec l’eau chaude. Elle aimerait que ce soit aussi simple. Mais bien sûr, c’est impossible. Comme si sa vie était une succession d’épreuves. Elle repense à ses parents aussi, aux phrases des tombes. Ne pas perdre espoir et laisser l’orage passer… Il y a des moments où l’espoir est difficile à trouver, mais May sait qu’avec Steen à ses côtés, même si leurs actions sont limitées, ça ira mieux. Elle lui fait à nouveau confiance, et elle a envie de repartir à la recherche de la vérité. Même si c’est interdit.

Steen lit le sms de son amie. Leurs liens sont retrouvés, enfin. Il croyait que ça n’arriverait plus. Dans le noir, sous sa couverture, il annonce la vérité à May en un message.

“C’est normal ^^ Je suis viré une semaine, mais on pourrait quand même se voir ?”

Il ne sait pas si c’est une bonne idée. Le passé lui a prouvé qu’il n’avait pas de très bonnes idées. Notamment lorsqu’il s’agit de partir pour Lyon dans le dos de tout le monde. Ou de se battre, plusieurs fois en une semaine. Il n’a pas encore bien digéré la mort de la marraine de May, et parfois le poids de la culpabilité l'accable. Il reste assis sur son lit dans l’obscurité, tripotant le téléphone. Les médicaments qu’il a pris un peu plus tôt ont fait leur effet, et il se sent revigoré. Une nouvelle vibration.

“Oui, bien sûr ;)”

Elle a accepté. Cela redonne du baume au cœur de l’adolescent, qui enchanté, se hâte de répondre une nouvelle fois.

“Quand, et où ?”

“Je m’arrangerai du moment que c’est pas pendant les cours, t’es plus surveillé que moi.”

Steen hoche la tête, bien que ce soit totalement inutile. Ils verront quand ils pourront, mais le jeune garçon a déjà des petites idées qui commencent à germer dans son esprit. Il propose, au hasard, un jour de la semaine moins chargé.

“Mercredi ? On trouvera comment s’éclipser.”

Il espère trouver une solution avant mercredi, car pour l’instant, il se sent un peu pris dans un étau. Sa mère ne va pas le lâcher, hormis les moments où il est enfermé dans sa chambre, au troisième étage d’un immeuble. Il devra ruser, mais ce ne serait pas la première fois. La confiance est revenue.

“Ça me va. À mercredi !”

Comme le sommeil se fait sentir, Steen met son gsm sous son oreiller, pas si mécontent de sa journée. Tout a un prix, il le sait. Et s’il ne s’était pas battu aujourd’hui, s’il n’avait pas été viré, aurait-il retrouvé sa complicité avec May ?
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 5 Juin - 18:35

Chapitre quinze

Steen apprécie cette semaine de vacances improvisée. Sa mère l’a laissé dormir et est de sortie en ce mardi matin, l’enfermant à l’intérieur de l’appartement. Sans doute pour qu’il ne fugue pas, une fois de plus. Steen a convenu un rendez-vous avec May mercredi, et aujourd’hui il profitera de sa journée pour se reposer un peu. L’adolescent enlève les bandages autour de son poignet en grimaçant sous la douleur. Il prend un tube de gel homéopathique prescrit pour son poignet, et tente de se remémorer les scènes de la bagarre. Il aurait pu le tuer, de ses mains. Il se sentait tellement… Invulnérable.
Le regard de May, ce jour-là, reste gravé dans son esprit. Et ce regard le hante, ce regard où se mêlaient des émotions intenses que Steen n’avait jamais vues. L’adolescent croise ses yeux bleus dans le miroir. Son expression a changé. Il ne se reconnaît presque plus. Ses yeux brillent d’un éclat glacial, sa bouche semble figée, incapable de faire le moindre sourire. Il détache son regard de son image dans le miroir pour rejoindre la cuisine. Il se sert des biscuits et un verre de lait, lorsque tout à coup il se rappelle le jour où May et lui avaient fouillé à la recherche d’indices. Il devait parler à son amie de l’ami ← petite répétition qui a fait graver les tombes, mais il n’en a pas eu le temps. Et puis, elle n’a peut-être pas très envie de remettre ça sur le tapis, pas si tôt après la mort de sa marraine.
Steen se lève de sa chaise. Il a déjà fouillé le salon, mais il reste encore la chambre de sa mère. La porte grince tandis que Steen entre sur la pointe des pieds, retenant son souffle comme si quelqu’un pouvait l’entendre ou sortir de derrière un placard. Il n’y a personne, et le lit est fait, tout semble bien rangé. L’adolescent doit veiller à ne rien toucher, et à se dépêcher. Il ouvre le premier tiroir de la commode, et regarde à l’intérieur. Des papiers. Il y en a de partout, des papiers, et la plupart ne sont d’aucun intérêt dans l’enquête que mène les deux amis. Il cherche les documents sur l’enterrement, les trucs formels sur la mort de son père.
Il prend un tas de papiers, et les replace un à un dans le tiroir. Aucun ne peut l’avancer dans l’enquête. Il ouvre le deuxième pour faire la même chose et sort d’autres feuilles imprimées. Au milieu, se trouve une photo de lui et son père. Juste tous ← Alors là, je ne suis absolument pas sûre, mais il me semble que dans ce cas faut dire "tout". Après à vérifier, cette règle je la connais mal les deux. Steen doit avoir deux ou trois ans sur la photo. Il est assis sur l’épaule de Klaas qui le tient. Des souvenirs, mais pas de quoi faire avancer ses recherches. Dans le troisième tiroir, le jeune garçon tombe sur une lettre. Adressée à sa mère, la feuille est blanche et lisse et la calligraphie soignée.

Madame Van Doorn,
Je voulais, pour commencer, vous exprimer mes sincères condoléances. C’est un tragique accident que voilà, et malgré les rumeurs qui circulent, je reste persuadé qu’il ne s’agissait que d’une défaillance technique. Je partage pleinement votre peine et votre douleur, et il nous manquera à tous.
L’enterrement aura lieu le 23 juillet. J’ai pris la liberté de faire graver la tombe, afin de lui rendre un dernier hommage qu’il méritait. J’espère que mes initiatives ne vous dérangent pas.
Restez forte, pour vos enfants. Les temps sont difficiles, mais il ne faut pas perdre espoir.
Embrassez vos enfants de ma part. En espérant vous revoir en d’autres circonstances,
Maxime Buyle.

Steen prend la lettre et replace le reste dans la commode. Il n’a plus le temps de chercher, pas maintenant. Il reprendra plus tard. Le jeune garçon inspire une longue goulée d’air une fois dans sa chambre, à l’abri de tout regard indiscret. Il lit plusieurs fois le nom, écrit en attaché tout en bas de la feuille. Il doit trouver dans l’annuaire, et lui rendre une petite visite. Peut-être que May pourra l’accompagner. De toute façon, mercredi, ils discuteront de ce qu’ils doivent faire maintenant. Il a besoin de savoir si la jeune fille veut encore trouver la vérité, ou si c’est encore trop tôt. Steen plie le papier et va le ranger dans une pochette au moment même où une clé glisse dans la serrure. Sa mère est rentrée. Elle entre dans la chambre de l’adolescent.

“Ah, t’es enfin debout ? Donne-moi ton gsm pendant que j’y pense.
— Euh je sais pas où il est.
— Tu l’as perdu ou tu me mens ?”

Steen relève les yeux du cahier qu’il a attrapé pour faire croire à sa mère qu’il était en train de travailler.

“Je crois que je l’ai laissé dans la cour, à l’école.”

La femme hausse les épaules et referme la porte derrière elle, laissant Steen à nouveau seul.

May est à nouveau distraite en cours. Elle a hâte de revoir Steen, rire et s’amuser avec lui comme avant. À côté de ça, elle trouve le cours complètement inintéressant. Elle a hâte Répétition que la cloche sonne, mais en même temps elle a un manque un "peu", non ? peur. Steen n’est pas là pour la protéger. Elle a des poings et des pieds, mais ne s’en est jamais servis de cette façon. Parfois elle aimerait en être capable comme son ami, d’autres fois elle est heureuse de ne pas tomber dans cette violence. Souvent cela n’apporte que des ennuis, il suffit de voir la situation où le garçon brun s’est encore empêtré. Malgré tout, même si ses actes ne sont pas forcément acceptables, elle lui en est reconnaissante.
May sort, s’assoit pas loin de ses amies, les observant. Elle ne se sent pas encore capable de les rejoindre, mais sourit en retour à ceux d’Aisha lorsque celle-ci se retourne vers elle. Et heureusement, elle reste seule et tranquille cette fois. Les cours s’enchaînent, comme d’habitude, les profs se suivent sans évènement majeur. May reprend le bus pour rentrer au centre, où elle ne croise pas le petit Seb. Elle essaie de travailler un peu, sans grande motivation, et ne peut résister à l’envie de demander des nouvelles à Steen.

“Coucou, ça a été ta journée de repos ? :p”

Steen sourit inconsciemment lorsqu’il voit un message de son amie. Demain, il devra s’éclipser. Il est prêt à tout pour la revoir. Il écrit sur le clavier tactile de son gsm avant d’envoyer.

“Ça va ! Et toi ? Toujours ok pour demain ?”

Steen se demande à quelle heure ils pourront. Sa mère a fait des courses aujourd’hui, alors demain, elle sera là toute la journée. ← Elle bosse pas la mère ?

“Bah oui bien sûr, quelle question !”

“À quelle heure ? Tu penses pouvoir te tirer le soir ? Et où ?”

“Euh, 17h ? Comme ça j’ai le temps de rentrer pour être à l’heure pour le souper, sauf si tu veux plus tard. Et au Parc du Cinquantenaire il y a plein de gens ça pourrait être utile au cas où non ?”

L’adolescent ne sait pas quand il pourra s’enfuir de la maison. Il fera en sorte de se plier aux heures de May, qui n’a pas trop le choix non plus dans le centre.

“Je ferai en sorte. Je te dis si y a un problème. Parc du Cinquantenaire, ça me va !”

May note l’information dans sa tête, puis essaie d’y ajouter des mots de vocabulaire néerlandais. Cela rentre difficilement, mais un peu quand même. Certaines sonorités la font rire, mais en général elle n’aime pas trop cette langue. Elle préfère les romanes, plus chaudes, et plus proches de la sienne. La jeune fille termine l’étude de sa liste, puis lit deux chapitres du roman qu’elle doit lire pour l’école également. Dès qu’elle repose l’ouvrage, malgré l’heure encore plutôt peu avancée, elle se couche et s’endort.

La journée du mercredi paraît plus longue que jamais. Steen reste dans sa chambre. Il n’a que quelques livres, et ses cours, pour passer le temps. Il prend son livre de maths, une feuille, et s’avance dans ses devoirs. Enfin, il se doute que les autres qui sont en cours sont en train de faire ces mêmes exercices. Il ne doit pas se ramollir, et préfère reprendre les bonnes habitudes tout de suite pour ne pas avoir à rattraper les cours. Après quelques exercices sur des résolutions d’équations relativement simples, l’adolescent regarde l’heure. Une heure de l’après-midi. Il soupire, le temps passe vraiment trop lentement, et il n’a pas très faim. Il prend un livre, alors qu’il n’a pas encore terminé le précédent. Il se plonge dans l’histoire, pendant plusieurs heures, pour faire passer le temps.
Quinze heures trente. Il doit trouver un moyen de partir dès maintenant, avec un plan B. Il faut toujours avoir un plan B, pour au cas où. Ça lui laissera le temps de trouver comment échapper à la surveillance de sa mère. Il ferme les rideaux, glisse des vêtements sous les draps pour faire croire qu’il est couché. Dès que sa mère partira aux toilettes, ou dans sa chambre, n’importe où tant que ça ne donne pas sur la porte d’entrée, il ira dehors. Le cœur battant, le jeune garçon prend sur lui la lettre de Maxime, et son gsm. Il doit montrer ça à May. Et maintenant, il attend le bon moment.

“Je pars dès que je peux.” envoie-t-il à May.

Il est seize heures et quart lorsque sa mère se lève du fauteuil pour aller dans sa chambre, laissant une voie libre. Pour combien de temps ? Elle ne reste pas longtemps dans la chambre. Seulement pour y dormir. Steen rejoint le salon, attrape le trousseau de clés qu’il serre dans sa main droite. Il jette un coup d’œil rapide dans le couloir. La porte de la chambre parentale est fermée. Très bien. Steen se faufile dehors le plus discrètement possible, la peur au ventre.
Il est dehors. En fait, rien n’est très compliqué. Il descend les escaliers rapidement et se retrouve dans la rue. Les passants ne font pas attention à lui, les voitures passent, tout est normal. À l’intérieur de l’appartement, il semblait presque à Steen que le temps s’écoulait différemment. L’air frais remplit ses poumons. Il n’est pas sorti la veille, alors cela lui fait du bien. Il prend la route du Parc, marchant d’un bon pas, même s’il sait qu’il ne sera pas en retard. Il préfère ne pas rester sous les fenêtres de l’appartement.

May regarde l’heure sur son gsm. Il est temps de sortir du centre si elle veut arriver à l’heure au rendez-vous fixé avec Steen sans courir. Elle parcourt le petit couloir en saluant de la tête les autres jeunes qu’elle croise, et passe la grande porte de l’orphelinat. Le chemin jusqu’au parc n’est pas très long donc la jeune fille aperçoit bientôt les premières touches de verdure. Un peu de feuillage et de nature dans tout ce gris bétonné, ça fait du bien. Ça change aussi. May arrive devant les grilles entourant le parc à la hauteur des Musées Royaux d’Arts et d’Histoire et se rend compte qu’ils ne se sont pas prévenus de l’entrée par laquelle ils arriveraient. L’adolescente se doute que Steen est plus proche du rond-point Schuman, mais décide d’envoyer un sms pour en être sûre.

“Je suis tout près, t’es à quelle entrée ?”

Steen garde la main sur son gsm, pour au cas où. Et May lui envoie un message, auquel il répond rapidement.

“Vers le rond-point.”

Il n’a pas à attendre très longtemps, puisque May arrive déjà, à peine cinq minutes après son message. Frissonnant, il la rejoint en trottinant, regrettant amèrement de ne pas avoir pensé à mettre une veste plus chaude, lorsqu’il remarque que son amie porte une veste pour la saison. ← répétition sur veste + euh... en faite j'ai mis trente ans à comprendre le sens de la phrase /out/. Je suis peut être un peu conne, mais faudrait reformuler tout àa

“Salut ! lance l’adolescent.
— Salut, comment tu vas ?
— Mieux que lundi dernier. Et toi ?
— Ça va.” termine May avec un petit sourire.

La jeune fille entre dans le parc, suivie par son ami. Comme elle l’avait prévu, il y a pas mal de monde, des petits garçons qui jouent au foot sur les pelouses avec des poteaux improvisés, ou même sans, des joggeurs, des mamans poussant un landau ou une poussette. Des chiens se baladent au bout d’une laisse et May repense un instant à son cher labrador. Mais elle chasse rapidement cette image de son esprit. Le vent fait virevolter les feuilles mortes et ses cheveux bruns par la même occasion, la jeune fille marche silencieusement, écoutant tous les sons qui l’entourent et celui de ses pas associés à ceux de son ami.
Steen, nerveux, sent la lettre dans sa poche se froisser à chaque pas. Il doit la montrer à May, mais ne sait pas si c’est le bon moment. Après tout, elle lui dira, si elle ne veut pas parler de la mort de ses parents maintenant. Il finit par se lancer, et s’arrête quelques secondes, le temps de sortir la feuille. May se retourne, le fixe et revient vers lui.

“Tu veux voir ce que j’ai trouvé ?
— Montre ?”

Steen tend la lettre à May, et attend qu’elle la lise. Il lui laisse le temps de regarder la date du tampon, au vingt juillet de l’année tragique 2006, de lire ce nom, Maxime, parfait inconnu. L’adolescent aux cheveux noirs a croisé ses bras pour se tenir un peu plus chaud avec le vent glacial qui souffle. Il piétine sur place, attendant que May termine d’analyser la lettre. L’adolescente parcourt les lignes manuscrites des yeux, et relit trois fois le nom en signature. Elle relève la tête, elle aussi convaincue que cette lettre est un formidable indice sans doute en rapport avec leurs trois parents. Peut-être que cet homme connaissait les siens aussi. Et il reste encore cet “accident” à élucider. Que s’est-il donc passé le 17 juillet 2006 ?

“Tu sais qui c’est, ce Maxime ?
— Non, mais on devrait pouvoir le trouver sur un annuaire. Et lui rendre une petite visite, enfin tant que c’est pas trop loin.”

Les souvenirs sont encore trop frais pour Steen qui se tait subitement. Repartir ainsi, ce n’est pas une excellente idée… L’adolescent aux cheveux sombres s’arrête de piétiner, fronce les sourcils. Il tente de se souvenir de quelque chose. Maxime. Ce prénom lui dit quelque chose, mais il y a beaucoup de Maxime. Ce doit être un ami de son père, sinon quoi d’autre ? Il a même dû rencontrer Anja et Steen. Et leur mère. Peut-être qu’il était un collègue de travail, et qu’il est au courant de toute l’histoire. L’accident, cela ne dit rien à Steen, et pourtant il réfléchit chaque jour, pour trouver dans sa mémoire. Mais après tout, personne ne lui a peut-être dit. Des mystères, tout simplement. Des secrets. Steen déteste ça.

“Enfin ça va être chaud maintenant qu’on est surveillé.
— Peut-être qu’on aura de la chance et qu’il habite à Bruxelles. On se débrouillera non ?”

Malgré son apparence assurée, May nourrit les mêmes doutes et la même peur que son ami. Leur dernière expédition s’est clôturée par une catastrophe, et la jeune fille redoute qu’il arrive quelque chose à Steen. Elle-même n’a plus rien à perdre, excepté l’amitié du garçon, mais lui si. Mais la jeune fille imagine qu’il doit avoir envie de résoudre enfin cette affaire, tout comme elle. Malgré les risques.

“Enfin, si on est prêt à retenter l’expérience…”

Steen hoche la tête laconiquement. Il est prêt, même s’il a peur. Ils doivent résoudre ce mystère, les secrets, tout ça.

“S’il habite à Bruxelles, alors on ira. Je pense être prêt. Et toi ?
— Ça ira… Je crois.
— Oui. On reste ensemble, tout ira bien.”

Les deux jeunes continuent à marcher dans les allées, discutant de tout et de rien, sans aborder à nouveau ce sujet un peu sensible. Ils s’assoient un moment sur une pelouse, vérifiant auparavant qu’elle ne contient pas de crotte de chien. May se sent bien là, en sa compagnie, sans les idiots qui leur servent de camarades de classe, ni la mère du garçon. La discussion parvient à sa nouvelle résidence, Steen voulant savoir à quoi ça ressemble.

“C’est un centre qui accueille des orphelins de huit à dix-huit ans, comme ils disent. C’est un peu comme un grand internat sauf qu’on vit là tout le temps, je dirais.
— Et du coup, ils ont fait quoi de ton chien ?”

Steen se rappelle que May lui en a parlé. Souvent, même. Il avait l’impression qu’elle adorait ce chien, mais se doute qu’un animal ne serait pas autorisé à l’intérieur d’un centre pour enfants orphelins.

“Il est parti dans un chenil…”

La jeune fille en est triste, mais elle ne pouvait malheureusement pas l’emmener avec elle. Les chiens ne sont pas acceptés au centre, comme tout autre animal de compagnie d’ailleurs. Si elle avait pu, elle l’aurait gardé bien sûr, mais la situation a fait que… La jeune fille détourne le regard quelques secondes, le temps que les larmes qui arrivaient sèchent. ← Un peu lourd comme formulaiteion... (bien sûr Mielou. formulaiterion. Un bon mot) je veux dire formulation
Steen se sent mal pour son amie. Il sait qu’elle l’aimait, même plus que d’autres êtres humains. Il se tait, ne voulant pas raviver la douleur et les mauvais souvenirs. Ils restent assis, heureux d’être à nouveau ensemble, tout simplement. Steen ne pense plus à rien d’autre, à sa mère, sa sœur, qui lui en veulent pour ses conneries, à l’école d’où il a été viré jusqu’à la semaine prochaine. Steen pose sa main sur le sol, et effleure celle de May. Il la décale en rougissant légèrement, mais la nuit le dissimule.

Soudain May regarde l’heure, et se rend compte qu’ils discutent depuis plus d’une heure et demie déjà. Le temps est passé étrangement vite. Elle n’a pas envie de rentrer, et pourtant il le faut. Surtout si elle veut pouvoir s’éclipser encore aussi facilement, elle le sait. La jeune fille se résigne, se retourne vers Steen et se lève.

“Il faut que j’y aille, désolée.
— On se revoit bientôt alors ?
— Oui,” promet-elle.

Steen regarde May s’éloigner. Il doit se dépêcher de rentrer. Ou peut-être qu’il devrait attendre la nuit. Sa mère sera couchée, c’est plus prudent d’attendre. D’ailleurs la nuit commence déjà à tomber. En novembre, la nuit tombe tôt, c’est un fait. Steen se promène encore un peu, flânant pour faire passer le temps et oublier qu’il a froid. Il devra chercher l’adresse de Maxime ← Ici, le "de Maxime", ça fait "je le connais". Peut être " de ce Maxime" sonnerait mieux, et sans doute aller le voir. C’est leur seule chance d’avancer un peu dans leur enquête qui piétine sérieusement depuis un certain temps. Les deux jeunes veulent reprendre les recherches. Steen ne peut pas continuer ainsi à faire comme si tout était normal.
L’adolescent prend lentement le chemin de l’appartement, dans les rues sombres de la ville. Il marche silencieusement, se demandant comment ils en sont arrivés là, et bientôt il atteint l’immeuble. Il n’est pas assez tard pour que sa mère soit couchée, aussi il va s’asseoir à l’angle de la rue d’à côté. Il desserre un peu le bandage autour de son poignet blessé, et soupire en attendant que l’heure passe. Il se résout à prendre son gsm et active la 3G pour chercher le nom dans l’annuaire électronique.

Buyle Maxime
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 6 Juin - 18:19

Chapitre seize

Un numéro de téléphone, et une adresse s’affichent sur le petit écran. Ce n’est pas si compliqué finalement. Maxime habiterait à Bruxelles, si on en croit l’annuaire. C’est faisable. Steen se dit que May et lui pourraient lui rendre une petite visite, un soir. Il lit l’adresse plusieurs fois, et même si ce n’est pas leur quartier, ce sera toujours moins loin que Lyon. L’adolescent envoie un message à son amie, sans vraiment savoir si elle va pouvoir répondre tout de suite. Peut-être qu’ils ne laissent pas les téléphones aux enfants dans les chambres, la nuit.

“J’ai trouvé ! Et il habite Bruxelles.”

Comme l’appareil électronique indique vingt-deux heures, et que le vent le transperce, Steen se résout à rentrer chez lui. Il pousse la première porte donnant l’accès au couloir et à l’ascenseur. Les lumières s’allument dès qu’il a franchi la porte. Ce ne sont que quelques ampoules nues accrochées au plafond, diffusant une lumière pâle et blafarde qui projette des ombres sur les murs. Steen gravit les trois étages qui le séparent de la porte de l’appartement, et essoufflé, il s’arrête devant et prend le trousseau de clés. Il serre les porte-clés dans sa paume pour qu’ils ne s’entrechoquent pas, et lentement, retenant sa respiration, la porte s’ouvre sans un bruit.
Il la referme derrière lui, et constate avec soulagement que sa mère n’est pas là pour l’attendre. Il a réussi sa petite escapade et est affamé ← c'est pas faux grammaticalement parlant, mais... ça sonne vraiment mal, mais au moins, personne n’a remarqué son absence. Dans la cuisine, il y a encore des couverts sales dans l’évier, et un morceau de pain traîne sur la table. Steen ouvre le frigo, sort une tranche de jambon qu’il mange assis sur une chaise. Il termine de l’avaler avant de rentrer dans sa chambre, où tout semble en ordre. Les vêtements qu’il a mis en tas sous la couverture sont toujours là, à la place où il les avait laissés en partant. Sa mère n’est pas venue dans la chambre.
Steen se déshabille pour passer un pyjama, avant de se glisser dans son lit qui lui paraît bien chaud. Il rangera les vêtements demain. Il a le temps de toute façon.
Le lendemain, comme il se lève tard, il se rend compte que May doit déjà être en cours. Il regarde son gsm et lit le message envoyé le matin même par la jeune fille.

“Tant mieux, je crois pas que je serais retournée à l’étranger. On ira alors. Bonne nuit !”

May est effectivement déjà en cours, assise à côté d’Aisha. Son professeur d’histoire évoque l’Antiquité Romaine, mais la jeune fille préfère réfléchir au présent et au passé très proche. Cela la préoccupe et l’intéresse bien plus que ces hommes morts il y a de cela plus de deux mille ans. Elle espère pouvoir revoir bientôt Steen pour pouvoir discuter de leur petite visite à ce Maxime. Vu que demain ils ont congé, elle ne devrait pas éprouver trop de difficulté à le rejoindre quelque part. Il faut dire que le centre n’est pas très contraignant en matière de sortie. Elle sait se débrouiller, et si elle rentre aux heures demandées, il n’y a pas de problème pour eux. C’est un avantage dont son ami ne bénéficie pas malheureusement.

“May ! L’étude de l’Histoire n’est pas inintéressante tu sais, au contraire elle peut nous apprendre beaucoup sur le présent. J’aimerais donc que tu t’y intéresses un peu plus s’il-te-plaît.
— Oui monsieur, désolée,” répond la jeune fille en rougissant légèrement.

Elle fait semblant d’écouter tandis qu’il reprend, mais laisse toujours ses pensées focalisées sur la même chose. La seule qui lui importe.
Son temps de récréation est à nouveau perturbé par le grand gars aux cheveux noirs de lundi. May se crispe en entendant sa voix.

“Alors May, toujours seule ?”

Il ricane en s’approchant de la jeune fille aux boucles brunes. Celle-ci relève la tête sur le visage tuméfié du garçon. Des traces de bleu attestent encore de la bagarre du lundi, mais ne voyant pas Steen, il a dû se sentir assez en sécurité pour revenir. May se lève brusquement et se décale vers ses amies. Elle sait désormais qu’elle ne doit pas rester seule dans cette situation. Le gars s’approche et essaie de l’empêcher de partir.

“Dégage gros con.
— Attends, tu m’as dit quoi là ?”

La jeune fille s’apprête à répéter ses paroles, mais une silhouette s’approche par-derrière l’adolescent et le tire par le bras.

“T’approche pas d’elle.”

Le garçon au cheveux noir, surpris, veut résister mais comprend rapidement que ça ne sert à rien. Il ne tient pas non plus à recevoir de nouveaux coups sur les séquelles des anciens, et il s’éloigne. May détaille celui qui l’a fait s’éloigner et reconnaît Mohamed. Elle le remercie timidement.

“De rien.”

May voit apparaître un véritable sourire sur le visage du garçon, pour la première fois. La sonnerie les interrompt soudain, et tous deux retournent en cours.

Steen mange ses pâtes bolognaise rapidement. La faim est revenue, et la communication avec sa mère également. D’ailleurs la femme semble être de meilleure humeur aujourd’hui. Elle ne sait pas que Steen prévoit encore de se tirer en cachette pour rejoindre May, prochainement. Ils doivent encore discuter de tout et de rien, et pas forcément de la mort de leurs parents. Les sms ne suffisent pas, et Steen préfère lui parler en face à face.

“Steen, j’ai un rendez-vous chez le médecin samedi. Tu restes seul ici ?
— Ouais. Laisse, je vais faire la vaisselle.”

Sa seule envie, c’est de repartir de chez lui pour revoir son amie. Sans trop savoir pourquoi, il pense de plus en plus à elle, et le visage de la jeune fille l’obsède jusqu’à le suivre dans ses rêves. Steen lave les assiettes rapidement pour être libre ensuite. May a dû lui envoyer des messages, mais l’adolescent ne doit surtout pas montrer son gsm à sa mère qui croit toujours qu’il est perdu. Steen retourne dans sa chambre après la vaisselle, et prend son gsm pour informer May.

“Ma mère va chez le médecin samedi, je sais pas si on peut se voir ?”

Il faut absolument qu’il récupère les clés. Et puis, peut-être qu’ils n’auront pas besoin de se déplacer pour parler à Maxime, puisqu’ils ont son numéro de téléphone. Steen se rend compte qu’il ne veut pas voir May uniquement pour trouver des réponses, mais aussi et surtout, simplement, pour la voir, pour discuter de n’importe quoi et rire aux éclats sans savoir pourquoi. Il prend la lettre posée sur son bureau, la relit rapidement, et se dit qu’il ferait mieux de la ranger avant que sa mère ne tombe dessus. Mais quelque chose le pousse à ressortir sans cesse la lettre, simplement pour relire quelques phrases ou l’avoir dans les mains. Il a l’impression que cette feuille le rapproche un peu de son père et de la vérité.

“Oui, où et quand tu veux ?” ← Piti problème dans cette phrase ? Elle a pas la synthase d'une question en tout cas...

May repose le téléphone en regrettant de ne pouvoir déjà revoir Steen le lendemain. Une journée de congé à occuper seule, ce sera long. Elle se demande combien de temps ils vont devoir se cacher pour réussir à se parler, combien de temps son ami devra-t-il s’échapper lorsqu’il voudra sortir. Cette situation ne peut tout de même pas durer éternellement.

Steen ne sait même pas quand sa mère ira chez le médecin. Normalement, elle a rendez-vous vers quatorze heure trente, comme à chaque fois. Mais il devra ruser pour réussir à s’enfuir. Il a vraiment envie de revoir May, et il commence même à regretter de s’être fait virer. Il ne peut plus l’observer pendant les cours

“Vers 15h ? Un café près du parc ?”

Steen réfléchit quelques instants ; il y a des cafés un peu partout, et c’est un bon endroit pour ne pas se faire remarquer. Au moins, leurs camarades de classe n’auront pas l’idée d’aller dans un café un samedi après-midi, et ils ne risquent pas de croiser sa mère. Et puis ils n’auront pas beaucoup de temps, Steen doit rentrer avant sa mère. Cela fait beaucoup de contraintes, beaucoup de problèmes à résoudre.

“Ok on se retrouve où ?”

“Comme la dernière fois ?”

La dernière fois s’était plutôt bien passée. Il a réussi à rentrer sans problème, mais chaque fois qu’il voudra sortir, il risquera de se faire prendre. Sa mère n’est pas stupide, et elle finira par s’en rendre compte un jour ou l’autre. L’adolescent redoute ce moment plus que tout, mais il refuse d’arrêter maintenant.

“Ça me va. Tu vas faire quoi demain toi ?”

En envoyant son message, la jeune fille soupire. Elle n’a rien à faire elle. Ce sera probablement une journée ennuyeuse à mourir où le temps s’écoulera bien trop lentement. Le centre n’est pas vraiment équipé pour les loisirs, et à part le petit Seb, May n’y connaît personne. Elle n’est même pas sûre de vouloir nouer des liens avec ces autres jeunes. Après les derniers évènements, ce n’est peut-être pas vraiment une bonne idée. Elle ne veut pas risquer de faire du mal à quelqu’un d’autre. Et puis, il faut bien l’avouer, l’adolescente joyeuse, sociable, au contact facile n’existe plus. Il reste à voir si c’est un bon ou un mauvais changement.

“Sûrement rien… Et toi ?”

“M’ennuyer ?” répond la jeune fille.

Steen soupire. Si seulement ils pouvaient se voir demain, puis samedi, puis… Non, ils ne peuvent pas. Il doit arrêter d’y penser. Mais chaque seconde où il ne parle pas avec May, il a l’impression de gâcher son temps. Pourtant ils ne se voient que rarement. C’est bien trop peu pour le jeune garçon, qui va sans doute passer son vendredi à s’ennuyer de son côté. Au moins, il pourra discuter par sms avec son amie. Enfin si sa mère n’a pas prévu de le sortir dans des endroits où il n’a aucune envie d’aller.
Les deux enfants parlent encore longuement, pour retarder le moment du coucher. Steen, seul dans sa chambre, pense toujours à la jeune fille. Parfois, il s’imagine lui tenir la main alors qu’ils courent pour aller on ne sait où ; d’autres fois il sent seulement sa présence rassurante auprès de lui, alors qu’ils découvrent la vérité sur leurs parents. May finit par aller se coucher, laissant Steen seul, éveillé, qui n’a pas vraiment sommeil après sa journée où il n’a rien fait.
L’adolescent va s’accouder au rebord de la fenêtre. Les étoiles sont invisibles dans le ciel nuageux du début du mois de novembre. C’est dommage, Steen aime bien contempler les étoiles. Ça l’apaise. Il va sans doute pleuvoir cette nuit, car l’air glacial qui souffle est chargé de cette humidité d’avant les averses. Lorsque ses mains, qui pendent dans le vide, s’engourdissent, il se décide à aller se coucher. Mais son sommeil est agité, et malgré la fraîcheur de la nuit, Steen transpire, se tourne et se retourne dans son lit, perturbé par ce qu’il éprouve.

May se réveille doucement. Elle émerge du sommeil avec difficulté, reprend pied dans la réalité après quelques minutes. À travers les rideaux de sa petite chambre percent quelques lueurs très timides. Il fait encore fort sombre, mais les jours sont de plus en plus courts. La jeune fille se lève et s’habille rapidement. Elle déverrouille ensuite son gsm, et lit le nouveau message de Steen. Elle sourit de manière assez ridicule, sans s’en rendre compte. Steen… Ce nom commence à lui tourner sans cesse dans la tête, en boucle. Après ce qu’ils ont vécu à Lyon, et puis les autres épreuves qu’ils ont surmontées ensemble, leurs petits rendez-vous en cachette… Ce n’est plus comme avant. May regarde le garçon différemment. Elle a l’impression de manquer d’air lorsqu’elle ne le voit pas en classe, de fondre quand elle entend sa voix, de sentir son coeur battre plus fort lorsqu’il est à côté d’elle. Quand il s’éclipse de chez lui pour venir la voir, elle a l’impression ← Un peu répétitif de rêver. Même s’ils parlent beaucoup de leurs recherches et de leurs parents. Ses distractions quand elle est censée travailler ne les concerne plus, ni pour son chagrin et ses remords. Elle ne pense plus qu’à lui. Le visage aux yeux océan danse dans les rêves de la jeune adolescente quand elle dort, occupe l’avant de son esprit lorsqu’elle est éveillée. Steen l’obsède presque, mais May ignore s’il ressent la même chose qu’elle. Elle est perdue sans lui. Elle a besoin de lui, et pas seulement pour comprendre la vérité par rapport à ses géniteurs. Il la rassure, la protège, la fait sourire, la réconforte, l’écoute, et surtout, il est probablement la seule personne au monde qui la connaît. Qui sait et accepte qui elle est réellement.

Steen s’abrutit devant des émissions idiotes à la télé. Il espère que sa mère décidera d’aller voir des amies, mais elle ne semble pas vouloir bouger aujourd’hui, et tourne en rond dans l’appartement, ce qui agace l’adolescent au plus haut point. Il finit par éteindre la télé pour retourner dans sa chambre, au calme. Il réfléchit toujours à un moyen de s’échapper. Dehors, le vent fait tomber les dernières feuilles accrochées aux rares arbres qui bordent les trottoirs. Le ciel gris pâle semble maussade, et ce n’est pas pour remonter le moral de Steen qui se morfond devant la fenêtre.
Le jeune garçon prend sa console pour jouer un peu. Il n’a rien d’autre à faire, alors il s’acharne un moment sur les petits personnages de jeux vidéos, avant de reprendre son gsm. Il entame une discussion avec son amie, et se sent toujours aussi étrange en lui parlant. Il ne saurait pas expliquer exactement, c’est trop complexe. Il a l’impression de l’aimer, mais… Ça ne peut pas être de l’amour, pas vrai ? ← Un peu con notre ami Steen... BORDEL T'ES DINGUE D'ELLE ET ELLE DE TOI E.E May n’est que sa meilleure amie, et d’ailleurs, sa seule amie. Pourtant, il ne peut ignorer sa joie lorsqu’il lui parle, et le trouble qu’il a ressenti lorsque leurs mains se sont touchées.

“Je sais pas comment je vais faire pour sortir demain” envoie-t-il à May.

Il n’a toujours pas récupéré de clés, et s’il avait été en maison, il serait peut-être passé par la fenêtre de sa chambre. Sauf que depuis le troisième étage, il voit le trottoir en contre-bas à plusieurs dizaines de mètres.

May dessine, lorsqu’elle reçoit le message de son ami. Un oiseau prend forme sous ses traits de crayons, doux et légers. Elle aurait bien aimé pouvoir conseiller à Steen de faire comme son oiseau, mais elle sait que c’est impossible. Il leur faut une autre solution. La jeune fille essaie d’abord de visualiser la situation, mais elle ne connaît pas l’appartement. Elle n’y est jamais entrée, ce n’est d’ailleurs pas maintenant que cela va commencer, vu l’opinion de la mère la concernant.

“Ta mère ferme la porte à clé ?”

“Elle m’enferme pour être sûre que je parte pas.”

May plaint Steen. C’est étrange de se dire que sa propre mère l’enferme. Et puis, tout ce qui est interdit attire. S’il ne devait pas chercher de pareilles solutions pour sortir, ce serait mieux pour tout le monde. Parfois, la jeune fille ne comprend vraiment pas les adultes et leur logique.

“J’imagine que passer par la fenêtre c’est trop dangereux. Tu crois que ça serait possible de crocheter la serrure ? De l’intérieur ou de l’extérieur ?”

Steen réfléchit, se demandant comment pouvait bien marcher la serrure. Peut-être que le mécanisme n’est pas compliqué et que la crocheter est possible. Ils ont de la chance en ce moment, peut-être que ça continuera.

“J’ai jamais essayé, mais on pourrait. Par contre tu devrais venir chez moi ?”

“Bah si moi j’essaie, oui. J’y arriverai peut-être. Pourquoi, c’est un problème ?”

Non. Non, ce n’était pas un problème. Ils devraient juste être plus prudents que jamais. Pourtant, Steen se sent mal à l’aise d’accueillir son amie chez lui. May avait une maison, tandis que lui a honte de son petit appartement miteux. Mais après tout, ce n’est pas un problème. Il répond par la négative.

“Bien sûr que non, je te donne mon adresse.”

C’est étrange, cette curiosité de savoir enfin où vit son ami. May ne comprend pas vraiment d’où elle vient, après tout cela n’a aucune importance. Mais elle a envie de tout connaître de lui, de sa vie, de ce qu’il fait de ses journées et où il les passe. Et aller là-bas pour le délivrer de sa “prison”, ça ressemble à un conte. Comme une histoire irréelle. L’adolescente se pince quelques secondes, juste pour vérifier qu’elle ne rêve toujours pas. Que tout ça est bien la réalité. Mais oui, contrairement à l’oiseau qui se dessine de plus en plus précisément sous sa main. Un oeil rond, brillant, s’ajoute au croquis. Puis d’autres détails, pour rendre le volatile plus vivant. Plus ressemblant. May s’amuse, joue avec les formes, les traits. Elle s’occupe ainsi jusqu’au soir, attendant avec impatience le lendemain.

Steen se réveille et émerge lentement de son sommeil toujours autant agité. Il regarde l’heure sur son gsm, se rendort un moment ; à midi, il finit pourtant par se lever, et va s’habiller dans la salle de bain. Il passe la tête sous l’eau pour sortir de l’état embrumé dans lequel il se trouve. Il passe sa main dans ses cheveux, termine sa toilette rapidement. Il va s’asseoir à son bureau, et ses jambes ne cessent de bouger. Il est trop impatient pour attendre encore trois heures sans rien faire. Alors pour faire passer le temps, il va manger un morceau, retourne se brosser les dents et tourne en rond dans sa chambre sans parvenir à se concentrer sur son livre. Il commence à trouver le temps long.
Au bout d'un moment qui lui paraît interminable, sa mère passe la tête dans l’encadrement de la porte.

“Steen, je vais y aller. Tu restes sage ?”

Il ne répond pas, hochant seulement la tête. Il ne restera pas sage comme dit sa mère, et puisqu’elle garde ses secrets pour elle, alors lui non plus ne dira rien. Les rendez-vous avec May sont la seule chose excitante dans sa vie. L’adolescent entend la porte d’entrée claquer, et il attend encore quelques minutes, silencieux, avant de se lever.

May est fébrile. Elle ignore encore si elle sera capable de crocheter une serrure. Mais qui ne tente rien n’a rien. Elle prend un bout de fil de fer qu’elle glisse dans sa poche de gauche, et son téléphone dans l’autre. Elle sort du centre et prend le bus jusqu’à l’appartement de son ami. Elle le prévient d’un sms, puis commence à monter les escaliers. Les marches sont hautes et l’adolescente fait des grands pas pour les gravir. Après quelques minutes d’effort, elle parvient au troisième étage, repère la porte indiquée par Steen. May entend comme des cliquetis par-derrière la paroi de bois blindée. Ce doit être le garçon qui tente d’ouvrir par l’intérieur. S’il ne réussit pas, c’est elle qui entrera en action.

Après avoir fouillé toutes les caisses dans l’armoire de sa mère, Steen a enfin trouvé le double. C’est une petite clé argentée, la première créée pour cette serrure, mais elle fonctionne mal, c’est pourquoi une autre clé avait été conçue. May ne doit plus être très loin de chez lui, mais il n’a pas son gsm sous la main. Il se hâte de le récupérer, juste au moment où le téléphone vibre pour indiquer un nouveau message.

“J’suis en bas de ton immeuble.”

Parfait. Ils sont bien coordonnés. Steen se dirige vers la porte et glisse la clé dans la serrure. Elle ne tourne pas. Steen crie à travers la porte blindée :

“May ? Je peux pas ouvrir, t’es là ?”

Une voix étouffée lui parvient.

“Oui. Attends, j’essaie de mon côté.”

May introduit son bout de fil de fer dans la serrure, et cherche à atteindre le mécanisme. Il est compliqué à trouver mais elle ne se décourage pas. Elle s’accroupit, pour avoir son visage à la hauteur du trou, et essaie encore. Elle sent enfin comme un début de mécanisme ← répétition au bout du fil et s’acharne dessus, jusqu’à ce qu’il puisse tourner. Steen l’attend à l’intérieur, et cette pensée lui redonne plus de force. Ils vont y arriver.

Steen s’acharne de son côté, tordant la clé dans tous les sens. Soudain, le déclic se fait entendre. La porte s’ouvre, comme le jeune garçon est appuyé dessus ; entraîné par son poids, il glisse de l’autre côté, et s’écroule en plein sur May. Il se redresse d’un bond, le rouge aux joues.
La jeune fille s’écarte dans un même mouvement, gênée. Ils se regardent un instant, et une envie de rire monte aux lèvres de May, bientôt rejointe par Steen qui ne peut s’empêcher d’éclater en un fou rire ← répétition. Maintenant qu’il est dehors, les deux jeunes peuvent enfin continuer les recherches et les conneries.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 6 Juin - 18:19

Chapitre dix-sept

May descend les escaliers, sur les talons de Steen, juste après que celui-ci ait fermé la porte derrière lui. Enfin, pas fermée complètement, histoire de pouvoir passer dans l’autre sens avant que sa mère ne revienne. Ils rient en dévalant les marches, manquent même d’en rater une. Ils se rattrapent à temps, et sortent de l’immeuble. Un souffle de vent les enveloppe d’un seul coup, et May frissonne. Elle se retourne vers son ami.

“On prend un bus ou on marche ? On peut rester dans ce quartier aussi, vu que je suis quand même venue, comme ça on reste près de ton appart’ pour que tu saches rentrer.
— On ferait mieux de rester, non ? La porte est pas fermée à clé.
— Alors, on va de quel côté ?
— Par là ? propose Steen en désignant une rue.
— J’te suis !”

L’adolescente met ses mains dans ses poches pour les protéger du froid, et se met en route. Plus vite ils trouveront un café sympathique, plus vite ils pourront s’asseoir au chaud et échapper à ce vent glacial. La rue résonne des nombreux bruits de la ville, la sonnerie annonçant le tram, celle des feux de signalisation, pour aider les malvoyants. Des klaxons retentissent, des moteurs vrombissent, on entend même parfois des insultes. Les deux amis se postent devant un passage pour piétons, attendent que le feu passe au vert pour eux et les autres piétons qui attendent. Le petit groupe s’avance sur les lignes blanches tandis que les automobilistes immobilisés piétinent, prêts à repartir au quart de tour. Steen s’engage dans une petite rue, May à sa suite.
Steen connaît bien son quartier. Le petit café, dans la rue un peu plus loin, est un endroit tranquille et surtout, tout à fait opposé au cabinet médical. L’adolescent ouvre la porte, qu’il tient à May avec galanterie. La température à l’intérieur est bien plus élevée, et Steen se sent tout de suite moins transi. Ils vont s’asseoir à une table à deux places, un peu isolée. Il touche la poche de son jean et sent quelques pièces qui sont là depuis des jours peut-être, alors il propose à son amie :

“Tu veux boire quelque chose ?
— Je veux bien un chocolat chaud. Tu prends quelque chose aussi ?
— Euh, pareil.”

Steen lui sourit, se lève et va commander. Il revient avec deux tasses brûlantes sur un plateau qu’il pose sur la table. L’adolescent pose ses mains autour de sa tasse pour les réchauffer plus rapidement. Il pense à l’adresse de ce Maxime, et il sait qu’il l’a gardé en mémoire dans son téléphone.

“Regarde, j’ai l’adresse de Maxime.”

Il sort le gsm, et ouvre la page où les données sont sauvegardées avant de le tendre à son amie. May se penche au-dessus de la table pour regarder, lit une adresse inconnue. Elle boit une gorgée de chocolat, frotte la trace brune avec sa serviette et questionne le garçon :
“Tu sais où c’est, à peu près ? Ça me dit rien, moi.
— Je crois que c’est dans le quartier de Zaventem.”

Steen prend le temps de boire un peu de son chocolat chaud. Ça lui fait du bien. Il déteste l’hiver, ou plutôt il préfère cette saison lorsqu’il est dans sa chambre bien au chaud. Avant, il n’avait pas à sortir. Il restait toujours enfermé, soit dans le salon, soit dans sa chambre. Zaventem, ce n’est pas si loin. Au moins c’est à Bruxelles, et les deux adolescents peuvent s’y rendre facilement. Steen prévoit déjà de fausser compagnie à sa mère, encore une fois, pour se rendre chez ce Maxime avec May.

“Tu penses qu’on pourrait y aller un de ces quatre ?
— Ouais, si t’arrives à sortir. Tu vas encore avoir des ennuis avec tout ça.”

Steen boit encore quelques gorgées de la boisson chaude. Il sait qu’il aura de plus en plus de mal à s’éclipser sans se faire voir, et qu’il se fera prendre. Sans doute leur visite chez Maxime sera sa dernière escapade. Il est pourtant prêt à tout pour avoir des réponses.

“On irait quand ? Un soir, après les cours ?
— Oui. Lundi ?
— Oui, ma mère ne viendra pas me chercher.”

Steen sait que s’ils rentrent tard, sa mère va s’en rendre compte. Elle cherchera sûrement où il a pu se cacher, et lorsqu’il rentrera, la tempête explosera. Et Steen sait aussi qu’ils rentreront tard. C’est peine perdue, il se fera prendre, mais tant pis. Il a décidé d’y aller et personne ne le fera revenir sur sa décision.
May change soudain de sujet, puisque leurs projets sont établis.

“Jeudi, le gars qui t’a envoyé à l’hôpital, ben il est revenu m’embêter.
— Ah oui ? fait Steen, l’air jaloux.
— Oui, mais Mohamed l’a chassé.”

Mohamed ? Steen aurait préféré être là. Il sait que Mohamed aime beaucoup May, et qu’il se rapproche d’elle pendant qu’il n’est pas là ne lui plaît pas du tout. Il se crispe légèrement, ajoutant seulement un “tant mieux”. C’est vrai, après tout, l’important c’est que May ne se fasse pas embêter, non ? Alors pourquoi est-il autant jaloux en pensant à son camarade ? Steen secoue la tête pour ne plus y penser. May va bien, et tout le monde va bien, il n’a pas de quoi être jaloux. ← répétition

Il échange un regard entendu avec son amie. Ils ne peuvent pas rester encore longtemps ici, mais cette sortie a fait du bien à l’adolescent aux yeux bleus. May termine sa boisson, et les deux jeunes se lèvent. Ils vont payer directement au bar, Steen dépose ses quelques pièces sur le comptoir. Le serveur hoche la tête, le compte est juste. Il les regarde partir lorsque les deux adolescents passent la porte et retrouve le froid de ce douze novembre.

“On se revoit lundi !” lance Steen, excité par les projets à venir.

Il laisse May rentrer de son côté, et se met à courir dans la rue pour ne pas arriver après sa mère. Il arrive en haut des escaliers et, le cœur battant, il insère la clé dans la serrure en priant qu’elle ne fasse pas des siennes. Au bout de plusieurs minutes à triturer la clé dans tous les sens, la serrure cède et laisse entrer le jeune garçon. Il claque la porte, les mains tremblantes, et va vite remettre le double de la clé de l’appartement à sa place, dans la caisse. À bout de forces, il se laisse tomber sur le fauteuil pour profiter de la télé, mais à peine celle-ci est allumée depuis quelques minutes que la mère de l’adolescent revient de son rendez-vous.
Elle referme la porte avec un soupir de soulagement, mais son fils ne lève même pas les yeux. Bruyamment, elle part dans sa chambre, puis à la cuisine, avant de revenir dans le salon.

“Tiens, j’avais pas fermé la porte à clés ?
— Bah faut croire que non.”

La femme hausse les épaules, retourne dans la cuisine. Steen, agacé par tous les allers retours de sa mère, éteint la télé et retourne dans sa chambre. En regardant son sac de cours, il se dit que le lendemain allait être long, ainsi que le lundi à venir. Mais d’un autre côté, il n’a aucune envie de retourner en cours, après une courte semaine de vacances improvisées.

Deux longues journées à supporter avant de se retrouver à nouveau, et surtout, de poursuivre leur enquête. Les heures s’écoulent aussi lentement chez Steen qu’au centre, et lorsqu’ils se retrouvent le lundi, à l’école, c’est encore pire. Les cours passent avec une lenteur extrême, et lorsque la dernière sonnerie retentit, Steen est dans les premiers à sortir de la salle.
May est même derrière lui, ayant pris plus de temps à ranger ses affaires, et le rejoint dans le couloir. Les deux amis se dépêchent de rejoindre l’arrêt de bus. Le souvenir de leur première visite de cimetière s’immisce fugacement dans leurs pensées, accompagné d’un sentiment de tristesse chez May. Sa marraine y est enterrée aussi dans ce fameux cimetière, désormais.
La jeune fille se reprend rapidement, et le bus file à travers les rues de la ville. Zaventem ce n’est pas tout près, et les deux adolescents sont parmi les derniers à descendre, quelques rues avant celle qu’ils cherchent.
La maison de Maxime est toute proche maintenant, et ils espèrent que les réponses le sont autant. Steen serre dans sa main le petit papier où il a noté l’adresse, pour au cas où, bien qu’ils la connaissent tous deux par cœur. Ils avancent d’un pas rapide, pour se réchauffer un peu, car le vent qui souffle est glacial. Un vrombissement grandit, venant du ciel. Le son s’amplifie, augmente, puis emplit l’air tout entier. Les deux adolescents lèvent la tête. Un avion, immense, apparaît derrière les toits du pâté de maisons. Il vole très bas, pour être si gros, et May se fige sur place. Elle attrape Steen par la manche, sa main tremble. Le garçon s’immobilise à son tour, et se retourne vers son amie. Celle-ci le regarde d’un air affolé.

“Steen, l’avion… dit-elle d’une voix à peine audible avec le rugissement des moteurs. Il va s’écraser !”

Sa voix est montée dans les aigus, poussée par la peur. Steen lui prend la main pour la rassurer. Un avion doit bien descendre suffisamment bas pour atterrir, non ? C’est logique qu’un avion descende jusqu’au sol pour atterrir. Steen ne comprend pas trop la réaction de son amie, mais elle a une phobie des avions, il le sait. Pourquoi habiter si près de l’aéroport, aussi ? Le jeune garçon l’oblige à avancer un peu à couvert, là où les avions ne sont plus visibles. Seuls les bruits des réacteurs leur vrillent les tympans. L’avion s’est sans doute posé, car après plusieurs minutes, le silence revient. L’avion ne s’est pas écrasé, heureusement. May se calme peu à peu, le cœur battant toujours rapidement. Les deux adolescents se remettent à la recherche de la fameuse maison de Maxime. Ils trouvent enfin la bonne rue, et Steen lève les yeux de son morceau de papier. Il cherche le bon numéro, et désigne une plaque sur un mur.

“C’est là.”

Ensemble, ils s’approchent de la porte en bois, qui fait un peu rustique, et Steen ose frapper quelques coups. Il retient sa respiration, et des pas derrière la porte se font entendre. Un enfant, âgé d’environ cinq ou six ans, ouvre la porte. Il salue les deux adolescents avant d’appeler sa mère d’une voix forte, qui rapplique rapidement.

“Bonjour ?
— Euh bonjour, est-ce que Maxime Buyle est ici ?” interroge un des deux.

La femme, cheveux noirs teints, habillée avec un pull trop large en laine bleu marine, et d’un jean délavé, les toise quelques secondes. Elle finit par répondre d’une voix éraillée.

“L’est au travail, et il revient pas avant demain. Est-ce que je dois lui transmettre quelque chose ?”

Steen hésite quelques secondes, se perd dans sa contemplation du paillasson.

“Vous pouvez lui dire que le fils des Van Doorn est passé ?
— Van Doorn ? Mmh, pas de problème.
— Merci madame. Au revoir.”

Un peu déçus, les deux amis se retournent, tête basse. Steen aurait préféré trouver Maxime chez lui, mais apparemment, il travaille la nuit. Nuit qui, d’ailleurs, commence à tomber. Steen n’habite pas à côté, et il doit traverser la ville pour rentrer chez lui. May non plus n’habite pas par ici, mais elle est moins embêtée côté restrictions. Avec la mère du jeune garçon, on ne sait pas comment sera le lendemain. Sans doute peu glorieux.

“Tant pis, on réessayera une autre fois. Ou on pourrait l’appeler sinon, propose l’adolescent.
— On pourrait. Je n’aime pas cet endroit.
— À cause des avions ? devine le jeune garçon.
— Ouais. J’aime pas l’ambiance non plus.”

Steen hoche la tête. Ce n’est pas du tout son genre de quartier à lui non plus. Ils marchent un moment en silence, jusqu’à l’arrêt de bus. Le froid se fait plus intense en cette nuit d’automne.

“J’espère qu’on pourra quand même se revoir, dit Steen en plaisantant à moitié, alors qu’ils montent dans le bus.
— Dans le pire des cas, il y a toujours l’école. Même si c’est pas pareil.
— On se parle pas beaucoup à l’école.
— C’est vrai, concède May. On devrait changer ça. En fait on s’en fout des autres non ?
— Complètement !”

Steen est ravi que son amie se fiche de l’opinion des autres, ce qui ne semblait pas être le cas quelques semaines plus tôt. Elle mangeait sans cesse avec ses amies, et ne lui prêtait aucune attention pendant les cours. Tout avait changé, encore une fois. En ce moment, tout changeait et changeait encore. L’adolescent aux cheveux sombres, dont la vie était plate et monotone, ne sait même plus comment tout ça avait commencé. Le bus finit par arriver, et les deux amis n’ont aucun mal à trouver des places assises. À cette heure-ci, il n’y a plus beaucoup de monde dans les bus, ni dans les rues. Steen se sent bien, juste avec May à ses côtés. Il ne pense plus à rien. Il profite seulement des quelques derniers instants en présence de May.

Les deux jeunes se séparent, se saluent. May rentre au centre, encore perturbée par sa peur de l’avion. Steen a raison, il atterrissait simplement ← Comme ça, on croit que c'est Steen qui atterrit /out/ Faudrait changer la formulation. Alors pourquoi avoir ressenti ce sentiment de danger imminent ? Mais ce n’est pas grave, puisque son ami était là pour la rassurer. Plus rien n’est grave, tant que Steen est là. May travaille un peu, rêveuse, lorsqu’on frappe à la porte. La jeune fille se lève tandis que le panneau de bois s’entrebaille, et qu’une petite tête apparaît.

“May ? Tu veux pas venir jouer avec moi ?”

Le petit garçon tient ce qui a dû jadis être une peluche serrée dans ses mains. L’adolescente s’approche en laissant ses affaires sur son lit et, en se mettant à la hauteur du garçon, lui demande :

“Qu’est-ce qu’il se passe Seb ? T’as l’air tout triste.
— Viens jouer !” crie-t-il.

May sursaute devant la violence des paroles du garçon. Mais elle accepte. Il ne va clairement pas bien en ce moment, alors si la jeune fille peut l’aider d’une quelconque manière, elle est prête à se plier à sa volonté. Elle suit, ou plutôt se faire tirer par le garçonnet le long du couloir. Juste avant de passer une seconde porte, le petit lâche, sans se retourner :

“Mes parents me manquent.”

Sans laisser le temps à son aînée de dire quoi que ce soit, il entre dans la pièce et décide qu’il est temps de jouer. May se tait, toute parole est inutile.

L’adolescent retrouve son immeuble après un long moment passé seul dans le bus, pour rejoindre son quartier. Steen appuie sur le bouton de la sonnette. Il n’a toujours aucune clé, et il a oublié de demander à sa mère de lui rendre son trousseau. La porte s’ouvre violemment, et le jeune garçon décide de garder la tête basse, trop épuisé et las pour devenir provocateur ou se battre face à sa mère. Il entre dans l’appartement, et n’écoute même plus les représailles et les cris qui fusent.

“Alors, c’est quoi ton excuse aujourd’hui ? T’étais avec un ami ? Tu travaillais ? Ou les bus avaient du retard ?
— Non.”

La voix de Steen n’est qu’un murmure, il n’a aucune excuse. Il aimerait trouver quelque chose qui a l’air vrai, mais dans son esprit, il n’y a que “j’étais avec May”. Ce qui n’est pas une excellente excuse à dire à sa mère. Il n’a pas besoin de dire quoi que ce soit, puisque sa mère semble très bien avoir deviné. Le jeune garçon se force à croiser le regard de la femme qui continue à gesticuler dans tous les sens, sans obtenir aucune réaction de Steen.

“Donc, t’étais encore avec cette fille ?”

Steen ne répond pas. Pour dire quoi ? Il ne peut pas se défendre, ça ne ferait qu’aggraver sa situation. Il a déjà trop menti à sa mère là-dessus. Et sur tout, d’ailleurs. Il n’a plus envie de lui cacher, il voudrait pleurer en lui demandant de dire la vérité sur son père, sur les parents de May, mais rien ne sort, pas même les sanglots qui auraient peut-être pu apitoyer sa mère.

“Tu comprends pas.
— Elle te fait faire n’importe quoi !
— Non, c’est faux !”

Steen a élevé la voix, et se tait subitement,  lui-même surpris par tant de véhémence. Il se sent piqué au vif par les paroles de sa mère. Il baisse à nouveau ses yeux bleus en direction du sol, et se tait. Il sait que sa mère n’en a pas terminé avec lui.

“En plus, à ce que je vois, t’as récupéré ton gsm ?” fait-elle en désignant la poche déformée par l’appareil.

Steen soupire et éteint le téléphone avant de le tendre à sa mère. De toute façon, il n’a plus d’issue de secours. Il trouvera un autre moyen de communiquer avec May, il lui dira demain que sa mère lui a repris son gsm. Un peu démoralisé, Steen rejoint la cuisine pour manger un morceau, car il n’a rien avalé depuis des heures et commence à avoir franchement faim.

“J’ai pas fini de te parler !
— Eh bah dépêche-toi, je dois faire mes devoirs après, et j’ai la dalle.
— Attends, comment tu me parles, là ?”

Steen lâche un soupire qui ne fait qu’empirer l’état de sa mère, chose que l’on n’aurait pas cru possible. Elle lui attrape le poignet tandis que Steen allait retourner dans sa chambre, toute idée de repas envolée. Il tente de se dégager, mais elle le tient fermement.

“J’ai besoin de te surveiller comme un gamin de cinq ans ?
— Lâche-moi putain !”

La gifle part d’un seul coup, et Steen ne s’y attendait tellement pas qu’il reste quelques secondes, hébété, avant de se rendre compte que sa mère l’a lâché. Il n’arrive pas à croire lui-même qu’il ait dit des mots vulgaires à sa mère, ni que celle-ci lui ait foutu une claque, ce qui n’était sans doute jamais arrivé auparavant. Il se retourne d’un mouvement brusque, retenant ses larmes jusqu’à son lit. Il se jette sur le matelas, tout habillé, et frappe du poing l’oreiller en pleurant. Il ne fera pas ses devoirs, pas ce soir.
Il s’interroge. Depuis combien de temps tout a tourné au drame ? May est-elle réellement liée à tout ça ? Sa mère ne comprend pas. Elle, elle connaît la vérité. Lui non. May non plus. C’est pour cette raison qu’ils sont si proches. À moins qu’il y en ait une autre ? Steen finit par s’endormir tout habillé, ignorant les douleurs dans son cœur.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 6 Juin - 18:20

Chapitre dix-huit

Steen est étendu dans le noir. Il n’est pas encore six heures du matin, et son réveil n’a pas sonné. Pourtant, il ne parvient plus à se rendormir. Alors il joue avec un lapin en peluche, son doudou de quand il était petit. Dans l’obscurité, Steen parle à sa peluche, comme si elle pouvait le comprendre.

“J’en ai marre de tout ça, chuchote-t-il. Des fois j’aimerais bien que tout s’arrête, et qu’on puisse parler normalement avec May. Tu vois Kiwi, je sais pas trop ce que je ressens, c’est tellement… Confus…”

Steen soupire, serre le lapin dans ses bras comme un enfant et se retourne dans son lit.

“Toi au moins, tu sauras jamais ce que c’est, t’as de la mousse à la place du coeur.”

Se sentant tout à fait idiot de parler avec une peluche, il la pose contre le mur, là où est sa place. Steen garde les yeux ouverts durant encore de longues minutes, à rêvasser, en attendant que le réveil sonne. Il ne peut s’empêcher de pleurer encore, et il se dit qu’il n’a jamais autant pleuré de sa vie que depuis quelques temps. Depuis que sa mère ne voulait plus qu’il voie May, pour être exact. Leur retour de Lyon, finalement. Lentement, Steen prend conscience qu’il considère la jeune fille comme une amie, et même plus. Mais plus comment, à quel point ? L’adolescent est encore jeune, et d’ordinaire renfermé sur lui-même, il ne sait rien de ces émotions étranges qui le pénètrent la nuit, et chaque fois qu’il pense à May.
Pourtant Steen a compris. Il doit simplement se l’avouer à lui-même. Il ne peut pas encore, pas tant qu’il n’est pas sûr. À quoi bon se torturer l’esprit pour rien ?
La sonnerie stridente du réveil le tire brusquement de ses pensées. Il reste encore quelques minutes dans la chaleur de son lit, et finit par se lever. Les jours passent lentement, et le week-end est encore loin. Steen s’habille et passe à la salle-de-bain rapidement, ne voulant pas croiser sa mère. La guerre est plus ou moins déclarée entre elle et son fils.

“Steen, c’est moi qui t’amène maintenant.
— Je peux y aller seul, grince-t-il.
— Je ne te fais plus confiance.”

Il n’a plus le choix. Se braquer est inutile, il sera quand même emmené en cours par sa mère. Il prépare son sac à la va-vite, sans rien oublier, et laisse sa mère l’emmener en voiture à l’école. C’est plus confortable en voiture, il doit bien le reconnaître. Mais être privé ainsi de ses libertés ne le réjouit guère. Sans plus dire un mot, il attend d’être devant la porte, et claque la portière de la voiture.

May cherche son réveil à tâtons pour l’éteindre. Elle baille, puis se retourne dans son lit pour se rendormir. Le sommeil la reprend dans ses bras de douceur ← Je vois ce que vous avez voulu dire, main... J'sais pas. Ça fait strange , cinq minutes, dix, puis l’adolescente ouvre à nouveau les yeux. Elle se rappelle alors qu’elle a cours, remarque l’heure avancée et se lève d’un bond. Elle est tout à fait réveillée désormais. La jeune fille se prépare rapidement, engloutit un petit-déjeuner express et sort, le sac sur une épaule, pour aller attraper son bus qu’elle atteint juste à temps. Devant l’école, elle attend Steen. Ils ont dit qu’ils ne se cachaient plus, elle n’a plus peur de leur montrer, à tous. C’est leur droit.

“Salut ! lance Steen en s’approchant de la jeune fille brune.
— Salut, ça va toujours depuis hier ?”

Steen hausse les épaules ; il a connu mieux, mais il se doute qu’il y a pire, et il n’a pas de quoi se plaindre. Du moins, comparé à son amie qui a enduré plus d’horreurs que lui.

“Ma mère m’a pris mon gsm, mais ça va. Et toi ?
— Fatiguée, mais ça va.
— Dès que je peux, j’appellerai Maxime. Avec un peu de chance, il répondra.”

La sonnerie les coupe dans leur discussion, alors ils se hâtent de rentrer pour ne pas être en retard en cours. Ils ont suffisamment accumulé les conneries, surtout pour Steen, qui préfère ne pas se faire remarquer encore une fois. C’est sa dernière chance, il doit se tenir droit durant tout le restant de l’année s’il ne veut pas être viré définitivement. Ils entrent dans la salle en même temps que les autres élèves, et lorsque May s’installe sur le banc à côté de Steen, tous leurs camarades se retournent, à l’exception de Julien, toujours vexé par sa défaite cuisante et furieux après Steen.
Même leur professeur ne semble pas habitué ← "semple surpris", plutôt, non ? . Mais il ne dit rien, et fait son cours normalement. Steen et May chuchotent parfois à voix basse, en essayant de ne pas se faire remarquer. Mohamed passe l’heure de cours à jeter des coups d’œil en arrière, l’air jaloux, regrettant de ne pas s’être mis près de May lorsque Steen était absent. Les amies de cette dernière ← En fait le "dernier" de la dernière phrase c'est Steen /out/ Bon après vu que dernière est au féminin ça peut passer, mais bon Mayday ~ il faut 10 caractères 340680225 ne comprennent pas non plus. Mais Steen est trop heureux pour faire attention aux réactions des autres.

May a laissé tomber tous les autres REPETITIONNNNNN . Les regards, étonnés, déçus ou furieux, elle n’en a rien à faire. Ils peuvent penser ce qu’ils veulent, tous autant qu’ils sont. Ils peuvent médire sur le compte des deux adolescents autant qu’ils veulent, ça n’y changera rien. Leur regard NEW REPETITION le prouve bien. L’esprit de la jeune fille ne cesse de passer de Steen à Maxime au cours ← Ça fait bizarre cette phrase, et inversement. Elle a du mal à penser à tout, mais est tout autant incapable de se focaliser sur l’un de ces trois sujets. Les bribes de cours lui semblent de ce fait parfois incompréhensibles, n’ayant pas pu saisir le début de l’explication du professeur. Mais ce n’est pas sa préoccupation première. Les chuchotements de Steen ont bien plus de valeur à ses yeux.

L’adolescent pense à Maxime toute la journée. Il ne sait pas quand il pourra l’appeler, mais il doit trouver un moyen de le faire le plus rapidement possible. Ils ne peuvent pas rester sans savoir. Steen aurait préféré le faire avec May, mais ça paraît compliqué. Se voir devient de plus en plus difficile, et la vérité est toujours aussi hors d’atteinte. Le jeune garçon attend l’heure de manger impatiemment. May doit manger avec lui, il espère qu’elle ne se fera pas tirer par ses amies ailleurs. Il se rend compte qu’ils n’ont mangé qu’une seule fois ensemble dans l’école. Mais c’était différent.
Le cours prend fin, et les deux amis sortent tous les deux, ignorant toujours les autres qui commencent à lancer des rumeurs. Ils se dirigent vers la cantine en plaisantant et en discutant comme si rien n’avait d’importance. Ils ne parlent plus de Maxime, car ils ont bien d’autres sujets de conversations.

“T’as vu comme tous les autres nous regardent ? C’est… Drôle.
— Comme s’ils ne nous avaient jamais vus avant ! rit la jeune fille.
— En plus, les rumeurs commencent déjà à circuler.
— Qu’est-ce qu’ils en ont à faire, sérieux ?”

Steen hausse les épaules et s’assoit en face de May avec son plateau. Il n’a pas très faim, mais se force à manger un peu de la nourriture insipide qui remplit son assiette. Steen lève les yeux et croise ceux de son amie ; chaque fois, les adolescents détournent leur regard, gênés, fixant le contenu de leur assiette. Ils grignotent la nourriture sans goût, alternant silence et paroles assez inutiles.

Finalement, la journée se termine bien. Steen dit au revoir à May avant de sortir, car sa mère lui donnerait sûrement encore une claque si elle savait. Il laisse la jeune fille prendre quelques mètres d’avance et la suit à distance. Mais bientôt, il est rejoint par Mohamed, qui arrive en courant derrière lui. L’adolescent aux yeux bleus se retourne vers son camarade en arrêtant de marcher. May a déjà disparu derrière les grilles.

“Ah, Steen, on peut discuter ?”

Steen remarque que Mohamed, qui n’est même pas son ami, juste un camarade de classe, commence toujours ses conversations avec lui ainsi. Il hausse les épaules, et attend la suite. Quoi qu’il réponde, Mohamed lui parlera, alors Steen se remet en route vers la sortie, pour ne pas faire attendre sa mère qui vient le chercher.

“D’après les rumeurs, t’es en couple avec May. C’est vrai ?
— Bien sûr que non.
— Vous êtes quand même restés toute la journée collés.” ← Pitite inversion de mots ou tournure belge ?

Steen grogne. Ils peuvent bien rester ensemble s’ils le veulent, ils sont amis après tout. Et puis, ils ont vécu des choses tous les deux, et les autres ne peuvent pas le comprendre. Pour eux, à partir du moment où ils restent ensemble, Encore répétition ils sont en couple. Ce qui est parfaitement absurde aux yeux de Steen, qui préfère ne pas s’emporter contre Mohamed.

“On n’a pas le droit ?
— Bah si, mais c’est bizarre.”

C’est juste un peu inhabituel. Il n’y a rien de bizarre, Aisha et May mangeaient toujours ensemble avant, et personne ne les a soupçonnées d’être en couple. De toute façon, Steen trouve ses camarades ridicules avec leurs histoires idiotes. Arrivés dans la rue, Steen remarque la voiture de sa mère, qui stationne en double file. Il ne devrait pas la faire attendre, mais au moment où il allait écourter la petite discussion avec son camarade, celui-ci continue :

“Mais tu l’aimes, non ? Ça se voit.
— Au pire, c’est pas tes affaires. Mêle-toi de ce qui te regarde.”

Sur ce, Steen tourne les talons et se dirige vers la voiture de sa mère. Il sait qu’il a donné raison à Mohamed en ne répondant pas, mais peu importe. Les rumeurs circulent déjà, et tous les élèves s’imaginent des trucs. Steen ne les comprend pas vraiment. En quoi cela les regarde-t-il ? Lui ne s’est jamais mêlé de la vie privée des autres, et pour lui c’est même inconcevable. On dirait que ça les amuse plus qu’autre chose. Comme si les sentiments, tout ça, n’étaient pas sérieux. Le jeune garçon soupire en s’asseyant dans la voiture qui démarre aussitôt.

May est partie de son côté, sans remarquer les deux garçons qui discutaient dans son dos, mais Lisa la rattrape avant qu’elle aie tourné au coin de la rue.

“May, attends !”

La jeune fille aux boucles brunes s’immobilise et se retourne vers son amie.

“Oui ?
— Tu nous aimes plus ? ‘Fin, on compte plus pour toi ?”

May voit de la tristesse dans les yeux sombres de son amie. Elle se sent coupable, c’est vrai qu’elle a un peu laissé Lisa et Aisha de côté depuis… Depuis son deuil, bien avant aujourd’hui. Elle peut comprendre leur peine, mais ne sait pas quoi dire, ou quoi faire.

“Mais bien sûr que si ! C’est juste que…
— Que t’aimes Steen, c’est ça ?
— Je sais pas…”

Lisa lui jette un regard déçu, tourne le dos à May et s’en va rejoindre ses potes. May essaie de la retenir, mais elle ← Comme ça, elle on dirait que c'est May. J'ai bien compris que c'était Lisa, mais faudrait mettre autre chose ne se retourne pas. La jeune fille brune aimerait bien lui expliquer, mais elle n’y arrive pas. Sa réponse était sincère, elle ne sait pas. Mais les autres n’ont pas l’air de comprendre le tsunami qui danse à l’intérieur de l’adolescente. Et à cause de ça, elle les éloigne.
La jeune fille a soudainement envie de pleurer. Elle qui avait tari ses larmes depuis plusieurs jours pour redevenir joyeuse, comme avant, les sent remonter à grande vitesse. Elle ne se donne pas le droit de s’apitoyer pourtant. C’est sa faute, si ses mies ← OMG AU DEBUT J'AI CRU DES TRUCS CHELOUX mais il manque juste un a ? Parce que une mie, en France, c'est une compagne hein Mayday ~ il faut 10 caractères 2894534354 lui en veulent. Elle pensait être plus forte que tout ce que les autres penseraient, mais elle n’avait pas envisagé la possibilité que Lisa et Aisha la rejettent elles aussi. Elle pensait qu’elles seraient toujours là, quoiqu’elle fasse. Mais May doit bien se rendre à l’évidence. Elle les a déçues, et est sur le point de les perdre.
La jeune fille rentre au centre, tête basse, assise au fond du bus. Elle a passé une bonne journée, mais l’intervention de Lisa est venue tout gâcher. Comme si elle n’avait pas le droit d’être heureuse.

Assis à table, Steen n’a pas ouvert la bouche depuis qu’ils sont rentrés. Les raclements de couverts dans les assiettes sont les seuls bruits qu’on entend. Soudain le téléphone sonne, et la femme va décrocher. Steen écoute d’une oreille distraite en piquant quelques haricots sans grande envie dans son assiette. C’est Anja. Cela fait déjà plusieurs jours qu’il n’a pas vu sa grande sœur, et celle-ci prend seulement des nouvelles.

“Tiens, c’est ta sœur, elle veut te parler.”

L’adolescent prend le combiné.

“Allô ? Anja ?
— Salut Steen, comment ça va ?
— Ça va, et toi ? Tu voulais me parler ?”

Anja reste silencieuse quelques instants. Elle finit par poursuivre, avant que Steen ne s’impatiente.

“T’as découvert quelque chose de nouveau ? T’avais dit que tu me tiendrais au courant.
— Quoi ? Euh, oui. Attends.”

Steen quitte la cuisine pour s’enfermer dans sa chambre, où sa mère ne viendra pas le déranger.

“J’ai une lettre de condoléances d’un certain Maxime Buyle. Il était pas chez lui quand on a voulu lui rendre visite, mais j’ai son numéro.
— Maxime ? C’est bizarre, ça me dit quelque chose mais… Non, je sais pas. Rien d’autre ?
— Non.
— Tu me tiendras au courant.”

Steen aurait voulu continuer à discuter. Le silence de l’appartement, lorsqu’il est seul avec sa mère, devient pesant. Mais sa sœur a raccroché, et le jeune garçon reste seul dans sa chambre. Au moins, il retrouvera May demain. Et c’est tout ce qui lui importe.

May se glisse sous les couvertures, se recroqueville sur le côté, une main sous l’oreiller. La journée lui revient en mémoire, associée à celle de la veille. Elle réfléchit, à ses parents, et ses sentiments pour Steen. Ils ne sont pas en couple non, mais peut-être que les rumeurs qui commencent à courir n’ont pas vraiment tort ? L’adolescente laisse les minutes défiler, l’esprit embrouillé de toutes ses interrogations. Elle a du mal à démêler le vrai du faux. Mais finalement, épuisée par l’heure tardive, elle s’endort.

Un avion. Un bruit sourd, un ronronnement de moteur puissant. Il vole bas, comme celui de Zaventem. May a peur encore une fois, sans savoir pourquoi. L’énorme bourdonnement s’amplifie, la jeune fille a l’impression de le sentir juste au-dessus de sa tête. Elle tremble, attendant un catastrophe. Ou d’être rassurée par un atterrissage en règle. Elle voit le corps de l’énorme engin passer au-dessus de ses yeux, puis descendre.
Les images défilent, si vite que May ne voit rien. Ça s’arrête sur une scène de son enfance. Elle a rapetissé, et ses deux parents, bien vivants, l’entourent. Dans son petit corps d’enfant, May sent des larmes de joie affluer. Elle sert ses parents dans ses bras, respire leur odeur bienfaisante. Elle voudrait rester là pour toujours, dans leur chaleur rassurante, leur regard aimant posé dans son dos. Elle voudrait leur parler, leur dire quelque chose, mais la scène change encore.
May a grandi, un petit peu. Elle salue sa marraine de la main, un sourire aux lèvres. Ses parents sont à côté d’elle. Ils partent, mais elle ne sait plus où. Un élément manque à la scène, ils n’y a qu’eux quatre, rien autour. Que du noir. La petite est surprise, veut questionner ses parents, mais ceux-ci semblent irréels, absents.
Une dernière scène fait voyager May. Elle ne voit rien, mais elle entend. Des cris, des hurlements, et comme incongrus dans ce brouhaha effrayant, des chuchotements rassurants. La peur étreint la poitrine de l’enfant, qui voudrait crier aussi. Elle se sent nauséeuse, ça bouge autour d’elle, et les odeurs mêlées aux cris n’aident en rien cette sensation. Elle se sent tomber, mais toujours serrée dans ce noir qui la rend aveugle. Une odeur de feu parvient brusquement à ses narines. Du feu, de la fumée, et plus aucun bruit. Le silence.

May se réveille en sursaut. Elle a chaud, trop chaud. La jeune fille écarte les couvertures, se lève. Elle veut se changer les idées. Ce sentiment de peur et d’horreur imminente lui reste collé au corps, et elle sait qu’elle ne pourra se rendormir comme ça. Elle marche jusqu’à la fenêtre, bien que cela ne représente que trois pas, et entrouvre le rideau. Quelques réverbères à la lumière jaune et sale éclairent la rue sombre. Parfois une voiture passe, roule dans une flaque et arrose le trottoir. L’adolescente ressent une soudaine envie de descendre, en pyjama, sous la pluie. Mais elle se retient, referme le rideau et regarde l’heure, juste pour savoir. Trois heures quarante-huit, seulement. May allume une petite lampe de chevet et s’assoit sur son lit, un cahier de dessin sur les genoux. Elle essaie de dessiner le visage de sa mère, mais les images de ses rêves s’effacent déjà. La scène est trop floue, et la jeune fille dessine Steen. Ses yeux noisettes, ses petites mèches peu ordonnées, ses fossettes quand il sourit. Sa première esquisse est assez ressemblante, mais May n’en est pas fière et estime qu’elle le désavantage ainsi, alors elle repose son carnet. Au moins le dessin a rempli son rôle, et la jeune fille arrive à se rendormir. Pour un peu plus de deux heures, mais c’est mieux que rien.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 27 Juin - 13:03

Chapitre dix-neuf


“Non, Steen, tu te mets devant s’il te plaît.”

Le garçon aux cheveux noirs fixe la prof, surpris. Il n’a pas encore posé son sac sur la table à côté de May que déjà, on lui demande de changer de place. Il se demande bien pourquoi, mais obéit à la prof qui ne semble pas vouloir discuter. Le jeune garçon va s’installer devant sans protester, à côté d’une gamine qu’il ne connaît pas vraiment, sans grand enthousiasme. Pourquoi ne le laisse-t-on pas se mettre à côté de May ? Ils n’ont même pas parlé, ni aujourd’hui ni la veille.  Ils n’ont pas dérangé le cours, alors pourquoi, pour une fois que Steen était à côté de quelqu’un, on lui demande de changer de place ?
L’adolescent suit le cours devant, sans adresser la parole à sa voisine, notant sur son cahier des bribes de la leçon dictée. Lorsque la prof se retourne, face au tableau, pour y écrire un énoncé, Steen en profite pour jeter un regard en arrière, chargé d’incompréhension, à son amie. Il espère que tous les profs n’auront pas la bonne idée de les séparer à chaque cours. Au moins, à la récré, ils peuvent faire ce qu’ils veulent sans que les adultes ne viennent les déranger.  Boudeur, Steen ne se met au travail qu’à moitié, bâclant les exercices donnés, comme si se dépêcher de terminer ferait arriver la fin du cours plus vite.
May passe devant Steen à la sonnerie, l’attendant dans le couloir pour la récréation. Le jeune garçon se lève, et une fois ses affaires rangées, il s’apprête à sortir lorsque la prof l’interpelle. Exaspéré, il serre les poings et se retourne.

“Steen, à midi, tu dois aller voir la directrice. Elle m’a dit de te transmettre le message.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
— Elle m’a juste dit de te le transmettre.”

Steen soupire en rejoignant May dans le couloir. Pour une fois, il ignore ce qu’il a bien pu faire. Son amie l’interroge aussitôt sur les raisons de cette entrevue.

“Qu’est-ce qu’elle te veut encore ?
— Je sais pas. J’ai encore fait quelque chose ?
— Bah non.
— J’en ai marre, ils me veulent quoi encore ? s’agace Steen.
— Ça doit pas être grave, t’as rien à te reprocher.”

Steen l’espère aussi. Les adolescents préfèrent parler d’autre chose durant le court temps qu’il leur reste, et lorsque la récréation prend fin, Steen traîne les pieds pour se rendre au dernier cours avant midi.
Tic-tac, tic-tac.
L’horloge fait tourner ses aiguilles lentement, au rythme des secondes qui s’écoulent. Au moins, Steen a pu retrouver sa place au fond de la salle, auprès de May.
Celle-ci est contente de ne pas avoir à être séparée de son ami encore une fois. Elle ne comprend pas pourquoi leur professeur les a éloignés, et pourquoi il a été convoqué. Steen n’a rien fait ! Les adultes et leurs mesures débiles… Qu’est-ce qu’ils cherchent à faire, au juste ? La jeune fille sent l’énervement envers son école et le corps professoral et éducatif monter. La colère aussi. D’où ont-ils le droit de les séparer ainsi ? Ils s’assoient où ils veulent tout de même… Ils ne dérangent même pas le cours. May regarde son ami et aperçoit les mêmes sentiments dans son regard, la même indignation. Elle griffonne sur son cahier en attendant la fin du cours. Et lorsque celle-ci s’annonce par un dring strident, la jeune fille suit Steen jusqu’au bureau de la directrice.

L’adolescent frappe à la porte, fébrile. La dernière fois qu’il était passé par ici… Il ne sait même pas s’il y a eu une dernière fois, en fait. Les deux dernières conneries qu’il a faites, il est passé à l’infirmerie, ou bien emmené à l’hôpital directement.

“Entrez !”

Steen obéit et passe la porte qu’il referme derrière lui. La petite pièce est très encombrée. Les sièges, rembourrés de mousse bleue, sont confortables. Steen s’assoit sur une des deux chaises qui font face au bureau où est installée la femme. L’adolescent observe la table, tout aussi encombrée ; des billets de retard des élèves, des papiers administratifs, des trombones, des post-its, et des stylos en vrac un peu partout. Derrière, des cartons et des pochettes sur une étagère ne semblent pas classés, et le désordre règne. Steen fixe la directrice en attendant qu’elle parle.

“Ta mère m’a appelée. Elle pense que ton amie May Droubet n’a pas une bonne influence sur toi, et je partage son opinion.”

Alors ça, c’est la meilleure. Sa mère qui appelle ? C’était quoi, la prochaine étape ? Steen n’arrive pas à croire que sa mère réussisse à les séparer même à l’école. Il doit bien reconnaître pourtant, qu’avant de rester avec May, avant que tout commence, Steen avait de meilleurs résultats et moins de problèmes. Mais ce n’est pas de la faute de May. Il veut seulement découvrir la vérité concernant la mort de son père, quel qu’en soit le prix.

“Mais madame…
— Donc vous ne devez pas rester ensemble sur le temps des cours. Si un surveillant ou un professeur vous voit ensemble, ils auront le droit de vous punir.”

Le ton sec et sévère de la directrice est sans appel. Elle se tait, les lèvres pincées. Steen comprend que c’est inutile de discuter, alors il sort, la tête baissée, de son bureau. May, qui l’attend un peu plus loin dans le couloir, s’approche de lui pour lui demander ce qu’il s’est passé. L’adolescent passe devant elle sans s’arrêter, l’air toujours aussi désespéré.

“On a plus le droit de parler, de s’approcher, ou de se regarder.”

Les larmes aux yeux, le jeune garçon se dépêcher de filer. Il va dans les toilettes et s’enferme un moment, le temps qu’il se sente un peu mieux. Il n’a aucune envie de retourner en cours, et sa fureur ne cesse d’augmenter. Lorsque la sonnerie retentit, il retourne en cours, et reprend ses vieilles habitudes, seul au fond de la classe. Comment vont-ils faire s’ils ne peuvent plus se parler nulle part ? Steen croise les bras et pose sa tête pour laisser les larmes couler, ignorant la leçon du professeur, les exercices à faire, et les quelques regards braqués sur lui lorsque les curieux se retournent.

May reste interdite, immobile dans le couloir. Elle voudrait courir après son ami, mais elle ne veut pas lui causer plus d’ennuis. Alors elle reste là, plantée contre le mur comme une idiote. Pourquoi ? Pourquoi, pourquoi s’acharner sur eux ? Aucune larme ne coule, seule la colère gonfle dans le cœur de l’adolescente. La colère et l’incompréhension. La tristesse arrivera plus tard, elle le sait. May hésite un instant à se retourner, et aller faire un scandale dans le bureau de la dirigeante de l’établissement, mais son éducation et son désir de ne pas se faire remarquer la retiennent. Au lieu de cela, elle sort du bâtiment et roue le mur de coups. Les briques, plus solides que ses mains, résistent sans qu’elle y laisse une trace et la douleur convainc l’adolescente de cesser son geste. Elle serre ses mains meurtries et se laisse tomber sur le sol dur et froid. Une larme coule, cette fois, et May entend à peine la sonnerie marquant la fin du temps de midi. Elle s’en fiche, elle reste là, assise dans un coin de la cour où personne ne la voit. Après de longues minutes, ou des heures peut-être, la jeune fille se relève et s’enfuit. Elle court dans les rues de Bruxelles, criant sa tristesse et sa rage à qui veut bien l’entendre. On ne pouvait pas lui enlever Steen, non, on n’avait pas le droit.

La mère de Steen attend dans sa voiture, devant les portes de l’école. L’adolescent aux cheveux noirs se force à s’asseoir sur le siège avant, son sac sur ses genoux. Comme certains élèves de sa classe sont encore sur les trottoir, il préfère attendre d’être chez lui pour laisser sa colère exploser. Les freins crissent sur le sol et le moteur s’arrête. Steen a serré les dents tout le long du trajet, et à présent il a du mal à se maîtriser. Il suit sa mère dans les escaliers, va poser son sac dans sa chambre, presque comme si de rien n’était. Mais lorsqu’il retourne dans le salon où sa mère s’est installée, une lueur illumine son regard d’un éclat nouveau, presque effrayant.

“Pourquoi t’as fait ça ? hurle-t-il.
— Steen… Un jour tu comprendras.
— Non ! T’as pas le droit ! Je te déteste !”

La femme soupire, mais Steen ne compte pas en rester là. Il donne un violent coup de pied dans la petite commode, et la lampe de chevet posée dessus tombe dans un fracas tandis que l’adolescent s’acharne sur le meuble de bois.

“J’aurais préféré que tu sois morte !
— Steen…”

Mais le jeune garçon ne l’écoute pas et court jusqu’à sa chambre pour claquer la porte. Il s’effondre en larmes sur son lit, sans aucun moyen de contacter May, et même lui parler est devenu dangereux. Il ne regrette pas ses mots, et il sait que ce ne sont pas des paroles en l’air. Pourquoi sa mère doit-elle toujours se mêler de sa vie privée ? Il est assez grand pour savoir ce qui est bon pour lui ou non, et il a de plus en plus l’impression que rester ici est loin d’être bon pour lui.
Il doit appeler Maxime, et trouver la vérité avant que ça empire. Il est plus que déterminé, et encore une fois, la voix de son père résonne dans sa tête, lui murmurant de ne pas perdre espoir.
“J’aimerais bien t’y voir moi…”
Steen soupire intérieurement. Rien n’est jamais simple, et si parfois la chance leur sourit, en général tout se termine par des désastres.  

“T’aurais fait quoi à ma place, toi ?” fait l’adolescent en parlant au lapin en peluche posé contre le mur.

Le lapin ne répond pas, évidemment. Mais Steen se sent toujours mieux après avoir lâché ce qu’il a sur le cœur, même s’il le partage avec un lapin en peluche.

“Ouais, je dois me reprendre et arranger ça.”

Steen détourne le regard de sa peluche et fixe le plafond blanc, immobile, durant de longues minutes. Il ne voit pas le temps passer, sans son gsm, sans aucune occupation autre que sa contemplation du plafond de sa chambre. Il va encore s’endormir sans avoir mangé, même si la faim le tenaille.

May rentre au centre, fatiguée, poussiéreuse, la gorge en feu et des ampoules aux pieds. Elle a marché des heures durant, seules ← un s en trop dans les rues presque désertes. Son sac lui fait mal à l’épaule, mais elle ignore la douleur. Elle a tout ignoré. Nié. Elle est tout de même rentrée, lorsqu’elle avait crié de tout son soûl. Lorsque l’adrénaline du moment était retombée et que ses sentiments lui faisaient un peu moins mal. Un tout petit peu. La jeune fille s’allonge directement sur son lit, crasseuse et toute habillée, et ses yeux rouges d’avoir pleuré se ferment rapidement.
← Le paragraphe est mal tourné, je saurais pas expliquer pourquoi, mais j'ai mis pas mal de temps à comprendre ce qu'il voulait dire
May se réveille quelques heures plus tard. La nuit est déjà tombée, au vu de la période de l’année. L’adolescente va se doucher, avec l’impression qu’un tambour frappe à ses tempes et qu’elle n’a plus dormi depuis deux jours. Lorsqu’elle retourne dans sa chambre, on vient frapper à sa porte et la jeune fille va ouvrir à une éducatrice du centre.

“Bonjour May. Je peux te parler ?”

L’adolescente accepte en soupirant et laisse passer la jeune femme. Celle-ci paraît très jeune, avec ses longs cheveux blonds et sa voix douce. May l’aime bien, mais elle n’a envie de parler à personne.

“Ton école a appelé. Pourquoi es-tu partie comme ça ?
— Je… C’est leur faute !
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— On peut plus… On… On a plus le droit de se voir…” sanglote l’adolescente.

La jeune femme tente de la réconforter comme elle peut, sans comprendre tout à fait. Mais elle ne cherche pas à en savoir plus, comprenant ← C'est pas à proprement parler une répétition, mais utiliser deux fois le verbe comprendre, ça sonne mal que May n’a pas séché simplement parce qu’elle en avait marre des cours et qu’elle a besoin de se calmer. ← Et sinon je comprends pas bien la phrase Peut-être que plus tard, elle pourra en parler avec la psychologue, mais ce n’est pas ici le rôle de la blonde. Celle-ci laisse la jeune fille sécher ses larmes, puis se relève, prête à la laisser. Elle a juste encore une chose à dire.

“Je peux comprendre que ce soit difficile pour toi, mais tu ne peux pas continuer, d’accord ?”

Un hochement de tête, et l’éducatrice quitte la pièce, laissant May seule avec sa douleur.

Steen a décidé de récupérer un téléphone. Il a noté le numéro de May quelque part, dans un carnet, pour ne pas le perdre. À présent
← Problème de concordance de temps. Soit tu mets "Steen décide" soit "Il avait noté", parce que les actions de "a décidé" et "a noté" ne se déroulent pas en même temps (à moins que le texte soit mal tourné) et ils ne peuvent pas avoir le même temps il se félicite de l’avoir fait. Il ira voir Anja, le plus tôt possible, pour lui parler. Elle comprendra, il en est certain. Elle l’aidera même à faire ce qu’il veut, c’est-à-dire contacter May au plus vite. Dans la salle de bain, Steen regarde les dernières ecchymoses sur son corps, qui finissent de disparaître peu à peu. Il ouvre le robinet, pour prendre une douche bien chaude. Il ne pense plus qu’à une chose, ou plutôt deux. Trouver un moyen de parler à son amie, et de contacter Maxime. Affichant un air résolu, il se met en pyjama, sans passer vers sa mère, pour aller se coucher et réfléchir à tout ça.

“Steen, debout et dépêche-toi, tu vas être en retard !”

Le jeune garçon brun se lève aussitôt. Il sait qu’il n’ira pas en cours aujourd’hui. Tout est déjà prévu dans son esprit, il a déjà programmé sa journée. Il s’habille, fait sa toilette, prend son sac, la lettre de Maxime et le papier avec son adresse et son numéro, et un peu d’argent.

“T’es prêt ?
— Me touche pas. J’y vais tout seul.
— Sûrement pas.”

L’adolescent lui jette un regard noir avant de s’en aller en courant. Avec un peu de chance, il sera de retour avant midi et assistera à la fin des cours. Dans la rue, l’air est gelé. Il frissonne en songeant que ce n’était pas encore l’hiver, et que la température descendrait encore. Il attend à l’arrêt de bus, priant pour que sa mère ne vienne pas le chercher, surtout qu’il ne va pas prendre le bus ← répétition pour se rendre à l’école, mais vers Zaventem. Un bus ← et encore répétition s’arrête, Steen monte la marche en jetant un regard en arrière. Personne ne l’a vu. Soulagé, il se dirige vers le fond du véhicule, et s’accroche à une barre pour ne pas tomber lorsqu’il redémarre.

May s’installe à la place de Steen, puisqu’il est absent. C’est un peu une façon de se rapprocher de lui, en attendant. Elle essaie d’imaginer ce qu’il fait, où il est. Elle espère qu’il ne s’est pas fourré dans les emmerdes à nouveau, parce qu’il commence à s’y abonner. Pourtant, il n’y a pas si longtemps encore, il lui paraissait un garçon sans histoire et, il faut le dire, sans intérêt. Aujourd’hui il semble prêt à n’importe quoi pour arriver à ses fins. La jeune fille se demande jusqu’où il irait, pour comprendre leur passé ou même pour pouvoir être ensemble. Parce que ce dont elle a surtout envie en ce moment, c’est pouvoir regarder Steen et discuter avec lui. Elle n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ça leur est interdit.
Juste avant de débuter son cours, lorsque tout le monde s’est assis, remarquant que le garçon n’est pas là, l’enseignant questionne la classe :

“Quelqu’un sait pourquoi Steen est absent ?”

Bien sûr, tous tournent leur regard vers May, qui hausse les épaules.

“Aucune idée.”

Peu convaincu, le professeur de néerlandais commence tout de même sans poser plus de questions. Il plonge ses élèves dans un texte que May lit sans grande conviction. Les mots devant ses yeux n’ont aucun sens, elle ne voit que l’image de Steen. Elle prend une feuille où elle écrit son nom pour faire semblant de participer à l’exercice. Mais elle se doute que M. Colassin n’apprécierait pas qu’elle réponde “Steen” à toutes les questions. Le texte ne parle même pas de pierre, mais d’une maison. La jeune fille s’en fiche de savoir décrire la sienne et de comprendre les autres. En quoi cela l’intéresserait-elle ? D’autant plus qu’elle n’a plus vraiment de maison.
May soupire, pose sa tête sur son coude plié tout en dessinant de l’autre main. Le temps va être long.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 27 Juin - 13:04

Chapitre vingt

Le bruit des pas dans la rue brise le silence. Steen regrette de ne pas être avec May, mais il n’avait pas le choix. Le vent souffle dans ses cheveux, l’adolescent plisse les yeux. Il connaît ce chemin pour l’avoir fait deux jours plus tôt avec son amie. Si jamais Maxime n’est toujours pas chez lui, alors il essayerait de l’appeler. Il lui dirait que c’est urgent, et il obtiendrait ses réponses coûte que coûte. Il avance d’un bon pas, et son souffle forme de la buée qui se dissipe dans l’air. Le jeune garçon ne cesse de songer à May, qui doit être seule dans la classe. Peut-être qu’elle est assise à côté de quelqu’un d’autre, et penser à cela fait glisser une pointe de jalousie dans le coeur de Steen.
Il atteint la maison des Buyle. Il se frotte les mains pour se réchauffer un peu et va frapper quelques coups sur la porte. Bientôt, un homme ouvre. Steen devine que c’est Maxime et sent un soulagement l’envahir.

“Steen ? demande-t-il.
— Oui, bonjour. Vous êtes Maxime ?”

Lorsque l’homme hoche la tête, le coeur de l’adolescent commence à faire des bonds dans sa poitrine. Maxime l’invite à entrer, et Steen ne se fait pas prier, gelé par le vent d’automne qui souffle dehors. La décoration est simple, quelques jouets traînent dans le salon.

“Installe-toi sur le canapé, fais comme chez toi. Tu veux boire quelque chose ? Un jus d’oranges, thé ?
— Euh… Ça va, merci.
— Alors dis-moi, qu’est-ce que tu viens faire par ici ? T’as pas cours aujourd’hui ?”

Steen hésite à lui répondre sincèrement. Mais il a besoin de se confier, alors il décide d’être honnête.

“Si, mais en fait… J’avais juste une question à vous poser.
— Tu sèches les cours pour venir me poser une question ?
— En quelque sorte.”

L’aveu fait sourire le grand homme, et Steen se sent un peu mieux. Il sort de sa poche la lettre de condoléances écrite à sa mère. Maxime ne sourit plus. Il a reconnu les écritures, et le jeune garçon espère qu’il ne jouera pas le même jeu que sa mère, à esquiver les questions, et toujours cacher quelque chose.

“Je veux savoir comment mon père est mort.”

Il pense soudain aux parents de May. Il parle de son père seulement, même s’il veut découvrir la vérité sur le passé de son amie. Le silence après sa question paraît pesant et extrêmement long.

“Ta mère ne t’en a jamais parlé ? Klaas est mort dans un crash d’avion. C’était le pilote.”

Ça y est. En une seule phrase, tout prend du sens. Quelques mots peuvent bousculer toute une vie, changer tout ce qu’on pensait avant. Maxime ne semble pas prêt à en dire plus, aussi il invite Steen à retourner en cours. Il doit prévenir May. Le plus vite possible. Leurs parents sont donc morts dans un crash d’avion, et ils devaient être ensemble. Finalement, il n’y a rien de plus simple. Ils auraient sans doute pu chercher sur internet ; la date du dix-sept juillet 2006 doit apparaître, avec l’accident, et les informations qu’ils voulaient. Pourquoi se sont-ils autant compliqué la vie ?
Au moins, ils ont la réponse. Enfin, Steen a la réponse. Il doit seulement la transmettre à son amie, se dépêcher de trouver un moyen de lui parler. Il court jusqu’à l’arrêt de bus, tourne en rond jusqu’à ce qu’il puisse monter dedans. Retourner en cours maintenant lui paraît être une idée stupide, alors il réfléchit à autre chose à faire, sans passer par l’appartement de sa mère non plus. Il pense toujours à May, mais bientôt l’image de son visage est rejointe par celui de sa sœur. Il ne peut ignorer la promesse qu’il lui a faite. Il doit réussir à la croiser. Elle doit rentrer chez elle à midi, et il est suffisamment tôt pour que Steen y arrive à temps.
May passe d’une classe à l’autre en traînant les pieds, avec toujours aussi peu de motivation pour écouter les cours. Elle se fait plusieurs fois rappeler à l’ordre mais ne change pas d’attitude pour autant. Cela lui importe peu, et elle ne va pas leur faire plaisir alors qu’elle leur en veut toujours autant. Ils n’avaient pas le droit de les séparer. Simplement pas le droit.
Aisha et Lisa ne sont même pas venues la voir de la journée. Peut-être qu’elles attendent que May fasse le premier pas. Mais elle ne sait même pas si elle en a envie, et elle n’y pense pas trop. Steen occupe entièrement ses pensées. Lorsque la jeune fille rentre, au milieu de la journée puisque c’est mercredi, elle veut d’abord envoyer un sms à Steen. Mais elle se rappelle rapidement que son ami ne l’a plus à disposition depuis lundi. Elle aimerait tant pouvoir lui parler, ne fût-ce que de manière virtuelle. Pourtant, elle doit bien se résigner à attendre.

Anja met sa tête entre ses mains en soupirant. Ses longs cheveux blonds passent devant ses yeux. Elle semble exaspérée par son petit frère, qui a encore une fois séché les cours pour n’en faire qu’à sa tête. Ce qu’elle ignore encore, c’est ce qu’il a découvert. Elle sait seulement qu’il n’est pas en cours, et qu’elle l’a retrouvé trempé, assis sur son paillasson, juste devant sa porte.

“Mais pourquoi t’es pas en cours ?
— Tu te rappelles quand je t’ai parlé de Maxime ? fait Steen tout excité.
— Euh… Ouais.”

Elle fronce les sourcils, maintenant curieuse de savoir pourquoi Steen en reparle maintenant. Elle se doute de ce qu’il a fait, le demi-sourire de son frère ne trompe pas.

“Je suis allé le voir ! Je sais comment papa est mort.
— Allez, dis !
— Un crash d’avion. Et c’était lui le pilote. Et il était à Lyon, les parents de May étaient passagers et c’est pour ça qu’ils sont là-bas !”

Steen reprend son souffle après sa tirade. Il se sent libéré d’un poids énorme. Il aurait pu exploser de joie, courir jusqu’à son école pour prévenir May, hurler ça à tous les gens qu’il croiserait, et pourtant, seul face à sa grande sœur, il n’en fait rien. Ses yeux bleus brillent d’excitation, il doit à tout prix réussir à parler à May. Mais pas aujourd’hui. Il ne peut pas retourner en cours et il en est conscient, mais il n’ose pas non plus rentrer chez lui. Et puis il se sent bien chez sa sœur, pourquoi devrait-il bouger ? Il pleut et il fait froid dehors.

“Ça te dérange si je reste ici ?
— Je dois retourner travailler moi. Bon, tu peux rester jusqu’à mon retour, mais pas de conneries, hein ?
— T’inquiète ! Merci !”

Steen ne saurait pas exprimer ses émotions. Tout est tellement fort, il peut juste s’asseoir sur le fauteuil, et tenter de se calmer en mangeant ce qu’Anja lui apporte en guise de repas. Il se met à l’aise, et se pose la tête sur le dossier du fauteuil tandis que sa sœur repart travailler. Il ne pense plus qu’à May et tout le reste est devenu futile.

L’adolescente ne sait pas quoi faire. Elle aimerait envoyer un sms à son ami, ou même l’appeler, mais elle n’en a pas la possibilité. Et rien ne l’intéresse. Elle n’a même pas le numéro de Maxime, pour l’appeler elle afin d’avancer dans leur enquête, même si Steen a peut-être réussi à le joindre entre-temps. De toute façon, elle n’a pas le numéro et ne sait donc rien faire.
May a rendez-vous avec la psychologue, encore une fois. Elle traîne les pieds jusqu’au petit cabinet. C’est toujours la même femme qui lui ouvre, sur la même petite pièce que la jeune fille commence à connaître. Elle s’assoit dans le même fauteuil que les fois précédentes. Elle sent que toute la consultation sera comme les précédentes.

“Bonjour May, tu vas bien aujourd’hui ?
— Oui, répond-elle d’une ton assez ronchon.
— Moins triste ou en colère qu’hier ?
— Je suis toujours en colère. Ils avaient pas à faire ça ! Ils avaient pas le droit !
— Faire ça… Quoi ? demande encore calmement la psychologue.
— Nous séparer. Non, ils avaient pas le droit. On faisait rien de mal !”

May crie, et elle a envie de pleurer à nouveau. Elle s’est levée, gesticulant sans que la cinquantenaire ne bouge d’un cil. Elle énerve aussi la jeune fille, avec sa voix douce horripilante.

“Toute façon vous servez à rien, vous faites que poser des questions débiles sans rien comprendre !”

La psychologue regarde l’adolescente, et toujours aussi calme, lui enjoint de se rasseoir.

“Parlons plutôt de ce “on”, comme tu dis. Qui sont les autres personnes ? Tes amies ?
— Et si moi j’ai pas envie ?”

Elle ne sait pas pourquoi, mais la jeune fille ne veut pas parler de Steen. Pas ici. Comme si elle voulait le garder pour elle toute seule, ne pas partager ne fût-ce que son image. Elle ne veut pas parler de lui. Ni de ce qu’elle ressent. Ils avaient dit qu’ils arrêtaient de se cacher, mais ce n’est pas pareil. Du moins pour l’adolescente. May sort de la petite pièce en claquant la porte violemment, laissant la psychologue perplexe.

Steen est encore sorti au moment où la pluie s’est remise à tomber. C’est trempé qu’il arrive, une fois de plus, devant la porte de l’appartement. Il frappe à la porte en espérant que sa mère soit là, car il n’a aucune clé, et aucun moyen de la contacter. Il sait qu’il va se faire, une fois de plus, engueuler. Lorsque sa mère vient ouvrir, il se demande si c’est une bonne chose ou non, mais après tout, il n’a pas le choix. Il devait être confronté à elle, à un moment ou à un autre.

“Steen, nom de Dieu, tu m’as fait une de ces peurs ! Où étais-tu ?
— Oui, oui, désolé.”

L’adolescent ferme les yeux un instant, attendant une gifle, ou quelque chose. Rien ne vient. Alors il ouvre à nouveau ses yeux bleus, et fixe sa mère qui lui a tourné le dos. Elle n’a pas l’air furieuse, juste un peu triste.

“Steen, tu sais que l’école a appelé, parce que tu n’étais pas en cours ?
— Oui.
— Tu sais aussi qu’un seul faux-pas, et c’était l’exclusion définitive ?”

Immobile, Steen attend que sa mère lui dise qu’il est viré, qu’elle lui reproche encore tout ce qu’il a fait, qu’elle lui reproche même d’être là, simplement. Elle soupire.

“J’ai dû leur dire que tu étais un peu malade, donc tu peux retourner en cours demain.
— Merci…
— Mais qu’est-ce que je vais faire de toi bon sang ?”

Elle n’attend pas de réponse, et Steen se tait et baisse le regard. Doit-il annoncer ce qu’il a appris à sa mère ? Il lui en veut toujours terriblement. Sa rancune augmente petit à petit ; pourquoi ne lui a-t-elle rien dit ? Ce n’est pas si grave que ça, après tout. C’était un accident, ça peut arriver. Même si son père n’avait pas agi correctement, Steen s’en fiche. L’important restait la vérité, et maintenant qu’il l’a, il peut reprocher à sa mère de la lui avoir cachée tant de temps. Pour rien.

“Je suis allé voir quelqu’un, et je sais tout.
— Tu… Quoi ?
— L’avion, il m’a tout dit ! Pourquoi tu pouvais pas me le dire ? C’était si compliqué que ça, de dire “crash d’avion” ?
— Va dans ta chambre. On en reparle plus tard.”

Le jeune garçon obéit, ne se sentant pas de faire encore des histoires. L’image de May revient dans son esprit. Il n’a plus qu’une idée en tête : lui parler. Demain, en cours, ou à la récréation, il ira lui parler. Peu importe les autres, les remarques et les punitions. Steen va dans la cuisine dès que sa mère est entrée dans sa chambre, et se prépare un sandwich qu’il mâche lentement, pensif.
C’est dur, finalement. Lorsqu’il va se coucher, des images, des flashes d’avions, et May au milieu de tout ça. Des gouttes de sueur perlent à son front. Il ouvre les yeux en sursaut ; des bruits, dehors, l’empêchent de dormir. L’adolescent s’assoit près de la fenêtre et observe le ciel. Les étoiles ne brillent pas, et depuis des jours, les nuages et les lumières de la ville cachent les petits astres qui restent invisibles. Steen n’a plus sommeil. Il attend seulement que le jour se lève, que le temps passe, très lentement.

“Steen… Mon chéri ?”

Assis derrière son lit, le jeune garçon ne bouge pas à l’appel de sa mère. Celle-ci s’approche, s’accroupit auprès de lui.

“Dis-moi, où étais-tu hier matin ? Avec qui ?
— Buyle. Maxime.
— Ah… C’était un collègue de ton père, tu sais ?”

La voix douce de la femme agace Steen. Comme si elle le prenait pour un gamin. Il hausse les épaules. Peu importe qui est Maxime, il connaissait son père et il a dévoilé la vérité tant attendue. C’est tout ce qui comptait.

“Il t’a dit autre chose concernant cet accident ?
— Non. Je dois savoir autre chose ?”

Le silence qui suit la question glaciale de l’adolescent est pesant. Bien trop pesant. Alors lorsque sa mère répond un “non” ferme, il n’y croit pas. Il détourne le regard pour ne pas laisser la haine l’envahir. Sa mère n’a jamais été honnête, et il devine qu’elle ne le sera jamais. Steen se lève, marquant la fin de la discussion avec sa mère. Il doit se dépêcher de se préparer, et croiser May.

L’adolescente pleure encore, seule dans sa chambre, déchirant rageusement des bouts de papier qu’elle réduit en miettes. Elle donnerait tout pour être auprès de Steen en cet instant précis. Ses gestes se font de plus en plus précipités, de plus en plus rageurs. Elle voulait infliger le même sort que celui de ses feuilles à tous ceux qui les empêchent de se voir. Elle a besoin de lui, ce n’est pas plus compliqué que cela, alors il n’ont pas le droit de les séparer. Aucun droit.
La porte de la chambre s’entrebâille doucement et, sans même se retourner, May crie :

“J’veux voir personne !”

Seb s’approche pourtant, voyant la détresse de la jeune fille. Avec son petit coeur d’enfant, il veut la consoler, sécher ses larmes. Entendant ses pas sur le plancher, l’adolescente se retourne. Mais sa rage ne descend pas parce que c’est lui, elle ne fait plus de différence.

“Dégage ! crache-t-elle.
— Mais, t’es triste. J’peux t’aider.”

Le petit s’approche encore et essaie de câliner la jeune fille, à sa manière. May le repousse, sans même voir la détresse dans les yeux du petit, tant son esprit est voilé par ses propres larmes.

“Laisse-moi j’te dis !”

Il s’en va finalement, tandis que l’adolescente détruit ses feuilles de plus en plus. Mais ça ne suffit pas. Elle arrache la lampe de la prise électrique, la première chose qui lui est tombé sous la main, et la balance à l’autre bout de la pièce. Le pied arrive d’abord contre le mur, dans un fracas plutôt satisfaisant et se brise en éclats. Soudainement May se sent mieux. Un peu apaisée, bien que les larmes roulent encore sur ses joues. Des adultes vont arriver, pour comprendre l’origine du bruit et vérifier qu’elle n’a rien, elle le sait. Elle va se faire engueuler, elle le sait. Elle va devoir ramasser aussi. Mais elle s’en fiche. Cela n’a aucune importance.
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 27 Juin - 13:05

Chapitre vingt-et-un

Si seulement Steen avait eu accès à internet, il aurait cherché des informations. Il a l’impression qu’il manque encore quelque chose. Toujours autant de mystères à élucider. Peut-être qu’il devrait songer à se reconvertir en détective privé. Quoique, on peut faire plus discret que lui et son amie. Cette fois-ci, il prend le bus en direction de l’école. Si jamais il se fait virer, il ne pourra plus voir May. Pourtant il est prêt à aller lui parler. À enfreindre au moins cette nouvelle règle ridicule. Il entre dans la cour et cherche May du regard. À l’évidence, elle n’est pas encore arrivée. L’adolescent attend jusqu’à la sonnerie. Peut-être l’a-t-il simplement ratée, puisque lorsqu’il entre dans la salle de cours, May le suit de peu. Il se retient de lancer une injure et va s’asseoir à sa place en ignorant tous les autres élèves.
Il joue pendant tout le cours avec son stylo, préférant dessiner plutôt qu’écouter.

“Bon, Steen, déjà que tu n’es pas là souvent, si en plus tu n’écoutes pas quand tu es là…
— J’écoute.”

Le prof reprend son cours et sans surprise, interroge Steen de temps à autre, qui répond juste à tous les coups. Le jeune garçon observe May le reste du temps. Il reste encore une dizaine de minutes avant la sonnerie, puis encore tout une heure de cours avant la récréation. Autant dire que le temps passe lentement dans ces salles. Depuis des semaines, chaque jour de cours est  interminable. Finalement, la récré tant attendue arrive, et Steen se hâte de sortir pour croiser May. Même trente secondes suffisent à tout raconter. Sans détails, mais au moins, elle doit savoir la vérité, elle aussi.

La jeune fille attendait Steen aussi, avant le cours, mais la malchance a fait qu’ils ne se sont pas croisés. Ils n’essaient même pas de savoir côte à côte, et May s’installe à une place encore libre ailleurs dans la salle. Comme son ami, elle ne fait qu’attendre la pause, pour essayer de voler quelques minutes de temps pour se parler. Elle a besoin de lui parler. Quand ça sonne, elle se dépêche, et l’adolescente se dirige vers un coin peu fréquenté. Elle sait que Steen la suit, et elle n’a pas longtemps à patienter avant qu’il n’arrive lui aussi.

“Je suis contente de te revoir. Je voulais te dire, hier, j’ai fait un cauchemar. Avec mes parents. Et l’avion de Zaventem, ça a peut-être un lien.
— Avec tes parents ? répète Steen en comprenant.
—C’est peut-être qu’un cauchemar aussi, j’sais pas.”

Steen ouvre la bouche pour poser des questions à May sur ce fameux cauchemar. Tout prend forme dans son esprit. Oui, si elle a rêvé de l’incendie, qui a dû se déclencher après le crash, si elle a rêvé même du crash, c’est qu’elle est une survivante. Le jeune garçon brûle d’impatience. Il veut tout déballer d’un seul coup, avant qu’ils ne se fassent surprendre.

“Je suis allé chez Maxime ! Je suis désolé de pas avoir pu le faire avec toi.
— C’est pour ça que t’étais pas là… C’est pas grave, il t’a dit quoi ?
— En fait, nos parents sont bien morts ensemble. Ils étaient…”

L’arrivée d’un surveillant coupe Steen dans son élan. Son sang se fige dans ses veines, c’est trop tard pour tout lui révéler maintenant.

“Retournez en cours les jeunes. Et pas ensemble.
— Mais on a rien fait ! proteste Steen.
— La directrice t’a expliqué, il me semble. Allez !”

Les deux adolescents obéissent. Il n’y a rien à dire et Steen ne veut pas risquer de causer des ennuis à son amie, comme il préfère s’éviter d’autres représailles. Il a juste le temps de glisser à May :

“Ce soir, à la sortie.”

Il est déterminé à ne pas céder face à la pression des adultes. S’il a envie de voir May, il la verra, et puis quoi encore ? Personne ne l'empêchera de faire ce qu’il désire. La tête haute, il rentre en cours, pour assister à la deuxième partie de la journée barbante.

May se faufile hors de la pièce et du troupeau d’élèves bruyants. Son éternel sac traînant sur son épaule droite, elle descend rapidement les escaliers et sort dans le froid glacial. Heureusement qu’il ne pleut plus, elle aime bien Steen mais elle ne tient pas non plus à discuter sous la drache. Elle espère juste qu’il ne fera pas noir trop vite, parce qu’elle veut pouvoir rester plus que cinq minutes avec son ami. Même si ça dépend probablement de sa mère aussi. La jeune fille sort de l’école, et se poste contre la grille, pas très loin de l’entrée. Là, ils ont le droit d’être ensemble, ils ne sont plus dans l’enceinte de l’école. En tout cas c’est que May pense et espère. Elle attend, essayant de ne pas rester entièrement immobile afin d’échapper au froid, jusqu’à ce que Steen la rejoigne. Il n’a pas été très long, heureusement.

“Alors, tu disais quoi tantôt ? commence-t-elle.
— Ah oui, chez Maxime ! Nos parents sont morts dans un crash d’avion. Mon père était pilote, explique le jeune garçon à voix basse.
— Un crash d’avion ? Mais comment c’est arrivé ?
— Sûrement une défaillance quelque part.
— Tu crois que c’est pour ça que j’ai fait un cauchemar ?”

Steen réfléchit, l’air pensif. Elle a rêvé être dans l’avion ? Était-elle dans l’avion à ce moment-là ? Ainsi elle serait une survivante. Il hoche la tête, sérieux.

“Mais alors, t’étais aussi là-bas ?
— J’en sais rien, je m’souviens pas. Peut-être.
— Ça peut expliquer le cauchemar, si tu te trouvais dans l’avion…
— Peut-être. Mais j’ai plus personne à qui demander…”

Maintenant qu’ils possèdent une bonne partie de la vérité, May se demande si elle n’avait pas ignoré quelque chose d’important lors de la fouille dans la maison de sa marraine. Et elle regrette de ne pas l’avoir questionnée plus. Tout comme elle s’en veut toujours de sa fugue, et de ses conséquences. Jamais elle n’a voulu ça. Pourquoi a-t-il fallu que la jeune femme découvre qu’elle était partie et décide de venir la chercher ? May n’a toujours pas de réponse, que des regrets et une certaine tristesse latente ← Alors. Je connais le sens de ce mot, vous en faites pas. Par contre, sauf erreur, il est assez... soutenu ? Pas très courant. Et tout le livre est jusque la écrit dans un langage simple, courant. Ça fait assez étrange ce "latente" qui traine, surtout que tout le monde ne connait pas sa signification. Elle relève la tête vers son ami, les yeux embués.

“Excuse-moi. Ta mère te laisse toujours pas sortir ?
— Non… Je suis désolé.”

Désolé parce que pour lui, tout est sa faute. Il a voulu partir à Lyon et a traîné May avec lui. À cause de lui, la marraine de son amie est morte et sa mère ne le laisse plus rien faire. Il se sent désolé pour May, qui n’a pas mérité tout ça.
Mais avant qu’ils puissent se fixer un autre rendez-vous, une silhouette vient s’installer entre eux. C’est la vieille surveillante que tout le monde déteste, celle qui n’a jamais décroché un seul sourire depuis le temps qu’elle travaille ici.

“On stationne pas devant les portes, allez, ouste !”

Steen a envie de répliquer, mais May lui fait un petit signe comme quoi c’est peine perdue. Alors il rentre chez lui en bus, tandis que May prend le chemin de son centre, les épaules basses. Elle en a déjà plus que marre de ne pas avoir le droit de fréquenter son ami en toute impunité.

Steen tourne en rond dans sa chambre depuis presque deux heures. Il entend sa mère dans la cuisine, puis dans le salon. Il n’a toujours aucune envie de la croiser, et encore moins de la voir après tout ça. Tous ces mensonges. Qui continuent, comme si rien ne pouvait donner une leçon à la mère de famille. Steen n’a besoin que de la vérité pour se sentir mieux. Pour être enfin heureux, parce qu’il ne l’a plus été depuis la mort de son père. Plus entièrement, du moins. C’est plus qu’un pressentiment, c’est une conviction ; Steen sait que sa mère cache encore quelque chose sur ce sujet délicat, mais quoi ? N’a-t-il pas découvert ce qu’il voulait savoir ?
Et s’ils avaient terminé les recherches ? Ce ne serait plus pareil entre May et lui. C’est peut-être pour ça qu’il ne veut pas. Il a peur que ce soit différent, après. Et puis surtout, il a décidé de dévoiler à May ses sentiments. Il ne sait pas encore comment, ni quand. Il lui faut du temps pour se préparer mentalement. Et pour l’instant, l’adolescent ne se sent pas prêt. Il n’est même pas sûr que May éprouve les mêmes choses, et il a peur d’essuyer un refus de sa part. Il ne peut pas laisser sa mère s’interposer entre eux. Le jeune garçon ouvre la porte, sachant d’avance qu’il allait encore créer des disputes.

“Maman ! Appelle l’école pour dire que c’est plus la peine de nous surveiller, avec May. Et rends-moi mon gsm !”

La femme se retourne en voyant son fils toujours aussi remonté contre elle faire irruption dans le salon.

“Vous allez encore faire des conneries, je te connais.
— Non ! J’ai mes réponses, elle a les siennes. C’est bon, on arrête là maintenant.
— Je parlais pas de ça.
— Quoi ?”

Sa mère aussi semble penser qu’ils sont en couple. Comme presque tout le monde, à cause d’une fugue, et de quelques secrets pour se voir en cachette. Ils n’essayent pas de comprendre ce qui leur passe par la tête. Ils ne voient pas plus loin que ça.

“Mon gsm ?
— Pas maintenant.
— Quand ?”

Jamais ? Cela fait trop longtemps qu’il n’a plus son téléphone. Il bouillonne toujours de rage, mais se contient. Il redoute le moment où tout explosera de nouveau. La prochaine fois, qui sait s’il ne tuera pas quelqu’un de sang froid ? Il reste immobile, fixe sa mère qui fait le tour de la pièce pour retourner dans la cuisine. Steen la suit, une idée derrière la tête.

“Y a eu des survivants dans le crash ?
— Arrête de me parler de cet avion, de ton père et de tout ce qui a un rapport avec ça !”

Pourquoi ne réponds-tu jamais à mes questions ?
L’adolescent finit par abandonner une fois de plus, et laisse sa mère seule pour retourner méditer et faire les cents pas dans sa chambre. Il cogite depuis des heures, mais aucune bonne idée ne lui vient. De toute façon, ses bonnes idées ne finissent que rarement très bien. Jusqu’où sont-ils capables d’aller pour obtenir la vérité ? Ils ont déjà fait assez de conneries comme ça. Ils ont provoqué sans s’en rendre compte des bouleversements tout autour d’eux. Au final, Steen et May ont presque découvert ce qu’ils cherchaient. Pour Steen, ce serait déjà terminé si seulement sa mère n’avait pas eu cette hésitation, et si son amie n’avait pas posé cette question qui trotte à présent dans sa tête.
Est-ce que tu es une survivante du crash, May ?

L’adolescente se triture les méninges pour essayer de se souvenir de quelque chose. Il suffirait de peu, pour savoir. Steen a peut-être raison. Peut-être qu’elle a évité une tombe à côté de ses parents de justesse. Elle repense à la chute dans le noir de son cauchemar. Et si elle l’avait véritablement vécue ? Elle regarde ses paumes de mains, cherchant bêtement une quelconque trace du crash. À sa connaissance, elle ne possède aucune cicatrice. Est-ce possible de survivre à un tel accident sans séquelles ? Pourtant, elle est aviophobe. Et cet accident semblerait une bonne explication. Même probable. Comment savoir, sans aucun lien avec son passé excepté une vieille photo et une vieille carte postale, toutes deux plus anciennes qu’elle-même ? La maison de sa marraine a été vidée, et vendue. La jeune fille ne peut y retourner. Il ne reste en réalité qu’une seule solution. Internet et ses archives. S’il y a eu un crash, il y a eu des articles de journaux, forcément. On doit bien trouver quelque part l’information qu’elle cherche : y a-t-il eu des survivants ?
Le problème, c’est que May n’a pas accès à internet comme ça, au centre. Il faudra qu’elle demande à Steen. Ou qu’elle cherche au CDI de l’école, ou dans une bibliothèque. Quoiqu’elle choisisse, elle ne peut pas répondre à sa question sur l’instant. Encore une fois, l’adolescente sort son gsm, puis se souvient que son ami n’a plus accès au sien. Elle soupire. Il lui manque, et elle aimerait beaucoup lui parler. Pourquoi leur a-t-on retiré ce droit ?

Steen se lève en pensant que c’est la dernière journée avant le week-end. Il ne sait même plus s’il l’attendait avec impatience ou s’il le redoutait. Le vent souffle toute la journée. Steen serre les poings chaque fois que May s’éloigne de lui, chaque fois qu’un professeur ou un surveillant les observe longuement l’un après l’autre, chaque fois que les deux amis se croisent sans rien pouvoir faire d’autre que se jeter un regard empli de désespoir. Les heures passent et le jeune garçon ne trouve pas l’occasion de glisser un mot à son amie. Finalement, la sonnerie marquant la fin des cours retentit, annonçant le week-end par la même occasion.

Les coups sur la porte tirent Steen de sa lecture. Sans sortir de sa chambre ni même ouvrir la porte, il écoute pour deviner qui vient débarquer ainsi. C’est Anja, reconnaît-il à la voix. Pourquoi sa sœur arrive-t-elle à l’improviste un vendredi soir ? Lentement, le jeune garçon entrouvre la porte et jette un coup d’œil dehors. Il entend les bribes de conversation, mais ne parvient pas à tout comprendre.

“De toute façon, je dois lui parler, termine la jeune femme d’un ton sans appel.
— Laisse-le.”

Steen referme la porte brusquement en voyant son aînée approcher, et attend quelques secondes avant qu’elle n’entre, pour le trouver assis sur son lit.

“Tu te sens mieux maintenant que t’as la vérité ?
— Non.
— Qu’est-ce qu’y a ?
— Pourquoi t’es là, en fait ? coupe Steen en ignorant la question.
— J’ai pas le droit ?”

Pas dans ma chambre, et encore moins pour me déranger.
Steen serre les dents pour ne pas hurler. Sa sœur n’a rien fait, mais il en veut au monde entier. Il s’empêche de pleurer. Ils ne sont plus des enfants, et le temps où ils se disputaient et où l’un finissait par pleurer est bien loin maintenant. Pourtant, Steen préférerait retourner à cette époque où les seuls problèmes étaient de savoir quand ils allaient manger et quand passaient les dessins animés.

“Allez, raconte-moi. C’est à cause de maman ?
— Ouais.”

En réalité, c’est plus compliqué que ça, mais Anja n’est pas au courant de tout. Et son frère ne semble pas décidé à lui parler de ses peines de cœur. N’insistant pas, la jeune femme aborde plutôt le sujet délicat de leur mère.

“Franchement, j’arrive pas à la comprendre. Enfin je sais pas toi, mais j’ai toujours l’impression qu’elle est pas sincère, et qu’elle doit cacher des choses.
— Ouais, moi aussi. L’a fallu attendre dix ans pour avoir la réponse à une seule question.
— Je voulais te dire… Si tu veux parler à tes amis, tu peux prendre mon gsm.”

La jeune femme insiste sur le “tes amis”, et le cœur de Steen fait un bond. Parler à May, maintenant tout de suite ? Presque sans hésitation, il hoche la tête en souriant.

“Merci.”

Il prend le téléphone que tend sa sœur et ouvre les messages. Depuis le temps qu’il le relit, il connaît le numéro de son amie par cœur, et rentre les chiffres dans le gsm pour écrire un message, le premier depuis qu’il n’a plus aucun moyen de la contacter.

“On doit se voir.
Steen”

Lorsque son téléphone vibre sur le matelas, à côté d’elle, May soupire en pensant que c’est l’une de ses amies qui lui reproche probablement son absence. Elle lit tout de même le message, et en voyant le nom de Steen, un immense sourire éclaire son visage.

“Oui bien sûr !” répond-elle.

Anja devra partir dans peu de temps. Alors il n’a plus beaucoup de temps pour lui parler. Il se presse de répondre, un sourire aux lèvres.

“Faut qu’on arrive à se voir. Tu peux quand ? Demain ?”

“N’importe, demain ça me va. Rdv près de chez toi ?”

May sent son cœur faire un bond dans sa poitrine en écrivant ces mots. Après une semaine sans pouvoir être ensemble en toute liberté, ils vont enfin pouvoir se revoir véritablement. Sans craindre l’arrivée d’un surveillant, d’un prof ou même d’autres élèves. À nouveau, le symbole d’un message se dessine sur son écran.

“Au café comme la dernière fois ? 14h tu peux ?”

Puis, après quelques secondes qui paraissent une éternité, le réponse de May vient enfin le soulager.

“Je me débrouillerai”

La voix d’Anja fait sursauter Steen qui se croyait sur un nuage depuis plusieurs minutes.

“Je dois rentrer. Si t’as besoin du gsm un jour, tu passes chez moi.
— Merci Anja.”

Steen efface les messages rapidement pour rendre le téléphone à sa sœur, et toujours dans un état comme second, il la regarde s’en aller, puis reste sur son lit, immobile, le cœur battant.
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 27 Juin - 13:05

Chapitre vingt-deux


Le réveil est dur pour May, quand elle regarde l’heure elle s’étonne. Elle n’est pas du genre lève-tard d’habitude. Mais cela n’a pas grande importance, elle n’est pas pressée et n’a rien à faire avant d’aller voir Steen. Selon l’avis de ses professeurs, si bien sûr, mais voilà les devoirs ne sont pas sa priorité. Je foutrais bien un "Et" làEn plus il fait beau. Probablement toujours aussi froid, mais beau. Annonce d’une journée magnifique. La jeune fille s’habille avant d’ouvrir les rideaux en grand, d’un jean foncé et d’un sous-pull rose pâle, ainsi que d’un pull vieux mais chaud et encore à sa taille.
Lorsque la jeune fille descend dans la grande salle où les pensionnaires déjeunent, peu d’enfants sont encore à table. May se sert dans le buffet et se dépêche d’avaler son petit-déjeuner car elle voit déjà les autres jeunes de corvée de nettoyage de la salle revenir. L’un d’eux l’interpelle d’ailleurs :

“T’as pas su te lever Je foutrais bien une virgule là May ? Grouille !
— Ouais ouais, j’arrive.”

Dès qu’elle a fini elle se joint à eux, et bientôt le carrelage de la pièce est à nouveau vide de miettes. L’adolescente retourne alors travailler dans sa chambre, bien plus joyeuse que les jours précédents. Plus que quelques heures de patience.
Celles-ci s’écoulent, et à treize heures trente-trois, l’adolescente sort du centre. À la question de la femme assise à l’accueil, elle décrète qu’elle va faire un tour. May n’a jusqu’ici pas fait de connerie, et elle peut sortir sans encombre.

Le jeune garçon aux cheveux sombres surveille chaque mouvement de sa mère. Il sait d’avance qu’elle ne le laissera pas sortir. Il guette le moment où elle ne fera plus attention à lui. Il n’est que treize heures trente et l’adolescent vient de sortir de table, il attend à présent dans le salon. Il n’a que deux rues à parcourir pour se rendre au café où ils se sont donnés rendez-vous. L’impatience lui brûle le ventre. Après des jours d’évitement, de frustration, les deux jeunes vont enfin pouvoir se revoir. Et parler sans que tout le monde les écoute, sans avoir l’impression d’être sans cesse surveillés.
Steen juge que c’est le bon moment pour sortir. Il dépose la feuille sur le fauteuil, en évidence. Il a écrit quelques mots seulement, mais c’est suffisant.

“Je reviens avant ce soir.”

La femme est en train de faire la vaisselle, et les mains sous l’eau, elle est trop concentrée pour faire attention à ce qu’il se passe dans son salon. Steen se glisse hors de l’appartement. Il sera en avance, comme d’habitude, mais attendre ne le dérange pas.

May descend de son bus dans une rue adjacente à celle où se situe le petit café et se dirige d’un pas rapide vers l’établissement. Son souffle forme un petit nuage dans l’air, tant la température a baissé. Elle est en avance de quelques minutes, mais entre déjà pour échapper à l’air froid du dehors. Elle pousse la porte et aperçoit Steen dans un coin de la salle, déjà assis à une petite table. Il ne semble pas l’avoir remarquée, et sursaute légèrement lorsqu’elle arrive devant lui. L’adolescente rit, et le jeune garçon la regarde quelques secondes l’air faussement vexé. La jeune fille s’assoit en face de son ami.

“Ça va, t’as pas eu trop de soucis pour venir ?
— Non, mais j’aurai sûrement des soucis pour rentrer. La routine, quoi !
— Pourquoi elle veut pas te laisser tranquille ? On fait rien de mal quand même…
— Elle a peur qu’on découvre la vérité peut-être ? hasarde l’adolescent.
— Mais quelle vérité ? On sait pour le crash, qu’est-ce qu’elle pourrait cacher d’autre ?”

À cet instant, un serveur arrive tandis que Steen réfléchit toujours à ces réponses, sans avoir aucun indice pour les mettre sur la bonne voie. Les adolescents relèvent la tête pour commander.

“Vous désirez boire quelque chose ?
— Heu… Un chocolat chaud s’il-vous-plaît.
— Un deuxième.”

Le serveur hoche la tête et retourne au bar. May le regarde s’éloigner, distraite, quand la voix de Steen focalise à nouveau son attention.

“Je suis certain qu’elle cache encore des secrets, ça se voit, reprend-il à voix basse.
— C’est possible, mais il y a que toi qui sais. Je la côtoie pas ta mère, moi. Mais qu’est-ce qu’on fait alors ?”

Après quelques secondes de silence, Steen finit par proposer l’idée qui lui trotte dans la tête depuis plusieurs minutes déjà.

“Et si on trouvait les autres survivants ?”

Steen ignore si cela les aidera à savoir si May était dans l’avion pendant le vol, mais peut-être que cela leur fera comprendre d’autres mystères. Et puis, si une gamine de trois ans a survécu à un crash, peut-être que d’autres aussi. Il suffit de retrouver un article de journal évoquant l’accident, et ils auront le nombre de survivants et peut-être les noms. Dans ce cas, celui de May sera écrit noir sur blanc, et il n’y aura plus aucun doute possible. Dans la tête de Steen, tout est prévu, même les résultats. Il voit déjà le nom de son amie, ceux des autres survivants, et il n’aura plus qu’à chercher une adresse pour avoir une dernière réponse.
Sauf que tout n’est pas aussi simple. Mais Steen est bien décidé à garder espoir, comme son père le lui conseille, et à terminer leur enquête. Ils sont si près du but…

“Si tu peux aller sur internet, on devrait trouver les informations manquantes, non ?
— Je pourrais pas au centre, mais on peut… euh, je peux chercher ailleurs, termine-t-elle en se rappelant que Steen n’a pas un champ d’action pareil au sien.
— Je t’aiderai comme je peux, si j’arrive à ressortir…”

Le jeune garçon en a marre d’être constamment pisté, espionné, surveillé, mais il ne peut rien faire de plus que désobéir aux règles pour continuer à voir May.  

“Peut-être que ça vaut mieux que je le fasse seule, cette fois. Je veux pas t’apporter encore plus d’ennuis.
— Sûre ?
— Ouais.”

La jeune fille ne sait pas encore comment elle va faire, mais elle s’arrangera. Peut-être dans une bibliothèque, ça ne devrait pas être trop compliqué. Le serveur revient avec deux tasses fumantes et les dépose devant les deux amis. May souffle sur la sienne pour refroidir la boisson, puis regarde à nouveau Steen en attendant que cela refroidisse ← Tu devines toute seule ? e.e un peu.
Le garçon préférerait sortir et chercher avec May, mais il sait que ça risque d’être compliqué. Surtout si personne ne le laisse sortir ← Idem qu'au dessus. Peut-être qu’il devrait songer à emménager chez Anja, du moins pour quelques temps. Pas sûr que leur mère soit bien d’accord. Cela n’importe pas à Steen qui a envie de décider de ses actes, sans avoir à se justifier à chaque minute. Il boit quelques gorgées de son chocolat chaud avec un air de déjà vu, car c’est déjà la deuxième fois qu’ils viennent dans ce petit café pour se cacher du regard des autres.

“Sinon au fait t’as utilisé le gsm de qui hier ? Tu pourras recommencer ?
— Celui de ma sœur, elle est passée à la maison. Elle m’a dit que je pouvais aller chez elle pour l’utiliser en cas de besoin.
— Oh c’est bien ça !
— J’hésite à aller vivre chez elle. Mais avec ma mère… confie le jeune garçon.
— J’sais pas si c’est vraiment une bonne idée. Quoique…”

May boit plusieurs gorgées de son chocolat, tout en réfléchissant. Si ils pouvaient se voir plus souvent, ce serait génial, mais Steen risquerait de payer ce déménagement d’une façon ou une autre. Cette solution n’est pas forcément la bonne.

“On pourra parler et aller plus vite dans nos recherches.
— Ouais mais ta mère apprécierais sûrement pas et j’suis pas sûre que ce soit une bonne chose. Même si ça serait bien mieux à court terme.”

Steen soupire, May a raison. Il sera ← "serait", faut utiliser le conditionnel ici (enfin je crois) puni à vie après ça. Il aimerait tellement que tout soit plus simple… Il est prêt à payer le prix pour pouvoir continuer à parler avec son amie. Il se souvient de ses pensées de la veille. L’adolescent tripote la manche de son pull en laine, sans réussir à évoquer ses sentiments.

“Je… Euh May ?
— Oui ?
— Tu penses qu’après tout ça, ça changera entre nous ?”

Steen a peur qu’elle passe à autre chose, qu’elle veuille retourner avec ses amies, dès qu’ils auront toutes les réponses à leurs questions. Tout pourrait redevenir exactement comme avant, enfin presque. Steen au fond de la classe, plus ou moins ignoré de ses camarades, et May avec ses amies. Mais pour May, cette époque est quasiment révolue. Surtout depuis les reproches de Lisa. Une vie sans l’amitié de Steen lui est devenue inconcevable.

“Et pourquoi ça changerait ?
— J’en sais rien… Je tiens à toi tu sais.
— Et tu crois que tu comptes pas pour moi ? Si oui, bah… t’as tort.”

Steen sourit à son amie. Il serre ses mains autour de la tasse encore chaude et la termine d’une traite.

“Tu veux qu’on fasse quoi cet aprèm’ ?
— J’aime bien marcher, mais là fait pas chaud… Je sais pas trop. Et puis j’ai presque pas de sous.
— Moi non plus…” fait Steen en regrettant de ne pas avoir pris plus de pièces.

Steen joue avec sa tasse encore quelques instants, comme s’il évitait le regard de son amie. De toute façon, ni l’un ni l’autre ne pourra rester longtemps. Machinalement, le jeune garçon porte la main à sa poche, avant de se souvenir qu’il n’avait plus de téléphone. Il tourne la tête vers l’horloge accrochée au mur, au-dessus du comptoir. Décidant de rester dans le café plutôt que se geler dehors, les deux jeunes parlent d’autres banalités, et évitent avec soin les quelques sujets sensibles.

“Oh… C’est déjà tard… se désole l’adolescent.
— Le temps passe trop vite des fois, c’est horrible.
— Surtout en ta compagnie !” plaisante Steen.

La jeune fille rougit un peu, puis se lève en même temps que son ami.
Steen et May se séparent près de l’arrêt de bus. Le garçon suit la silhouette emmitouflée dans son manteau, jusqu’à ce qu’elle disparaisse de sa vue. Il tourne le dos à l’arrêt de bus, et se prépare mentalement aux remontrances de sa mère.

May pousse la porte du centre, comme tant de fois. La lourde porte de bois moulu s’entrouvre pour la laisser passer, et la chaleur du bâtiment enveloppe la jeune fille, d’un coup. Presque aussitôt, une voix s’y élève, interrogative.

“T’étais où ?”

La jeune fille se fige, pensant être en faute, avant de reconnaître cette voix timide. Elle sourit, s’approche de Seb et lui prend la main avant de lui répondre.

“Je me baladais, dehors.
— Dans le froid ?
— Il fait pas si froid que ça tu sais. Mais oui. Et toi, t’as fait quoi aujourd’hui ?
— J’ai construit une tour !”

May écoute le garçon décrire son œuvre avec enthousiasme tandis qu’ils avancent dans le couloir. Elle se surprend elle-même à éprouver de l’affection pour le petit gars, même si ce n’est absolument pas pareil que celle qu’elle ressent pour Steen. Seb, il est devenu un peu comme un petit frère qu’elle n’a jamais eu. Le centre en général, est pour beaucoup la famille qu’ils n’ont plus. Mais May n’a jamais eu de frères ou de sœurs de toute façon, même ses parents, elle les a si peu connus.

L’adolescent commence à avoir l’habitude de se faire tomber dessus chaque fois qu’il sort en cachette. Sans faire attention à sa discrétion, il entre dans l’entrée, et cherche sa mère du regard dans le salon.

“T’es allé voir May, pas vrai ?”

La voix lasse de la femme résonne depuis la cuisine. Steen s’avance sur le carrelage.

“Je suis sorti faire un tour.
— Ne mens pas.
— Toi non plus, ne mens pas.”

Déstabilisée, la mère ne répond rien. Le jeune garçon sait qu’il a gagné. Sa mère ne trouve rien à redire, alors il va dans sa chambre et ouvre l’armoire. Les vêtements sont empilés, bien rangés. Steen hésite à les prendre et les mettre dans un sac, avant de s’enfuir chez sa sœur. Au moins, elle l’accueillerait peut-être. Il s’adosse au mur, à côté du placard. Au fond de la chambre, il y a son étagère, où tous ses livres attendent d’être lus ou relus. Mais l’adolescent n’a aucune envie de lire. Il veut seulement retourner voir May, l’aider à trouver les réponses aux questions, et lui parler de ce qu’il ressent. Il se maudit intérieurement de ne pas avoir réussi à le faire cet après-midi, mais il était trop tard à présent.

La nuit tombe tôt, le vent souffle pour arracher aux arbres leurs dernières feuilles. La plupart tendent déjà leurs branches nues vers le ciel indigo. May en voit un au travers de sa petite fenêtre, ses branches presque nues éclairées par un lampadaire. Il fait déjà très sombre, la jeune fille est restée longtemps avec Seb. Heureusement qu’elle n’a pas cours le lendemain. Mais il faudra attendre lundi pour la bibliothèque. Encore attendre pour savoir. Même si les deux jeunes ne sont plus à un jour près, depuis le temps. Et même s’ils aimeraient se voir plus souvent, ça espace les sorties en douce de Steen. L’adolescente commence à se résigner. Elle ne voit pas pourquoi la mère de son ami finirait par changer d’avis.

Steen se relève en silence. Sa mère est déjà partie se coucher, mais le jeune garçon a préféré attendre encore, pour être sûr d’être le seul éveillé dans l’appartement. Dans le salon, les chiffres en rouge brillant du radioréveil affichent vingt-trois heures passées. Steen va attraper le combiné. Lentement, retenant son souffle, il compose le numéro de chez Anja. Les bips sonores semblent durer une éternité avant que la voix ensommeillée ne réponde.

“Allô ?
— Ah ! T’es réveillée.
— La faute à qui, marmonne Anja.
— Mais c’est pas tard.
— Bon, qu’est-ce que tu veux ?”

Steen hésite à dire, finalement. Il sait que sa sœur n’acceptera jamais ses requêtes étranges, mais après tout, maintenant qu’il lui parle, il peut toujours tenter.

“Je peux venir habiter chez toi ?”

Anja soupire au bout du fil. La voix suppliante de son frère lui fait presque de la peine, et la jeune femme connaît à peu près les problèmes qu’il rencontre avec leur mère.

“On en reparle demain, je viens manger.
— D’accord. Bonne nuit Anja.”

Steen raccroche. Ce n’était pas un “non”. Certes, elle n’a pas dit oui, mais l’adolescent sait qu’elle n’a pas envie de refuser. Il retourne dans sa chambre sur la pointe des pieds, et seul dans le noir, des idées lui traversent l’esprit. Toujours aussi silencieusement, il passe la porte de sa chambre, le cœur battant.
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Kayl




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MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 27 Juin - 13:06

Chapitre vingt-trois


L’adolescent au regard déterminé entre dans la chambre de sa mère. Il entend sa respiration profonde, et préfère penser à May, pour se donner du courage. La porte de l’armoire s’ouvre dans un grincement. Steen s’immobilise quelques instants, mais comme sa mère ne bouge pas, il continue et ses mains rencontrent la caisse. C'est là où est rangé tout le bric-à-brac, et c’est surtout là où Steen a récupéré son gsm la première fois. Il espère qu’il y sera une fois de plus. Il commence à fouiller, comme il le peut, sans aucune lumière. Après dix bonnes minutes, Steen se dit qu’il ne trouvera pas cette nuit. Il referme tout, et se hâte de quitter la pièce pour aller dormir.

L’obscurité prend sa place, et la garde longtemps. Décembre arrive bientôt, les jours sont courts et sombres. La nuit est longue, et lorsque May se réveille elle enveloppe toujours la ville. La jeune fille a eu une nouvelle idée, qu’elle s’apprête déjà à mettre en œuvre. Dès que l’heure aura un peu avancé. Elle s’habille en vitesse, sort de la petite chambre et va déjeuner. Le jour commence alors à se lever, petit à petit. Rassasié, la petite brune suit une série de couloirs tous semblables, pavés de carreaux blancs piquetés de noir. Ses pas sont silencieux et s’arrêtent devant une porte en bois brun. L’adolescente toque et une voix lui indique qu’elle peut entrer. S’exécutant, May pousse sur la poignée et entre dans la pièce austère. Au centre devant le mur du fond est installée un bureau encombré. Une vieille femme est assise derrière, triant une pile de paperasse. À l’entrée de May, elle relève la tête et rajuste ses lunettes. L’adolescente s’approche, timide.
“Bonjour.
— Bonjour, mademoiselle. Vous avez besoin de quelque chose ?
— Je… je voulais savoir si la maison de ma marraine avait déjà été vendue. Ou si en la vidant on n’y avait pas trouvé certaines choses.
— Rappelez–moi votre nom ?
— May. May Droubet.”
La femme consulte son ordinateur, qui ne lui donne que des réponses négatives. Elle secoue la tête en ramenant son regard vers l’adolescente, et s’excuse de n’avoir rien pour l’aider. May, un peu dépitée même si elle ne s’attendait pas à grand-chose, la remercie et sort de la pièce en prenant bien soin de refermer correctement la porte.

Comme sa soeur lui avait dit la veille, elle entre dans le petit appartement pour manger. Steen, qui s’est levé tôt et a mal dormi, ressent les effets de la fatigue. Des cernes sous les yeux, l’air maussade, il va s’asseoir à table en silence. Il se sert un peu de riz, qu’il mange grain par grain, le plus lentement possible.

“Steen, mange correctement s’il te plaît.”

Le bruit de la fourchette dans son assiette s’arrête soudainement, et le jeune garçon pousse son assiette un peu plus loin de lui avant de se lever de table.

“J’ai plus faim, annonce-t-il.
— Reste à table quand même.”

Sans écouter le ton froid de sa mère, Steen débarrasse son assiette et va dans le salon, où il prend place sur le fauteuil en attendant que sa soeur vienne le rejoindre. Ses pensées dérivent aussitôt vers May ; est-ce qu’elle a commencé à faire ses recherches ? Est-ce qu’elle va bien ? L’adolescent soupire en son for intérieur. Il ne pourra pas lui parler avant lundi, et même après, ce sera compliqué.
Anja s’assoit sur l’accoudoir, près de son frère, et mime de lui tomber dessus.

“Alors c’est quoi cette histoire encore ?
— Bah je veux plus vivre ici.
— Maman a dit non pour que tu viennes. Mais je crois que t’as raison, elle cache des trucs.
— T’inquiète, je vais trouver.”

Anja fait confiance à Steen sur ce point. Il a toujours réussi à trouver ce qu’il voulait, malgré le prix à payer.

“On verra le week-end prochain si je peux t’accueillir, murmure la jeune femme.
— Ouais, on verra.”

Peu convaincu, Steen ferme les yeux et repose sa tête sur le dossier du fauteuil, signe qu’il ne parlera plus. Anja se relève, retourne voir leur mère dans la cuisine tandis que lui s’en va dans sa chambre.

La journée passe, longue, inutile. Quoique, May a décidé d’utiliser ce temps qu’elle ne sait pas occuper avec Sten à l’étude, ce qui pourrait être une bonne chose pour ses points assez faibles depuis la Toussaint. Je rajouterais bien "pendant" Un moment, elle réussit à bien travailler, mais l’image de son ami vient la distraire. Elle ne sait toujours pas le contacter, elle ne peut que penser à lui. Elle pense à lui presque en permanence désormais. Que fait-il en ce moment ? Est-ce qu’il lit, est-ce qu’il étudie, est-ce qu’il se dispute encore avec sa mère ? May ne peut qu’imaginer, créer des hypothèses.
Elle n’a toujours aucune réponse à lui apporter, le lendemain. Mais ils se le sont promis, si leur enquête prenait fin, ça ne changerait rien. Alors cela n’a pas beaucoup d’importance. ce qui compte c’est de se voir, même de loin, être sûr que l’autre va bien. L’adolescente soupire encore un fois. Quand auront-ils le droit d’être des jeunes comme les autres ?

L’adolescent ne cesse de se retourner dans son lit. Il se dit d’abord qu’il parlera à May demain, puis se ravise, songeant que ce n’est pas le bon moment. Pourtant il faut qu’il lui parle, pas seulement des recherches et des idées folles, mais de tout ce qu'il ressent et qu’il n’ose pas évoquer à voix haute. Il finit par se laisser emporter par le sommeil. Après de longues heures agitées, le réveille sonne, interrompant ses mauvais rêves.
Comme chaque lundi matin, il se rend en cours sans se presser. Arrivé dans les premiers, le jeune garçon reste seul dans son coin, sans se mêler aux petits groupes d’élèves qui se forment peu à peu. Il ne cherche qu’une silhouette parmi celles de sa classe. May. La jeune fille aux boucles brunes finit par arriver, et Steen ne s’approche pas d’elle. Il y a déjà eu trop d’ennuis à cause de lui. La sonnerie marque la fin des discussions de chacun. Le jeune garçon entre derrière les autres, et va s’asseoir en silence, au fond de la salle. Ce n’est pas encore ce matin qu’il pourra aborder son amie.

May lance un sourire furtif à son ami en s’asseyant quelques rangs devant lui. Une autre élève prénommée Farah s’assoit à côté d’elle sans lui prêter attention. May replonge alors dans son cahier et essaie de suivre le cours si lent et les suivants, mais se retient de sauter de joie lorsque le temps de midi arrive. Même si elle ne peut pas aller manger avec Steen, c’est toujours qu’écouter les cours qui l’endorment peu à peu. La jeune fille se lève, range ses affaires lentement rien que pour sortir de la salle en même temps que Steen. Mais dans le couloir ils se séparent et l’adolescente sort dans le froid glacial. Elle remarque Aisha, Lisa, et d’autres avec qui elle traînait sans cesse, avant. Ils rient fort. Elle s’approche d’eux, et lance d’un ton joyeux :

“Salut ! J’peux me joindre à vous ?”

Aussitôt les rires cessent et des regards méfiants se tournent vers la petite brune. Une fille se détache du groupe et vient vers May, l’air sérieux.

“C’est trop tard, May.”

La jeune fille s’éloigne, blessée, triste et en colère contre elle-même. Comment a-t-elle pu laisser tomber ses amies comme ça ? Décidément, le prix de l’amitié de Steen est lourd à payer. Lourd à porter. Mais elle ne fait que récolter ce qu’elle a semé. Tout ça, c’est toujours de sa faute ← La faute à qui ? A May ou à Steen ?. May retourne dans son coin de cour, là où elle s’isolait lorsqu’elle était en deuil. Elle pose son sac, s’assied à moitié sur celui-ci et à moitié sur le sol. En relevant les yeux, elle aperçoit Steen, dans la même position à l’exact opposé de la cour. Elle sort ses tartines en lui faisant des signes discrets, essayant qu’il la remarque. Peine perdue dans un premier temps, il finit par la voir aussi et répond par signes à son tour. Une sorte de discussion muette s’engage, bien que basique, mais ça les amuse. Lorsque l’adolescente lâche un petit rire, un élève la regarde comme si elle était folle, mais elle ne fait pas attention à lui tout comme le garçon se replonge tout aussi vite dans son échange de cartes de football avec ses amis. Steen et May échangent ainsi une bonne quinzaine de minutes. Mais même pour ça, ils n’ont apparemment pas droit à l’impunité. Un surveillant remarque leur manège et s’approche de la jeune fille, l’air plutôt menaçant.

“Ça suffit mademoiselle, ou je serai obligé de sanctionner !
— Mais monsieur, qu’est-ce que j’ai fait de mal ?
— Ne me prends pas pour un idiot, May. Tu sais aussi bien que moi que toi et Steen vous ne pouvez pas faire ça.”

La jeune fille se mord la lèvre et serre le poing jusqu’à ce que ses ongles laissent une trace sur la paume de sa main. Elle s’est relevée, et veut s’empêcher de faire une connerie. Elle n’en peut plus, de cette règle débile. Ils sont tous trop cons. Ils n’ont pas le droit de faire ça ! Ils ne cherchent même pas à comprendre, cette bande de cons. Vraiment, de cons. May le pense très fort, et voudrait bien laisser le mot franchir la barrière de ses lèvres. Elle se retient, se détourne et s’en va tout en maudissant l’école silencieusement. Peut-être qu’un jour elle aura réellement la force de se rebeller ainsi, mais ce jour ne semble pas encore arrivé.

Le jeune garçon laisse ses bras retomber lorsque May s’en va. Il a envie de se lever, de courir après son amie. Mais ses jambes refusent de le porter, alors il reste assis et regarde la jeune fille tant qu’il le peut, avant qu’elle ne disparaisse, happée par la foule d’élèves. Il passe ses bras autour de ses genoux, recroquevillé sur lui-même, jusqu’à ce que les cours reprennent. Il se relève difficilement, et ignore le regard trop insistant de sa prof lorsqu’il va prendre place à côté de Mohamed, l’un des seuls banc encore libre.

“Ça fait longtemps, tiens, murmure son camarade.
— Ouais.
— Faudra que tu m’expliques, j’ai rien compris.
— Si tu veux.
— Silence !” lance la prof sans lever les yeux du bureau.

Steen se concentre tant bien que mal sur l’exercice, qui n’est pas si compliqué. Mohamed réfléchit sans écrire sur son cahier, pendant que Steen termine presque avant de se faire interrompre de nouveau.

“Demain soir, ou mercredi, tu peux venir chez moi si tu veux.
— Euh… Je suis pas sûr que ma mère soit d’accord.
— Pourquoi pas ? demande le garçon en plongeant ses yeux noirs dans ceux de Steen.
— Elle pensera que je vais voir May…”

Steen baisse le regard, se rendant compte qu’il n’aurait pas dû dire ça. Que va penser son camarade quant à May et lui ? Mais Mohamed ne fait pas de remarque là-dessus et propose :

“Et si je viens ? Sans vouloir m’incruster hein.
— Dernier avertissement, vous deux ! Après c’est dehors !
— Je te dis demain,” promet Steen en ignorant la prof.

Les deux adolescents se taisent, et Steen se force à rester concentré sur ce qu’explique la prof. Il finit par décrocher au bout de trois fois qu’elle répète la même chose pour deux ou trois élèves au fond ← Bizarre ta phrase. Il tourne la tête, pour apercevoir May un instant. Elle écrit l’exercice, et ne fait pas attention aux autres autour d’elle. Le garçon aux cheveux sombres gesticule encore tout le cours, se demandant pourquoi Mohamed veut venir chez lui. Est-ce qu’il devient… Ami avec lui ? Steen n’a jamais détesté Mohamed, qui a toujours été gentil avec lui, même si avant, la seule raison pour laquelle il lui parlait était les devoirs. ← Trop longue, on se perd un peu...
Lorsque Steen sort après tous ses camarades, le soleil se couche déjà. Les jours sont de plus en plus courts. L’adolescent se dépêche de rentrer chez lui, pour ne pas oublier de lui parler de l’invitation de Mohamed.

“Maman ? Je peux inviter Mohamed, pour bosser ?
— Qui, que, quoi ? ← BORDEL J’ÉTAIS MORTE DE RIRE TOUTE SEULE COMME UNE CONNE
— Mohamed, un ami qui comprend rien en maths. Je lui ai dit que je l’aiderai. Il peut passer ?
— D’accord, quand ça ?
— Mercredi ? Mais comme j’ai pas mon gsm, je sais pas trop…
— Bien tenté. Tu lui diras demain.”

Steen se demande pourquoi sa mère dit oui aussi facilement pour un gamin qu’elle ne connaît pas, mais pas pour May. Il est toujours aussi furieux de ne pas pouvoir approcher son amie. Au moins, ne plus être tout seul lui fera du bien. Et puis, peut-être que Mohamed est un garçon gentil, prêt à l’aider ? Steen ne sait pas trop, mais conformément à la promesse faite à son père, il garde encore espoir.

May a plus de mal. Au centre, elle pleure dans son oreiller. On lui a retiré Steen, et maintenant ses anciennes amies se détournent d’elle, elles aussi. Elle se retrouve seule, isolée. Elle s’en veut toujours. Quand ses larmes se tarissent, elle se rappelle qu’elle devait aller à la bibliothèque. Qu’elle l’avait même promis à Steen. Elle vérifie qu’il n’est pas trop tard, puisque la jour décline déjà. Mais il n’est que seize heures cinquante-quatre, la jeune fille a encore un peu de temps pour aller jusqu’à la bibliothèque la plus proche et chercher les informations dont elle a besoin. Elle frotte ses yeux un peu rouges, les mouille à l’eau claire pour cacher le plus possible son instant de faiblesse. L’adolescente cligne des yeux pour en chasser les gouttes et se calmer, en quelque sorte. Puis elle retourne vers l’entrée du centre. En chemin, elle croise une éducatrice.

“Heu, je voudrais aller à la bibliothèque pour un travail scolaire, mais je ne sais pas laquelle est la plus proche d’ici.
— Il y en a une quatre rues plus loin. C’est facile, tu prends à droite en sortant, puis la deuxième à gauche, tu vas tout droit et tu finiras par trouver.
— Merci !
— Pas de quoi May.”

La jeune fille sourit, et ressort. Elle suit le chemin indiqué et trouve effectivement une petite bibliothèque. L’adolescente entre, salue les deux bibliothécaires et se dirige vers un ordinateur libre. L’accès au wifi est gratuit, et le code inscrit sur une petite feuille de papier collé au mur. Lorsque l’ordinateur est allumé, elle entre le code et tape « crash 17 juillet 2006 » dans la recherche Google. Presque instantanément s’affichent des résultats, dont deux articles de journaux en ligne. May clique sur le premier. Une photo d’un avion déglingué prend toute la place à l’écran. La jeune fille l’observe, ainsi ce fut ça qui a causé la mort de ses deux parents. Elle fait ensuite défiler l’article qu’elle lit attentivement. On y parle de deux survivants seulement. Une petite fille, pour laquelle “on ignore comment elle a pu survivre à une telle catastrophe, sans même une trace de blessure physique”, et un homme “brûlé partiellement au troisième degré qui s’est incroyablement accroché à la vie”. May relit les phrases, plusieurs fois. Elle se doute que la petite, c’est elle. C’est une trop grande coïncidence pour que ç’en soit véritablement une. ← Euh... whut ? La phrase est bizarre, j'ai pas tout compris...

Steen regarde la nuit tomber par la fenêtre de sa chambre. Il se demande si May est assise de l’autre côté de la ville, à regarder par la fenêtre elle aussi. Il ne sait toujours pas à quel endroit précis est le centre, mais en cherchant sur internet, il pourrait trouver et lui rendre une visite, un jour… Il rêve sans doute. Déjà, s’il avait accès à internet, il aurait pu essayer de déterminer les causes de cet accident, les survivants, et ils auraient terminé leur enquête depuis bien longtemps. Sauf que tout le monde semble vouloir lui mettre des bâtons dans les roues, et l’empêcher d’atteindre son but.
Est-ce que May ressentait cela, elle aussi ? Quand auront-ils le droit de se revoir ? Steen a l’impression que, hormis à Lyon, leurs proches voulaient les séparer. Ils ont réussi, certes. Mais l’adolescent ne compte pas les laisser faire encore longtemps. De toute façon, il commence à avoir l’habitude de se rebeller. Ce ne sera qu’une fois de plus, et il fera en sorte que ce soit la dernière. Il compte bien pouvoir parler à May sans se cacher, sans avoir l’impression d’être un bandit qui ferait quelque chose d’illégal.
La prochaine fois, je te promets de tout te dire, May.
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyLun 27 Juin - 13:09

Chapitre vingt-quatre

May cherche à parler à Steen, juste quelques secondes, le temps de lui donner l’article qu’elle a imprimé. Ça coûtait quelques pièces, mais elle trouvait ça plus simple, maintenant qu’ils n’ont toujours pas le droit de se parler. Et puis, ça l’empêchera de trembler en lui expliquant. Elle est toujours troublée par cette image, celle de l’avion écrasé au sol, calciné aux trois quarts. Comment a-t-elle pu survivre à pareille catastrophe ? La question que se posaient les journalistes, elle se la pose encore aujourd’hui. Peut-être que personne n’aura jamais la réponse.
La jeune fille y réfléchit encore tandis que la prof de maths donne une série d’exercices à faire pour le jeudi. May les note dans un coin de sa feuille, range ses affaires pour se diriger vers la classe suivante. Elle traîne, dans le couloir, attendant une occasion de donner l’article à Steen. Il arrive juste derrière elle, elle lui tend la feuille en chuchotant :

“J’ai trouvé ça à la bibliothèque.”

Puis elle avance, se joignant aux autres élèves. Elle ne veut pas prendre plus de risques.
Steen prend la feuille, surpris. Mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, May a déjà disparu. Il ne peut pas regarder la feuille, pas maintenant. Il entre dans la salle de cours, remarque May, déjà assise, et va prendre place au fond, seul. Après avoir sorti ses affaires, il pose l’article devant lui pour le lire, tout en vérifiant que le prof ne le regarde pas. Le jeune garçon parcourt rapidement le texte. Deux survivants. Seulement deux, mais c’est un survivant à interroger. ← C'est mal tourné... C’était il y a dix ans. Avec un peu de chance, ils pourront le retrouver sans trop de mal. Et si jamais il habitait à Lyon ? Steen se voit mal y retourner une seconde fois dans le dos de sa mère. La première fois s’était déjà terminée en catastrophe…
Il n’y a pas de nom. Rien n’indique qu’il s’agit effectivement de May, même si tout est cohérent. Mais surtout, rien sur l’identité de l’homme survivant. Steen se dit que c’est une avancée pourtant. Petit à petit, ils réunissent les informations, et forment le puzzle. Pièce par pièce.
À la récréation, Steen tente de croiser May, en vain. C’est sur Mohamed qu’il finit par tomber, à force de faire des allers et retours dans la cour et les couloirs.

“Salut Steen ! Tu fais quoi ?
— Oh. Euh… Salut Mohamed. Je… Rien.
— T’as demandé à ta mère alors ?
— Oui, elle est d’accord, tu peux venir chez moi mercredi. Euh… Tu veux mon adresse ?
— C’est mieux ouais…”

Steen sort un morceau de brouillon de son sac, et écrit son adresse dessus, qu’il tend à son camarade.

“Ah c’est pas loin ! Merci mec, t’es génial. J’te revaudrai ça !”

Steen retourne en cours, et jusqu’au soir, il cherche à voir May. Mais même à midi, impossible de la croiser seul. Toujours d’autres élèves qui les regardent, des profs ou surveillants qui les surveillent. Pourtant, à l’heure de la sortie, il parvient à rattraper la jeune fille juste devant l’école, avant qu’elle parte de son côté.

“May, attends !” s’écrie l’adolescent en courant derrière elle.

La jeune fille se retourne, un petit sourire se dessine au coin de ses lèvres. Steen la rejoint, et ils s’éloignent un peu, pour s’écarter de la foule d’élèves et de surveillants.

“Je voulais juste te dire…
— Pour l’article ?
— Euh… Oui au fait, tu l’as trouvé où ? Enfin, je voulais pas te parler de ça mais en fait…”

Comme il sent qu’il s’embrouille dans ses phrases, Steen se tait, le visage rouge et le cœur battant la chamade. Il se répète de se calmer, de respirer, mais rien n’y fait.

“Sur internet, dans un journal en ligne. Mais donc, tu voulais me dire quoi ?
— À la bibliothèque ? Euh je voulais te dire que… Je crois que… J’éprouve des sentiments pour toi.”

L’adolescent a l’impression d’avoir la tête vide, la gorge sèche, et il ne sait plus pourquoi il lui a dit, mais c’est fait. Il a l’impression de suffoquer, de manquer d’air, il voudrait reculer et s’enfuir. Les quelques secondes de silence qui accompagnent sa déclaration le font presque paniquer.

“Euh… Je…”

May ne sait pas quoi répondre, elle bafouille à son tour, détourne le regard. Elle a chaud, elle a froid à la fois. Elle ne s’attendait pas à ça. Elle n’ose même pas le regarder en face. Elle est gênée, s’embrouille, mais finit par répondre d’une petite voix, mettant fin à l’attente intenable du garçon.
“Moi aussi… Je crois.”

La jeune fille croise son regard, cette fois. Elle y lit la même appréhension que celle qu’elle ressent. Elle se voit presque reflétée dans ces yeux bruns. Mais elle se sent un peu soulagée aussi. Comme si ce sentiment avait été trop lourd à porter seule.
Steen ne sait plus quoi dire. Il doit rentrer, mais il n’en a pas envie, et pourtant il n’a pas envie de rester non plus. Il a peur de ce qui pourrait arriver. S’il avait eu assez de courage, il aurait embrassé May, comme dans les films américains un peu mal faits. Mais s’il a assez de courage ← Because it's a repetition ♫ pour se battre devant tout le monde dans la cour, il n’ose pas croiser le regard de May, et garde les yeux baissés afin que la jeune fille ne voie pas son trouble.
D’autres élèves les observent, attendant un geste, un baiser peut-être. Les deux jeunes ne les remarquent pas, mais ne leur offrent pas non plus ce qu’ils veulent.

“Tu… Enfin je pense que je vais devoir y aller… Ma mère, ‘fin tu sais…
— Oui, t’as raison. Euh… à demain ?”

May ne sait même plus vraiment qu’elle jour on est, tellement elle est perturbée.

“Oui, demain !”

Steen adresse un dernier sourire à son amie avant de tourner le dos, se forçant à ne pas courir. Il sent les regards des autres à présent, et se demande pourquoi il n’a pas attendu d’être seul avec elle pour lui révéler ses sentiments. Au moins, maintenant tout le monde est au courant. Il n’y aura plus de rumeurs, de doutes, et tout le monde parlera de ça demain, Steen en est certain. Il respire un peu mieux lorsqu’il approche de son appartement, son stress envolé. Elle a dit qu’elle l’aime ← C'est "aimait", non ?, elle aussi. Il a l’impression d’être sur un nuage, et de planer, hors d’atteinte de tout ce qui l’aurait affecté en temps normal. Même sa mère, assise dans son fauteuil, ne l’agace pas, et le jeune garçon part dans sa chambre sans lui adresser la parole. Pourquoi gâcher une si belle journée ?

May est bien plus perturbée. L’annonce du garçon la trouble encore, elle ne sait même pas pourquoi elle lui a répondu qu’elle l’aimait, elle aussi. Peut-être juste parce que c’est vrai ? Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Elle marche au radar jusqu’à l’arrêt de bus, puis du suivant jusqu’au centre, l’esprit embrouillé. Dans sa chambre, elle sort une feuille de papier. Petit à petit, sous ses traits de crayons, s’y crée le visage de Steen. Quand la jeune fille ajoute la dernière touche à son dessin, l’obscurité tombe déjà. Elle a pu reprendre ses esprits, entre-temps. Tandis qu’elle griffonnait, ses pensées s’ordonnaient. Son cerveau commence à saisir la portée de leurs aveux respectifs. Elle se sent joyeuse, presque euphorique à présent. Steen l’aime. Ils s’aiment. Les rumeurs avaient raison. Mais ce n’est pas une mauvaise chose.

Malgré leur échange de la veille, le mercredi n’est pas différent des jours précédents. Cette foutue règle est toujours d’application, même de simples regards sont interdits. Steen ne peut discuter qu’avec Mohamed, seulement pour se donner l’heure de l’invitation. Et même après les cours, ils ne parviennent pas à se croiser. Frustré, l’adolescent rentre chez lui.

Steen attend calmement, assis sur le fauteuil. Soudain, on frappe à la porte. Steen se dépêche d’aller ouvrir.

“Salut !
— Rentre, invite le garçon aux yeux bleus.
— Oh c’est classe chez toi !”

Mohamed entre, regarde tout autour. Steen emmène son camarade dans sa chambre, se rendant compte qu’il n’a pas invité un de ses camarades depuis plusieurs années déjà. Même May n’est pas rentrée la seule fois où elle est venue jusqu’ici.

“Alors tu voulais qu’on bosse ?
— Ouais, les maths. Au fait, tout le monde est au courant pour hier soir.
— Génial… Et alors ?
— Bah… Rien. Vous êtes ensemble alors ?”

La curiosité de Mohamed gêne Steen qui ne connaît pas lui-même les réponses à ces questions. Il va sortir ses affaires de mathématiques, et pose le livre, le cahier, et un stylo par terre avant de s’asseoir à côté de son camarade.

“C’est quoi que t’as pas compris ? demande Steen en ignorant les remarques de Mohamed.
— Tout le chapitre en fait. Mais réponds moi.
— Je sais pas, on s’est même pas reparlé. On bosse ?
— Ah. Je t’écoute.”

Steen reprend le livre, et commence à expliquer la leçon avec des mots plus simples et des exemples. Mohamed comprend peu à peu, et réussit la majorité des exercices. Lorsque le soir tombe, les deux adolescents se disent au revoir, et Steen se retrouve à nouveau seul. Il peut au moins réfléchir calmement. Mohamed ne semblait pas trop jaloux. Pourtant, c’était lui qui paraissait amoureux d’elle, avant. Le jeune garçon aux yeux bleus ne lui fait pas confiance, sans trop savoir pourquoi. Un pressentiment, sans doute.
Fatigué d’avoir travaillé toute la soirée, Steen se dépêche de manger et de faire sa toilette pour se coucher tôt. May lui manque. C’est tout ce qu’il parvient à se dire en se glissant sous ses couvertures. Le sommeil ne vient pas tout de suite, mais il finit par s’endormir, et oublie de fermer ses volets, laissant les lumières de la ville s’infiltrer dans sa chambre.

May n’arrive plus à dormir. Le sommeil l’a quittée depuis plus d’une heure déjà, et ses yeux ne veulent pas se refermer. Au contraire, elle voit une seule image en permanence, le visage de Steen. Une idée farfelue fait son chemin dans son esprit tout de même fatigué. La jeune fille s’y refuse d’abord, mais l'idée est attirante, presque folle, et May ressent soudain l'envie de la réaliser. Ça lui vient comme ça, d'un coup. Elle s'habille silencieusement, rapidement, se couvre de vêtements chauds. Elle pousse la porte qui ne grince pas non plus et ses chaussures à la main, marche sur la pointe de pieds dans le couloir. Elle atteint la porte d'entrée, le bureau d'accueil est vide et plongé dans le noir. L'établissement entier est silencieux, mais c'est normal à cette heure-ci. L’adolescente se rend compte qu’elle ne sait pas comment sortir, la porte doit probablement être fermée à clé. Elle essaie tout de même de la pousser, on ne sait jamais. Mais la porte résiste, et May fournit un effort inutile. Elle ne sortira pas ainsi. Elle retourne vers le bureau devant lequel est toujours assise une femme, la journée. Elle ouvre les tiroirs un à un, mais ce serait trop facile. Aucune clé ne s’y trouve. Ses yeux désormais habitués à l’obscurité ambiante parcourent les murs du regard, en quête d’un crochet où des clés pourraient être accrochées. Dans un coin, une forme sombre pend Manque une virgulela jeune fille s’approche pour voir de plus près. Ce sont bien les clés. Elle se met sur la pointe des pieds pour les attraper, sa main se referme tout juste dessus. May retourne alors vers la grande porte avec son butin, essaie une clé l’une après l’autre en essayant de rester la plus silencieuse possible. Après plusieurs essais infructueux, la serrure tourne et le verrou s’ouvre. La brunette enfile ses chaussures et sort, enfin.
Dehors, il fait froid, mais moins sombre que dans le bâtiment. Les rues sont bordées d’un grand nombre de lampadaire, et même si plusieurs d’entre eux sont hors service, une lumière jaune diffuse éclaire assez bien les trottoirs. May se met en route, à pied, rapidement pour se réchauffer. Aucun bus ne roule à cette heure-ci, et le trajet n’est pas si court. Elle court même un peu, pour évacuer le froid qui essaie de s’immiscer entre ses vêtements. Parfois un véhicule la croise, mais ils sont rares, et les passants encore plus. Peu de gens ont l’idée étrange de se promener dans la rue en pleine nuit, à cette saison en plus. May a ses raisons.
L’adolescente arrive devant l’immeuble où habite Steen. Elle le reconnaît, même dans l’obscurité. Elle se souvient même de l’appartement qu’il occupe. C’est au troisième étage, côté rue. Le côté où l’adolescente se trouve, en somme. Le problème, c’est que celle-ci ignore où se situe la chambre de son ami. Si jamais elle tombait sur celle de la mère, la meilleure solution serait probablement de s’enfuir à toutes jambes avant que la femme ne la voie. Le second problème, c’est qu’elle ne sait plus pourquoi elle est venue. Sa toute première idée consistait à lancer des cailloux à la fenêtre de son ami, comme dans les films romantiques. Sauf qu’autour d’elle il n’y a que des pavés, pas de gravier, et puis le troisième étage lui paraît étrangement haut. Jamais elle n’arriverait à lancer assez fort pour que cela touche le bon carreau. Alors elle reste là, les bras ballants, seule dans la rue vide. Elle ne peut qu’imaginer Steen, couché dans son lit et endormi. Elle ne voit même pas la lune, cachée par les nuages et la trop forte luminosité urbaine. Elle est seule. Seule avec la nuit et ses sentiments.

L’adolescent ouvre les yeux et passe une main dans ses cheveux. L’obscurité l’entoure, et pourtant c’est déjà l’heure de se préparer. Il manque de glisser sur une feuille qu’il avait laissée par terre, se stabilise et allume la lumière. Ils doivent retrouver l’autre survivant. Il doit parler avec May. Peu à peu, Steen émerge, et organise sa journée.
Il coupe une pomme en quartiers, qu’il avale rapidement. Il s’installera peut-être à côté de Mohamed en cours, et à midi, il se débrouillera pour croiser May. Sans parler à sa mère, Steen prend son sac et sort de l’appartement. La pluie commence à tomber avant qu’il atteigne l’arrêt de bus, et il peste contre lui-même, regrettant de ne pas avoir pris un autre pull plus chaud. C’est trempé qu’il arrive à l’école, et comme il se sent d’une humeur exécrable, il préfère s’installer seul au fond, et n’écoute même pas le cours dicté par le prof.

La jeune fille a du mal à se lever. Elle n’arrivait pas à dormir cette nuit, maintenant elle aurait besoin de quelques heures de sommeil supplémentaires. Mais c’est trop tard, il lui faut se lever pour aller en cours. Elle ne peut pas y échapper. Elle se dépêche de se préparer et sort presque en courant du centre pour aller attraper son bus. Elle arrive juste à temps à l’arrêt, au moment où le véhicule allait repartir. Quelques passagers tournent le regard vers elle, essoufflée, échevelée, et fatiguée. Le bus est presque plein et May est obligée de rester debout, la main accrochée à une barre métallique presque poisseuse.
En classe, ses condisciples remarquent vite sa petite mine et ses larges cernes. La jeune fille ne peut d’ailleurs s’empêcher de bailler de temps en temps, et d’être distraite. Elle se sent complètement à côté de ses pompes, les paroles de ses professeurs entrent par une oreille et ressortent par l’autre. Les heures passent, inutiles, irréelles. À la sortie, Steen l’interpelle. C’est le seul moment où ils peuvent se parler.

“May ! Ça va ? On a pas pu parler hier…
— Oui oui ça va, et toi ?
— Ça va. Tu fais quelque chose ce soir ?
— Non, je crois pas. Tu saurais sortir sans avoir de problèmes avec ta mère ?
— J’ai un plan, très sérieusement.
— Euh, t’es sûr que c’est une bonne idée ? Sans vouloir te vexer, les derniers n’ont pas toujours bien fonctionné...
— Au pire je me fais engueuler. Elle peut même plus me punir.”

Steen n’a plus grand chose à perdre. Il n’a plus de gsm, ni le droit de sortir, et puis son idée n’est pas aussi dangereuse que Lyon. À part leur fugue en France, ses autres idées n’étaient pas si mauvaises.

“On pourrait retourner à la bibliothèque. C’est plus efficace à deux.
— Ouais t’as raison. Et je préférerais ne pas devoir y retourner seule.”

La jeune fille se souvient encore du sentiment d’effroi qu’elle a ressenti en voyant la photo. Elle ne veut pas y être confrontée encore, même si elle sait que c’est inévitable. Et cette fois, elle aura Steen a ses côtés si il faut. Il pourra la soutenir. Il l’aime, il a dit. Alors il sera là pour elle. Comme il est là depuis leur décision de savoir ce qu’il était arrivé à leurs parents respectifs.

“Bah… On peut y aller maintenant, si t’as un peu de temps.
— Ok, il y en a une pas loin ?
— Je crois qu’y en a une trois rues plus loin, ouais.
— Go alors”, fait la jeune fille avec un sourire fatigué.

Les deux adolescents se dirigent vers la bibliothèque. Steen marche vite, et May a un peu de mal à suivre. Elle presse ses petits pas, et lance :

“Attends-moi !”

Steen s’arrête, prend la main froide de la jeune fille quand celle-ci arrive à sa hauteur. Ils marchent côte à côte, plus lentement. May pousse la porte et ils se dirigent vers le coin informatique.
Steen allume un ordinateur et lance le navigateur. Un peu fébrile, il espère qu’il pourra trouver rapidement ce qu’il cherche. May s’assoit sur une chaise à côté de lui, et ensemble, ils commencent à regarder les résultats pour “crash 17 juillet 2006”. Certains ont déjà été consultés par la jeune fille, mais il y a toute une liste. Des centaines de résultats qui s’affichent. Steen rajoute “survivants” à la recherche, et ouvre un des nombreux sites.

Deux survivants miraculés.
Après de longues recherches, les autorités françaises ont mis la main sur les deux boîtes noires de l’appareil qui s’est abîmé près de Lyon ce 17 juillet. Tous les passagers et membres de l'équipage ont été retrouvés. Il n’y a plus que deux survivants, et les autres passagers retrouvés vivants après le crash ont tous péri entre le lieu de l’accident et l’hôpital, hormis deux miraculés.
Il s’agit d’une petite fille de trois ans, dont les deux parents sont morts, et d’un jeune homme de presque trente ans.
May Droubet ne souffre que de quelques lésions, tandis que Dirk Sintels n’a qu’une jambe cassée et des brûlures sur le corps. Nous n’en savons pas plus sur l’état de ces victimes, hormis que leur pronostique vital n’est pas engagé.

May cherche aussi de son côté, pour aller plus vite. Mais pour tous les résultats dont elle ouvre le lien afin d’en savoir plus, aucun ne lui apporte l’information recherchée. Elle sent le garçon se raidir à côté d’elle, et se retourne vers lui. Elle lit l’article inscrit sous leurs yeux, s’attarde sur son nom. Ils ont la preuve, cette fois. Elle est bien la petite rescapée du crash. Puis elle passe au deuxième nom, celui qui les mènera peut-être à la réponse à toutes les questions. Dirk Sintels. Ce nom ne lui dit rien, mais ça sonne flamand. Jusqu’où vont-ils aller cette fois ? La jeune fille regarde Steen, sans un mot, mais ils se comprennent.

Steen se sent retourné par ce qu’il vient de lire. Ils ont le nom à présent. L’adolescent ouvre un nouvel onglet pour rechercher l’annuaire en ligne.
Il tape le nom complet, et lance la recherche.
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Kayl




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Mayday ~ il faut 10 caractères Empty
MessageSujet: Re: Mayday ~ il faut 10 caractères   Mayday ~ il faut 10 caractères EmptyDim 21 Aoû - 16:02

Chapitre vingt-cinq


Dirk Sintels, à Bruges. C’est une ville flamande, pas si loin que ça. Moins loin que Lyon, déjà. Steen a envie d’y aller, pour poser toutes ses questions, mais cette fois… Il vaut peut-être mieux réfléchir avant de faire des conneries. L’épisode de Lyon s’est soldé par une mort, et l’adolescent n’a aucune envie de vivre un autre événement de la sorte. Pourtant, le jeune garçon s’imagine bien y aller. Il ne sait pas encore quand, ni comment il pourrait échapper à la surveillance de sa mère, mais il a besoin de savoir. Il jette un coup d’œil à May. Elle ne veut sans doute pas recommencer une fugue maintenant.

“Bon… On fait quoi ? C’est pas à côté…
— On est plus à ça près non ? Si tu sais partir, on ira. Je veux savoir moi, comprendre. J’étais dedans...
— Quand est-ce qu’on pourrait ?
— Un week-end, sans doute.”

Steen hoche la tête, pensif. Un week-end, mais pas celui qui vient. Peut-être celui d’après ? S’il se comporte bien avec sa mère durant deux semaines, elle le laissera tranquille. Et puis, il peut toujours recommencer le chantage avec sa sœur… Ça a bien marché la première fois.
Les deux adolescents se décident pour le week-end du dix décembre. Mine de rien, l’année avance vite. Les examens approchent, aussi. Mais May n’a pas la tête à ça. Elle veut savoir, elle voudrait se souvenir aussi, si c’est possible. Que tout soit terminé.
Steen et May se séparent et celle-ci prend le chemin du retour après un salut joyeux. Elle se sent épuisée, et une bonne sieste ne lui ferait probablement pas de mal. Mais il y a des devoirs pour le lendemain, aussi. Le soir tombe, l’heure ne les a pas attendus lorsqu’ils cherchaient à la bibliothèque. Tous les autres pensionnaires sont probablement rentrés, peut-être même que Seb l’attend pour jouer. May devra le décevoir, encore une fois. Elle n’aurait pas la force d’accepter.

Steen n’est pas mécontent de sa journée, finalement. Ça aurait pu être pire. Les recherches avancent progressivement, et puis l’adolescent n’a jamais été aussi heureux. Il aurait presque voulu chantonner sur le chemin du retour, mais il s’est retenu, et a monté les escaliers en silence. Il ouvre la porte, toujours silencieusement. L’appartement semble calme, mais c’est sans doute seulement parce qu’il n’y est pas ; d’habitude, lorsqu’il y a sa mère et lui, ça finit toujours pas gueuler. On s’y fait presque.

“Ah… C’est toi,” murmure la femme.

Un peu surpris, Steen se demande qui d’autre cela aurait pu être. Ils n’attendent personne, et hormis la voisine, personne ne vient jamais ici.

“Euh… Oui. Je suis resté avec Mohamed après les cours. Tu sais, celui qui est venu hier. Pour réviser.
— Ah, bah c’est bien.
— Oui.”

Steen est étonné de ne pas avoir à faire face à des accusations, mais tant mieux. Il se dit que c’est une bonne période, tout simplement. Après toutes les mauvaises qu’il a passées, un peu de répit dans le malheur ne peut pas faire de mal. L’adolescent reste néanmoins un peu méfiant ; il a peur que ça cache quelque chose. Une journée sans cris, sans engueulades ? Ça n’était pas arrivé depuis trop longtemps. Mais peut-être que sa mère veut juste lui faire à nouveau confiance, pour que tout redevienne comme avant. Se sentant coupable, Steen regagne sa chambre pour travailler un peu et méditer sur les nouvelles découvertes.
Bruges.
Le garçon ne sait même pas si c’est une bonne idée d’embarquer May dans d’autres aventures. Suçotant son stylo, il met plus de temps que d’habitude pour faire ses quelques exercices, puis se demande s’il pourrait profiter du comportement actuel de sa mère à son avantage. Il va dans la cuisine pour aider un peu sa mère à préparer le repas et tandis qu’il étend le couvert, il demande d’un ton nonchalant :

“Tu penses que je pourrai récupérer mon gsm bientôt ?
— Euh… T’en as besoin ?
— Un peu. Non mais je me débrouille sans, aussi, mais… C’est vrai que c’est plus chiant, même pour aller sur internet…”

Steen espère que sa mère lui rendra son téléphone. Il n’a plus rien à perdre.

“Et si je te le rends, tu vas encore passer ton temps à écrire à May ?
— Non. On se parle plus vraiment…”

La femme se sèche les mains, et se dirige vers sa chambre. Intérieurement, Steen explose de joie.  Enfin, il revoit son gsm. Il se doute qu’il n’a pas beaucoup de messages depuis la dernière fois, surtout que sa sœur et May savaient qu’il se l’était fait confisquer.

“Oh, merci !”

Le jeune garçon embrasse sa mère, oubliant pour une fois leurs disputes, et le range dans sa poche jusqu’à la fin du repas. Mais aussitôt libre, il va dans sa chambre, et goûte la joie de pouvoir écrire à nouveau des sms à sa nouvelle petite amie.

“Devine qui revient ? :D”

May sursaute lorsque son gsm sonne. Elle s’était assoupie, éreintée par son escapade nocturne associée à cette longue journée. En voyant le nom de l’expéditeur, son cœur bondit de joie. Enfin, ils peuvent à nouveau discuter à d’autres moments que la sortie des cours.

“Oh t’as récupéré ton gsm ? :D”

Steen sourit. Ça lui avait manqué, les longues discussions avec May, le soir. L’adolescent serre son téléphone dans sa main, comme pour s’assurer qu’il est bien là. C’est bon de pouvoir communiquer à nouveau. Il se promet de bien se tenir et de ne faire aucune connerie d’ici la semaine suivante. Il a besoin de son gsm pour planifier avec May. Ou simplement pour lui parler.

“Oui ! Elle me l’a rendu, comme ça.”

Steen espère que ça va durer. Il sait bien qu’après une énième escapade dans le Nord de la Belgique, ce sera foutu. Les deux adolescents espèrent beaucoup de cette dernière virée tous les deux. Car après ça, ils seront encore un peu plus surveillés, et puis… Ils auront sans doute toutes les réponses à leurs questions. Du moins, Steen prie presque pour que ce soit le cas. Cette histoire commence à durer, et avec les examens, l’enquête n’est plus compatible avec les cours.

Les deux adolescents prennent plaisir à discuter de tout et de rien, même si leurs paroles ne sont pas prononcées, ça leur manquait. La soirée avance plus vite, comme ça, et finalement May ne va pas se coucher si tôt que ça. Elle se rattrapera ce week-end, ce n’est pas grave. Ses yeux se ferment seuls, petit à petit, et la jeune fille laisse Steen seul pour se glisser sous les draps. Presque instantanément, elle s’endort.

À nouveau, un avion. À côté, deux personnes au visage flou, et une plus petite qui tient la main d’un adulte. Un au revoir symbolique aux vacances. Mais le dernier. Des sourires sur les visages pourtant, seule chose que la petite distingue. Une certaine joie, et de l’amour. Puis le noir. Un gros bourdonnement. Le ronronnement de l’appareil, les sièges qui vibrent un peu. L’avion qui décolle, les nuages autour. Et la petite fille qui s’endort.
Une odeur étrange. Des cris. Des pleurs. Des chuchotements et des mains qui rassurent. Comme une grosse boule dans la poitrine, et à nouveau cette sensation de chuter. La petite ne veut pas regarder, elle ferme les yeux. À moitié consciente que ce n’est pas la réalité, elle cherche à se réveiller.
Sueur, larmes, peur. Réveil.

Steen laisse passer la journée, un peu abattu. Il a retrouvé son gsm, mais il ne peut toujours pas parler à May. Il aurait besoin de lui parler en face à face pourtant. Frustré, il attend la fin des cours pour échanger quelques mots avec elle, et pas par sms. Assis au fond de la classe, assez loin de May, le jeune garçon l’observe sans rien pouvoir faire d’autre. La récréation, le repas et les cours se succèdent lentement. Il reste encore une semaine entière à supporter ainsi avant de pouvoir se retrouver pour Bruges. Se parler seulement par téléphone, et par messages. Lorsque la dernière sonnerie retentit, Steen se hâte de sortir pour retrouver son amie devant l’école, là où personne ne leur dira rien.

“C’est de plus en plus chiant cette interdiction et ces règles à la con, commente l’adolescent lorsque May le rejoint.
— Ouais, j’suis tout à fait d’accord.
— Ça va sinon ?”

Steen remarque qu’il est gêné, sans aucune raison. Cela fait des jours qu’ils n’ont pas pu parler vraiment, et il ne sait pas trop quoi lui dire. Ils n’ont pas beaucoup de temps de toute façon.

“Oui. Et toi ?
— Ça va.
— J’ai fait un deuxième cauchemar, faut que je sache. Vraiment.
— On trouvera, t’en fais pas.
— J’espère. Je veux que ça s’arrête…”

L’adolescente regarde Steen, et prend conscience des mots qu’elle vient de prononcer.

“Ces cauchemars, je veux dire, précise-t-elle.
— On découvrira la vérité, et ça s’arrêtera, tu verras. Oh merde, je dois rentrer…”

Steen presse la main de May une dernière fois avant de rentrer. Il se force à sourire devant sa mère, à lui faire croire que tout va bien, même si au fond de lui, c’est le chaos. Il ne veut pas la décevoir une fois de plus, il n’a plus très envie de faire des conneries et de passer pour un rebelle, mais la vérité l’attire plus encore. Et puis Anja va le couvrir. Tout ira peut-être bien, pour une fois… C’est vrai que ce serait une première. Les fugues à Lyon et chez Maxime n’étaient pas très réussies, bien qu’ils aient trouvé des informations capitales.

May s’ennuie. Profondément. Elle voudrait être avec Steen. Et dire qu’ils n’iront à Bruges que la semaine prochaine… Cela paraît terriblement long. Les sms, c’est trop peu. Elle veut pouvoir voir le garçon, entendre sa voix, son rire. Elle ne sait plus quoi faire pour s’occuper, la seule idée qui la taraude est de retourner chez lui. Elle se raisonne avec difficulté. Ce n’est pas une bonne idée, non. Même si c’est tentant. Elle sort son cahier de dessin, le feuillette. Les images défilent, de tout et n’importe quoi, de Steen, de son chien. Il lui manque tellement, cela fait longtemps qu’elle ne l’a plus vu, depuis… Plusieurs semaines quand même. Elle ne sait pas où il est. Mais peut-être que quelqu’un sait, ici ? La jeune fille se lève, elle n’a rien d’autre à faire après tout. Si, étudier ses pour ses examens tout proches, mais ce n’est ni intéressant ni motivant.
L’adolescente longe les couloirs carrelés, qu’elle connaît par cœur désormais. Elle arrive devant le bureau de la secrétaire du centre, celle qui possède toutes les informations sur à peu près tout, ici. C’est une femme sans âge, les cheveux bruns tirés en une courte queue de cheval. Lorsque May s’approche d’elle, la femme relève des yeux forts maquillés de son ordinateur.

“Oui mademoiselle ?
— Bonjour, en arrivant ici on m’a dit que mon chien était parti dans un chenil. Est-ce que vous savez où exactement ?”

La femme observe la jeune fille quelques secondes, puis se décide à reprendre la parole.

“Ton nom, c’est May ?
— Oui.
— On va voir ce qu’on peut trouver.”

La secrétaire tapote sur les touches de son clavier en silence, et la jeune fille s’impatiente. Ça lui paraît long, ce ne devrait pas être si long à trouver comme information, si ? Enfin la femme laisse échapper un petit “Ah !” de satisfaction. May pense déjà à retrouver son cher labrador, tandis que l’adulte fronce ses sourcils en lisant ce qui est inscrit sur son écran.

“Je suis désolée, mais je ne peux pas te communiquer cette information.
— Que… Pardon ?
— Eh bien, je n’ai pas le droit de répondre à ta demande”, répète la secrétaire.

May n’en croit pas ses oreilles. C’est quoi encore cette histoire ? Mais quand arrêtera-t-on de l’interdire de voir ceux qui comptent pour elle ? Ce n’est pas possible. Non, mais pourquoi ?

“Mais enfin, c’est quoi cette blague ? Pourquoi est-ce que j’peux pas savoir ?
— Parce que ce sont les règles, jeune fille.
— Elles sont débiles ces règles ! Comme toutes les autres ! Pourquoi vous êtes jamais capables d’en faire des correctes, merde ? C’est des règles pour empêcher les autres d’être heureux, c’est ça ?”

L’adolescente n’en peut plus. Pourquoi c’est toujours pareil ? Toutes ces interdictions, tous ces obstacles, c’est la goutte de trop, cette fois. Elle ferme les yeux et les lève vers le plafond pour s’empêcher de pleurer. Sa mâchoire tremble un peu.

“Pourquoi ?
— Écoute, je vais voir ce que je peux faire, ok ? On va trouver une solution.”

May hoche la tête, se sent idiote. Elle a l’impression d’être une gamine colérique, qu’on ne veut plus contrarier, de peur qu’elle pique encore une crise. Surtout après la réaction de la secrétaire. Celle-ci explique à la jeune fille que ça prendra peut-être un peu de temps, pour discuter de tout ça, et May hoche la tête à chaque fois, en silence. Elle n’a plus qu’une hâte, pouvoir parler avec Steen. Lui, il a le pouvoir de l’écouter et de la calmer, de la rassurer. Elle sait déjà qu’il lui dira que ça ira, mais elle veut lire ses mots, savoir qu’il est toujours là, un peu plus loin dans la ville, et que lui aussi pense toujours à elle.

Hormis discuter par sms, Steen n’a pas beaucoup d’autres occupations durant son week-end. Il révise pour les examens prévus la semaine prochaine, juste après l’escapade à Bruges. Il rêvasse, en attendant que les jours passent. Il relit ses leçons et étudie un peu, puis va s’asseoir sur le fauteuil pour regarder un moment la télé. Ça fait passer le temps. Son samedi se résume à des allers et retours entre sa chambre, le salon et la cuisine, à étudier un peu, manger et se demander ce que fait May de l’autre côté.
Anja vient manger à la maison, comme tous les dimanches. Elle entre, et dépose son manteau trempé sur une chaise. Steen en déduit qu’il pleut encore, pour changer. Après un repas passé dans un silence pas trop pesant, le frère et la sœur se dirigent d’un même pas dans la chambre du jeune garçon, après s’être consultés du regard.

“Alors, ton enquête ?
— Elle avance. Au fait… commence le jeune garçon.
— Quoi ?”

Steen ignore si c’est une bonne idée de parler de ça à sa sœur, mais après tout, elle les a déjà aidés une fois pour Lyon. Et puis aggraver les dettes envers son aînée ne l’enchante guère, mais… Si elle peut les aider…

“On a trouvé un survivant du crash qui habite à Bruges, murmure-t-il le plus bas possible.
— Et tu comptes aller le voir ? En fait, ça te servira à quoi ? On sait comment papa est mort, tu veux quoi de plus ?
— Chut ! On sait toujours pas comment c’est arrivé, et y a rien sur internet. On a déjà cherché.
— Génial… Donc tu vas encore te foutre dans la merde tout seul, c’est ça ?”

L’adolescent se demande s’il doit recommencer le chantage. Sa sœur ne sait plus rien sur lui, alors il pourrait peut-être. Et si Anja décidait de dire à leur mère qu’il s’apprête à partir une nouvelle fois à l’autre bout de la Belgique ? Steen tente de se raisonner ; il n’y a que lui pour avoir de telles idées, sa sœur n’est pas aussi farfelue que ça.

“Sauf que c’est là que tu interviens. Faut que tu dises à maman que je suis avec toi, comme on aurait dû faire pour Lyon. Et qu’on se débrouille pour qu’elle ne sache rien cette fois-ci.
— Et puis pendant qu’on y est, c’est moi qui vous amène là-bas. Parce que je suppose que ton amie va venir ?
— Voilà, bonne idée !
— Non mais je peux pas. C’est quand ?”

Steen réfléchit quelques secondes. Samedi prochain, soit le dix décembre. Sa sœur n’a rien de prévu les samedis, hormis se lever à midi avec une gueule de bois de la veille au soir. Il doit réussir à la convaincre. Et en parler à May, parce qu’elle ne voudra peut-être pas d’Anja entre eux pendant tout le trajet… Il sort son gsm et demande :

“Si ma sœur nous emmène à Bruges ça pose un problème ?”

Puis il se retourne vers Anja, l’air sérieux.

“Samedi. Tu nous couvres alors ?”

Mais avant qu’elle ait pu répondre, Steen sent son gsm vibrer dans sa poche. Il le sort à nouveau pour lire le sms de May.

“Si ça t’empêche de te faire engueuler je ferai avec.”

Steen sourit. Ils vont réussir à y aller, finalement. Heureusement qu’il n’a pas fallu attendre jusqu’aux prochaines vacances. Il jette un regard à sa sœur, qui hoche la tête sans grand enthousiasme. Ils ont gagné une fois de plus. Anja se lève et s’apprête à quitter la chambre.

“Je vais dire à maman que tu viens chez moi, et puis on verra.
— Merci !”

Le frère et la sœur ont à nouveau ce lien qui les unit fortement. Ils retournent dans le salon pour discuter avec leur mère et leur expliquer. Maintenant qu’elle fait à nouveau confiance à son fils, elle le laissera sortir et aller chez Anja sans problème. Steen remercie sa mère et lui promet de ne pas faire de conneries, même si au fond de lui, il ne pense pas un seul mot de ce qu’il dit. Rien n’empêchera les deux adolescents de poursuivre leur but, et de l’atteindre.

May étudiait, pour une fois, lorsqu’une éducatrice du centre frappe à sa porte. C’est la blonde, celle qui était déjà venue essayer de la consoler, l’autre fois.

“Bonjour May, excuse-moi de te déranger dans ton travail, commence-t-elle en lorgnant sur les cahiers. Il y a eu discussion, et tu pourras aller au chenil.”

La jeune femme sourit en voyant la joie apparaître sur le visage de la brunette. C’est ce qu’elle préfère dans son travail, voir ces enfants heureux, malgré leur passé souvent difficile.

“Mais il y a une condition : tu dois être accompagnée. J’irai avec toi.
— Merci… Aujourd’hui ?
— Non. Mais si tu n’as pas trop de travail, on ira demain.
— Oui oui, pas de souci !”

Les devoirs, ce n’est pas important à côté de cette opportunité. Qu’importe la quantité, May aurait accepté. Elle est pressée de revoir son chien, de pouvoir le serrer à nouveau dans ses bras. Tant qu’il reste dans un chenil et n’est pas adopté, elle veut pouvoir profiter de sa présence encore un peu. Juste un tout petit peu… Même si c’est contrôlé.

“Je te laisse travailler alors, bon courage !”

L’éducatrice ressort de la pièce en fermant la porte de la pièce, et la jeune fille se précipite sur son téléphone pour prévenir son petit ami de la bonne nouvelle.
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